Annuaire Universel : une simplification de la loi s'impose

La récente décision de l'Arcep sur l'annuaire universel avait pour objet de lever les principales incertitudes. Il n'est pas certain que l'objectif soit atteint, notamment du point de vue des abonnés et des utilisateurs.

L'ouverture à la concurrence des services d'annuaires et de renseignements, jusque-là bastion du monopole, se devait de s'accompagner de la mise en place d'une réglementation moderne, lisible et efficace.

 

La libéralisation avait pour finalité de favoriser la mise en place d'un marché, c'est-à-dire l'émergence de nouveaux entrants et la diversité de l'offre tout en assurant aux abonnés la préservation de leurs droits, sans pour autant imposer des sujétions indues aux opérateurs de téléphonie publique.

 

L'émergence d'un marché dérégulé-rerégulé s'accompagne nécessairement d'une période d'hésitation préalable à la phase de rationalisation au cours de laquelle offres et acteurs se concentrent librement, le rôle du régulateur consistant à accompagner le mouvement au travers d'une réglementation souple et adaptée. La situation semblait d'autant plus aisée en présence du maintien d'un service public assuré par l'opérateur historique de ce service.

 

Finalement, il n'est pas certain que le régime institué aux articles L.34 et R.10 et suivants du Code des Postes et des Communications Électroniques (CPCE) et précisé par la décision n°06-0639 de l'ARCEP, applicable depuis le 24 mars 2007, satisfera l'ensemble de ces critères.

 

Sans revenir sur les conditions qui ont conduit à la mise en place de ce régime, il faut bien admettre que la simplicité, voire, parfois, la clarté, n'en constituent pas les aspects principaux. C'est la raison pour laquelle, il nous semble utile de revenir sur ce régime, au moins sous l'angle des abonnés et des clients.


Un texte qui ne favorise pas l'inscription des numéros de mobiles
Les textes semblaient pourtant clairs et, en particulier, l'article R.10 du CPCE :

 

"Toute personne ayant souscrit un abonnement au service téléphonique au public a le droit de figurer gratuitement sur une liste d'abonnés ou d'utilisateurs destinée à être publiée."

 

En complément, l'abonné dispose du droit de s'opposer, en tout ou partie et sous certaines conditions, à l'inscription à l'annuaire et à l'utilisation de ses données (ex. : refus du marketing direct ou de l'annuaire inversé).

 

Ainsi, le client pourvu d'un abonnement auprès d'un opérateur de téléphonie est en droit, sans frais supplémentaire :

 

- de figurer à l'annuaire universel publié par les éditeurs habilités,

- de voir ses coordonnées téléphoniques communiquées à ceux qui en formulent la demande auprès d'un fournisseur de service "118 XYZ",

- d'imposer les restrictions qu'il souhaite et de changer d'avis autant de fois qu'il l'estime nécessaire.

 

Le schéma se complique selon que l'abonné a souscrit à un service fixe ou mobile.

 

En matière de téléphonie mobile, conformément au principe désormais célèbre de l'"opt-in", l'opérateur n'est astreint à l'obligation d'inscription qu'à la demande expresse de ses clients, y compris lorsqu'ils ont choisi le mode prépayé, c'est-à-dire même s'ils ne sont pas "abonnés".

 

En matière de téléphonie fixe, l'opérateur est soumis au principe corollaire, l'"opt-out" et doit  inscrire ses abonnés à l'annuaire par défaut, c'est-à-dire même si et tant qu'ils n'expriment pas de choix contraire.

 

Outre que la distinction induit un traitement différent du client, elle ne favorise pas ce qui constituait, semble-t-il, l'un des objectifs principaux de la nouvelle réglementation, c'est-à-dire l'insertion à l'annuaire des numéros mobiles.

 

En effet, si, actuellement, plus de 70 % des abonnés filaires figurent à l'annuaire, ils ne sont que 2,4 % des abonnés mobiles à avoir choisi l'inscription.

Quant à l'obligation d'informer le client, elle consiste, selon les textes, à porter à son attention ses droits en matière d'inscription à l'annuaire. Elle pèse sur les opérateurs et leurs distributeurs qui doivent, en outre, prendre en compte les demandes rectificatives des abonnés alors même que cette obligation pèse également sur les annuairistes. Dès lors, l'abonné semble disposer, au moins en ce qui concerne les données personnelles, de la possibilité d'exprimer ses choix aussi bien à l'égard de son opérateur que d'un annuairiste ou d'un "118".

 

Ce que change la décision de l'Arcep
Mais, la récente décision de l'Arcep est venue modifier le contenu et la portée du devoir d'information pour les opérateurs fixes et pour les opérateurs mobiles.

 

Pour les opérateurs fixes, de l'obligation ci-dessus, la décision glisse vers une simple vérification que le client "est informé de l'ensemble de ses droits".

