Comment trois start-up du voyage d'affaires ont surmonté la crise

Comment trois start-up du voyage d'affaires ont surmonté la crise Okarito, Supertripper et TripActions sont revenus pour le JDN sur les enjeux surmontés et ceux à venir, notamment l'accompagnement vers des déplacements professionnels plus responsables.

Seulement 8% des voyageurs européens comptent reprendre leurs voyages d'affaires sur le même rythme et avec les mêmes habitudes qu'avant la crise sanitaire, selon une étude publiée en novembre 2021 par le cabinet en conseil Roland Berger. Cela ne semble pas inquiéter Zahir Abdelouhab, vice-président Europe du Sud chez TripActions, société spécialisée dans la gestion des voyages d'affaires, fondée en 2015. "Le constat est alarmant pour ceux qui n'arrivent pas à se réinventer, les anciens business models. C'est une aubaine pour nous". La licorne américaine, passée d'une valorisation de 2 à 7,2 milliards entre janvier 2020 et octobre 2021, a ouvert des bureaux parisiens en janvier. Elle assure enregistrer aujourd'hui un volume de réservation supérieur à l'avant crise. Zahir Abdelouhab l'explique par l'arrêt forcé des déplacements, qui aurait donné l'occasion aux entreprises de réfléchir à leurs besoins et de se tourner vers des offres plus adaptées.

Pour Okarito, plateforme de réservation de déplacements professionnels lancée en 2018, le volume de réservation a été multiplié par 6 ou 7 depuis le Covid. "On s'est rendu compte pendant le confinement que toute une frange d'entreprises était obligée de continuer à se déplacer en France, se rappelle le CEO Rémi Duvoux. On les a contactées et elles nous ont dit qu'elles ne savaient pas comment faire pour réserver leurs déplacements : les agences de voyages traditionnelles étaient au chômage partiel ou complétement fermées." La solution Okarito se veut plus simple et moins chère, ciblant les entreprises qui n'ont pas de gros besoins. Elle s'identifie aussi en tant que concurrent direct des sites BtoC, comme celui de la SNCF. "Les PME passent parfois directement par ces sites. Nous, on leur permet de tout centraliser sur un même outil, et c'est plus simple pour la compta", affirme le fondateur. Simplifier la compta c'est aussi permettre aux collaborateurs de ne pas avoir à avancer leurs frais de déplacement, "ça joue sur le bien-être".

Basée à Clichy, l'agence de voyages d'affaires Supertripper créée en 2015 propose à cette fin de supprimer l'intégralité des notes de frais, avec une interface de gestion qui permet au directeur financier de garder le contrôle. "On intervient en amont de la dépense avec un système d'approbation : on donne droit à tel type d'hôtel, telle classe dans l'avion pour telle ou telle équipe", explique le CEO Maxime Pialat. L'américain TripActions a quant à lui lancé en décembre 2021 une smart card baptisée Liquid dans laquelle il est possible d'intégrer directement toutes les politiques de voyage, pour des notes de frais créées automatiquement à chaque paiement, et une expérience collaborateur plus fluide. La licorne a également développé des dashboards pour "voir en temps réel où sont les collaborateurs, dans quels pays ils ont été sur les dernières semaines, où ils vont aller", ce qui se révèle très utile en temps de pandémie. En effet, "les entreprises ont eu besoin de l'expertise des agences pour assurer les déplacements professionnels dans cette période de crise", analyse Julie Panadero, coordinatrice apprenants et experts à l'ESCAET, école de commerce spécialisée dans le tourisme.

Les agences de voyage d'affaires, coachs RSE ?

Il est certain que "les entreprises attendent des solutions simplifiées pour gérer la mobilité de leurs collaborateurs tout en respectant leur politique voyage, le duty of care ou encore leur démarche RSE", poursuit Julie Panadero. D'autant plus que la volonté de voyager de manière plus responsable correspond à la fois aux besoins de l'entreprise et aux envies des collaborateurs. Supertripper y a pensé et n'a pas attendu la crise pour travailler sur un modèle de calcul qui prend en compte jusqu'au petit déjeuner servi à l'hôtel ou le modèle de l'avion emprunté. "Cela permet aux clients d'avoir une analyse complète de leur impact avant de réserver, appuie Maxime Pialat. Il y a ce côté pédagogique avant de confirmer son voyage." Grâce à un partenariat conclu avec la fondation GoodPlanet, les clients de la jeune pousse peuvent viser la neutralité carbone compensée en achetant des actions. Ces sommes d'argent, sur lesquelles Supertripper ne prend aucune commission, financent des actions environnementales. TripActions propose également, au moment de la réservation, de connaitre l'impact carbone d'un vol. En tant qu'utilisateur, "on voit aussi quel est le montant payé par notre entreprise pour compenser cet impact, souligne Zahir Abdelouhab. Par ailleurs, nous avons un partenariat avec Neste, start-up finlandaise qui permet d'acheter du biocarburant pour les avions."

Au-delà du digital qui a toujours été présent dans le secteur, "ce que la crise a révélé c'est le rôle de conseil que peuvent apporter les agences de voyages d'affaires", conclut Julie Panadero. Pour le CEO d'Okarito, "Il faut accompagner les boites dans une gestion plus digitale de leurs déplacement professionnels, notamment en les aidant à créer une politique de voyage équitable." Les travel management companies se penchent donc sur leur note RSE, un moyen d'apporter de la valeur ajoutée et peut-être de continuer à exister.