La start-up est morte, vive la start-up !

Et si on sonnait le glas du modèle "start-up" et de sa course effrénée aux levées de fonds ? Un changement de paradigme est inévitable.

Depuis plus de 10 ans, on a érigé le modèle start-up en nouvel eldorado de l'entreprenariat. Mais ces derniers mois, le contexte économique difficile (baisse des liquidités, inflation, crises à répétition) semble pousser ce modèle dans ses retranchements et montre ses limites. À l'image de la société qui se redessine en profondeur, un nouvel avenir plus durable se dessine à l'horizon pour l'entreprenariat.

Un modèle devenu obsolète face à une réalité économique de plus en plus complexe

En 2022, les start-up françaises ont levé 13,5 milliards d'euros via 735 opérations. Une augmentation de 17% en montants levés par rapport à 2021, mais une baisse de 6% en opérations avec un ralentissement majeur au cours du second semestre (-21%). Une tendance à la baisse qui devrait cruellement s'accentuer en 2023, dans un contexte économique fragile. Le pouvoir est revenu dans les mains des investisseurs, avec une nécessité de prudence qui les pousse à devenir de plus en plus sélectifs.

Le modèle traditionnel de la start-up, qu'on pourrait résumer par 1 hypercroissance pour 99 sociétés liquidées, doit changer de paradigme. Il est impératif de remettre en cause cette idée que la croissance à fonds perdus est la seule unité de mesure de la qualité d'une start-up. Par souci de cohérence avec la société aussi. À l'heure où les questions sociales et environnementales sont au cœur des enjeux, n'existe-t-il pas un modèle de financement et d'évaluation de la performance de ces entreprises qui permettent à la fois de faire émerger des solutions de rupture tout en diminuant le taux de casse ?

Ces dernières années, des financements importants ont été réalisés dans des sociétés opérant sur des secteurs "tendances", mais au moindre crash, la plupart ont été laissées sur le carreau. Et les exemples ne manquent pas :  la cryptomonnaie, la livraison ultra-rapide…. Deux choix s'offrent donc désormais aux investisseurs et aux entrepreneurs : parier sur des modèles long-termistes mais utiles à la société (sur des sujets fondamentaux de recherche comme la fusion nucléaire ou l'espace par exemple) ou lancer des start-up qui font de la rentabilité et de la pérennité leur priorité.

Vers plus de résilience et d'éthique 

Face à la crise, l'idée n'est pas de nier le "modèle start-up" en tant que tel, qui a su montrer ses forces. Prenons l'exemple des licornes : alors qu'elles n'étaient que 2 en 2015, la France en compte aujourd'hui 26 et vise maintenant un nouveau cap avec 100 licornes d'ici 2030. Mais cet objectif n'a de sens que s'il répond à une ambition extra-financière. Une licorne se doit d'être plus qu'une valorisation financière ou qu'une spéculation, mais bien une entreprise pertinente et basée sur une vraie proposition de valeur ajoutée. C'est cette quête de sens qui fera la différence aux yeux des investisseurs, et qui permettra de rééquilibrer la balance réussites-échecs, pour financer des places de marché ou des sociétés "winner takes all". 

Parallèlement, il est essentiel d'apporter aux start-up une nouvelle dimension : la résilience. Sur le papier, l'ambition est simple : réussir à concilier l'efficacité du modèle traditionnel (lorsque l'économie est favorable) tout en développant une meilleure résistance aux crises et aux disruptions de marchés. Le défi est donc désormais de développer un vrai modèle de rentabilité et de stabilité, capable de s'adapter aux périodes de croissance comme aux phases de récession. Pour ce faire, les start-up doivent s'attacher en priorité à mieux maîtriser leurs coûts pour être rentables plus tôt et s'assurer une trésorerie saine qui soit moins dépendante des investisseurs. Finie la grande époque où "cramer du cash" était la norme, l'heure est désormais à la rationalisation des coûts, la stabilisation et la solidification des marges. 

Ce n'est qu'en combinant valeur ajoutée et rentabilité que les start-up seront en mesure de convaincre les investisseurs historiques, ou d'en séduire de nouveaux. Il est en effet primordial que d'autres acteurs du financement émergent, en considérant comme facteur de succès non seulement leurs retours sur investissement, mais leur capacité à accompagner en ressources et en temps des entreprises utiles et pérennes sur le long terme.

L'année à venir sera sans doute déterminante pour de nombreuses start-up. Si certaines décisions pourraient être difficiles à prendre en 2023, espérons qu'elles aient au moins le mérite de remettre en question un modèle dont les ambitions sont devenues incompatibles avec ses moyens. Sans brider l'optimisme ni l'envie des entrepreneurs de continuer à développer des projets innovants au potentiel de développement exceptionnel.