Comment le digital est remonté dans la chaîne de valeur des entreprises (3/4)

Analyse rétrospective (en 4 parties) de la remontée des technologies digitales dans la chaîne de valeur des entreprises et de l'évolution concomitante du marché du conseil en innovation. Partie 3/4 : Evolution et convergence du marché du conseil et de l'ingénierie

L'explosion des nouveaux modèles de services, une nouvelle culture software, des approches désormais user-centric et lean impactent en profondeur la stratégie, l'organisation et la culture des entreprises. Elles induisent également de profonds changements chez les différents partenaires de la transformation digitale.

Convergence des métiers

Le digital émergeant dans tous les aspects de la relation qu'ont les entreprises avec leurs audiences (et en tout premier lieu avec leurs clients), il est logique que des acteurs initialement aussi différents que les cabinets de conseil, les agences de publicité et les ESN tendent tous à converger sur les mêmes marchés, chacun d'entre eux ayant une réelle légitimité sur le sujet, qu'elle soit business, expérientielle ou technologique.

Cette convergence a conduit à des rapprochements qui auraient semblé totalement iconoclastes il y a encore 15 ans, comme le rachat de l'entreprise technologique Sapient par l'agence Publicis ou des opérations de moindre ampleur mais tout aussi significatives telles que l'acquisition des spécialistes de l'UX Axance par l'ESN Devoteam ou Nealite par le cabinet PwC.

Avant ces grandes manœuvres, d'autres tendances moins visibles étaient depuis de nombreuses années déjà annonciatrices de la convergence en cours. Notamment celle qui amenait ces acteurs aux ADN fondamentalement différents à se retrouver en concurrence sur les mêmes appels d'offres ou celle qui induisait la mobilité de professionnels (business developer, directeurs artistiques chefs de projets, développeurs...) entre ces différents types de structures.

Plus inattendu encore, des cabinets comme McKinsey ou BCG qui étaient strictement focalisés, il y a quelques années seulement, sur la stratégie dans son acception la plus noble recrutent désormais des profils aussi opérationnels que des graphistes ou des devops !

En termes de convergence, on constate notamment une forte tendance à l'uniformisation des approches méthodologiques de l'ensemble de ces acteurs. C'est particulièrement vrai de celles utilisées sur les sujets d'innovation digitale et en tout premier lieu le design thinking et le lean start-up.

Changement des postures d'accompagnement

Centrées sur l'utilisateur, ses points de friction et une démarche de test & lean permettant la mise au point des produits et services digitaux, elles font grandement évoluer les postures d'accompagnement des partenaires de l'innovation que sont les cabinets, agences et ESN. La plupart d'entre eux sont ainsi passés d'une démarche avant tout analytique (audit, benchmark, études...) à une démarche basée sur l'expérience (observation, interviews, focus groups...). D'une culture de la planification (schémas directeurs, roadmaps, plannings, cycle en V...) à une culture de l'itération (agilité, sprints, intégration continue, lean ...). D'une culture projet (phases, spécifications, documentation...) à une culture produit (approche stratégique, client final, métriques..). D'une logique de la prestation (forfait, livrables ...) à une logique de collaboration (équipes mixtes, ateliers...). D'une posture de recommandation (analyse, expertise, présentations....) à celle de co-création (mobilisation, facilitation, pluridisciplinarité...).

Sans compter sur une autre tendance parallèle, celle de l'internalisation qui amène de nombreux grands comptes à réintégrer leurs projets, désormais trop stratégiques pour être confier à des sociétés externes, voire à créer leur propre agence interne.

Nouveaux acteurs spécialisés

Ce marché de l'innovation en plein bouleversement voit également l'émergence de nouveaux acteurs beaucoup plus spécialisés. Ainsi, ces dernières années ont vu la multiplication des structures de types accélérateurs et incubateurs qu'ils soient privés et indépendants (Station F, Numa, The Family, La Cantine, Plug and Play...) ou financés par des fonds publics (Agoranov, Paris & Co, Wilco ...). Nombre d'entre eux ont développé des activités à destination des grands comptes pour prendre en charge tout ou partie d'un programme d'accélération corporate ou pour les accompagner en termes de formation et d'acculturation aux méthodes startup.

D'autres acteurs spécialisés se positionnent également sur l'open innovation, la transformation managériale et culturelle en intervenant sur la mise en place de programmes et de sourcing (ex.: CentraleSupélec via son Institut Open Innovation), sur l'acculturation digitale et l'intrapreunariat (Hub Institute, The Schoolab, Startup Inside, BeMyApp ...) ou encore sur l'évolution des modèles organisationnels (Greenworking ou Yuman récemment rachetée par Fabernovel).

Des start-up studios (Efounders, La Piscine, Sparkling partners...) qui ont initialement vocation à industrialiser le lancement de jeunes pousses pour leur propre compte ont également parfois l'occasion de le gérer pour des sociétés tierces comme Redpill l'a fait pour le compte de Casino avec le société RelevanC.

Enfin, un dernier type de sociétés intervient sur des propositions de valeur et des modèles de prestation plus classiques mais en se focalisant souvent sur un aspect spécifique de l'innovation digitale : le software innovant (Xebia, The Machinery, Diji, Theodo ...), la culture produit (Thiga...), l'intelligence artificielle (Sicara ...), l'agilité (Wemanity...) ou l'approche l'innovation lean (Dynergie ...).

Une fois encore, les frontières entre toutes ces typologies d'acteurs sont tout sauf figées et des acteurs comme La Javaness qui tient à la fois de l'accélérateur, du startup studio et du prestataire de services défie clairement la classification et démontre si besoin était que ce marché continue d'évoluer.

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