 

En revanche et nonobstant le principe de l' "opt-in", l'opérateur mobile doit "demander expressément [au nouvel abonné] s'il souhaite s'exprimer sur la parution de ses données personnelles dans l'annuaire et consigner sa réponse". En d'autres termes, l'opérateur mobile ne saurait se limiter à interroger le nouveau client sur son souhait de parution à l'annuaire, mais doit expliciter les droits dont il dispose. Cette obligation n'est toutefois pas applicable aux clients ayant opté pour le mode prépayé pour lesquels, cependant, la décision n'indique pas si cette exonération implique la soumission au régime de l'obligation d'information définie pour les opérateurs fixes.

 

L'obligation d'information des opérateurs mobiles est néanmoins atténuée par la décision qui les autorise à ne collecter auprès du nouveau client que les "informations minimales", c'est-à-dire le nom, le prénom, l'adresse, le numéro et les choix de restriction auxquels s'ajoute le SIRET, pour les professionnels, sous réserve de mettre à disposition des abonnés, dès la souscription de l'abonnement, "un moyen aisé, permanent et gratuit immédiatement accessible" leur permettant de compléter ou de modifier leurs données.

 

En cas de portabilité d'un numéro fixe ou mobile, le régime est distinct et uniforme pour l'abonné : son nouvel opérateur devra s'enquérir auprès de lui de ses choix de parution antérieurs, les "consigner" et se charger des éventuelles modifications à l'annuaire universel.

 

Quant aux données concernées par l'inscription à l'annuaire, le dispositif réglementaire, renforcé par une récente décision de la CJCE, était également clair et précis.

 

Les données dont la collecte était requise au titre de la constitution des annuaires se limitaient aux informations de nature à permettre l'identification de l'abonné. Ainsi, les données pertinentes se composaient du nom, de l'adresse, y compris le code postal, et des numéros de téléphone. Toute autre donnée relevait de l'enrichissement des bases de données, opération normalement à la charge des éditeurs d'annuaires et des "118", sauf pour les autorités nationales à ajouter des "données additionnelles" pour autant qu'elles établissent la nécessité de leur collecte au regard de l'identification du client.

 

Or, selon la décision de l'Arcep, ce ne sont pas moins de 44 champs de données que les opérateurs pourront avoir à compléter et que les abonnés devront donc fournir ! Ceux-ci risquent d'être rebutés par une inscription - ou une modification - à l'annuaire et les éditeurs et "118" pourraient ne pas être incités à différencier leurs offres.

 

Au-delà, la définition des données appelle peu de commentaires. On relèvera cependant que la décision de l'Arcep précise la notion de numéro. Seuls les numéros attribués à un client et permettant de recevoir des appels de téléphonie vocale, de fax, d'accès télématique ou de messagerie ouvrent droit à l'inscription, à l'exclusion des numéros internes que l'opérateur utilise pour son propre compte. La notion de numéro ne s'étend pas à l'adresse électronique : l'insertion de celle-ci relève d'une faculté pour l'opérateur, l'abonné ne pouvant l'imposer.

 

Quant aux restrictions formulées par l'abonné sur la parution de ses données à l'annuaire, elles portent avant tout sur le droit de refuser d'y figurer. D'autres restrictions sont possibles, mais elles sont encadrées, dans la plupart des cas. L'abonné peut ainsi s'opposer :


- à la recherche inversée,

- pour les seules données à caractère personnel, à leur utilisation dans le cadre d'opérations de marketing direct, par voie postale ou électronique, sauf si elles concernent des offres de téléphonie de son opérateur,

- à la mention complète de l'adresse de son domicile, sauf s'il s'agit d'un professionnel fournissant des biens ou des services aux consommateurs,

- à l'absence de référence à son sexe, sous réserve d'homonymie.

 

À noter que l'abonné titulaire de plusieurs abonnements dispose de la faculté d'imposer des restrictions différentes selon l'abonnement.

 

Quant aux garanties de non-utilisation des données personnelles des abonnés, elles sont assurées traditionnellement et essentiellement au travers de la loi n°78-17 modifiée relative à l'Informatique, aux fichiers et aux libertés applicable aux intervenants. Elles sont renforcées par l'interdiction expresse faite aux éditeurs et "118" de céder les listes d'abonnés qui leur sont communiquées, "sauf stipulations contractuelles contraires", c'est-à-dire figurant dans les contrats conclus avec les opérateurs.

 

Quant aux tarifs des services proposés par les éditeurs d'annuaires et les "118", tels que les annuaires imprimés, les requêtes en ligne ou au service de renseignements, les recherches avancées ou inverses, les mises en relations, l'envoi de SMS ou de courriels, les services en langue étrangère ou la recherche de professionnels, ils sont librement déterminés par chacun d'entre eux.

 

Une exception toutefois : dans le cadre de ses obligations de service public, France Télécom fournit le service de renseignements "118 711" dont le tarif a fait l'objet d'une homologation ministérielle qui arrivait normalement à échéance en mars 2007.

 

Ce n'est pas une surprise : le régime applicable à l'annuaire universel et au service universel de renseignements n'est pas simple. L'aménagement rapide d'une réglementation simplifiée favoriserait certainement l'essor de ces nouveaux marchés.