Fragmentation du marché Mobile : Les ennuis commencent-ils ?

Le marché de la Mobilité grand public est en passe à lui seul d’accélérer l’adoption des nouvelles technologies et de les intégrer dans la vie quotidienne des usagers.

Qui aurait cru il y a quelques années à l'essor de la photographie sur Mobile ? Qui aurait pu imaginer que l'intégration d'un APN, même de piètre qualité, dans un téléphone pourrait créer de nouveaux usages (géo tagging, réseau social etc..), de nouvelles expériences utilisateurs comme la réalité augmentée qui n'en est encore qu'à ses débuts ?


Lorsque tout était simple ... 
  Nous avons connu une situation dite "de stabilité" après les années 2000, à la fin de la bulle Internet, où les acteurs du marché professionnel et grand public bâtissaient leur "empire" sur leur marché respectif. Nokia et l'alliance Symbian étaient quasi incontournables sur les téléphones grand public, Windows Mobile, ou Pocket PC à l'époque, régnait sur le monde professionnel en proposant une plateforme compétitive, et Palm OS pour son usage personnel, était plébiscité par les utilisateurs.

Cela signifiait pour l'usager un paysage simple, une décision rapide lors de son achat.
Pour les sociétés de services, spécialisées dans le développement d'applications mobiles, mais aussi pour les agences Marketing dédiées au grand public, la réalisation de projets Mobiles était une formalité, les équipes de développement se focalisaient sur un ou plusieurs systèmes d'exploitation, les développeurs avaient des compétences liées aux plateformes et les technologies de déploiement étaient semblables.

Certes tout n'était pas rose, la fragmentation du système Symbian avec ses multiples sous systèmes  ne permettait pas de développer aisément une application grand public. Le monde Microsoft était plus simple puisque la plateforme cible n'avait pas ou prou évoluée (Pocket Pc 2002, 2003, Windows Mobile...), les développeurs se concentraient essentiellement sur les nouvelles caractéristiques du terminal (intégration notamment du GPS et de l'appareil photo). N'oublions pas enfin, le BlackBerry, qui était destiné à un usage purement professionnel et dont la principale fonctionnalité à l'époque était d'accéder à ses mails professionnels. 


La remise en cause !
La venue d'Apple a considérablement changé la donne et modifié à jamais le paysage de la mobilité grand public. En effet, l'arrivée d'un terminal multi-fonctions répondant aux aspirations marketing du moment et intégrant une interface (enfin !) simplissime a contribué à changer radicalement la perception des utilisateurs vis-à-vis des téléphones intelligents et a bousculé le paysage des ténors existants. Le marché était devenu quelque peu atone, et les évolutions des interfaces utilisateurs étaient liées essentiellement à la bonne volonté des constructeurs. L'iPhone a redynamisé le marché en proposant une interface qui rendait l'utilisation du téléphone simple et intuitive tout en offrant des applications à foison.

La suite, nous la connaissons bien, les différents constructeurs ont emboîté le pas, avec quelque retard pour certains, afin de proposer des téléphones plus évolués mais aussi plus simples. Ils ont accéléré la prédominance de l'écran tactile, et à fortiori, de la technologie multipoints, et ont adopté de manière standard les dispositifs GPS, APN, biométries... En plus de l'arrivée d'un nouvel appareil, il s'agit d'un système complet de kiosque d'applications qui est devenu incontournable, comme AppStore, AppWorld, Market Place, Ovi, Samsung Mobile Applications, etc. Ce qui était une véritable avancée pour l'usager que nous sommes, s'est transformée très rapidement en bataille de tranchée pour les constructeurs et les éditeurs, la raison : la fragmentation accélérée du marché...


De plus en plus dur...
Les années 2008-2009 ont vu éclore un nombre incroyable de nouveaux terminaux et de nouvelles technologies. De nouveaux acteurs, même ceux que l'on n'attendait pas d'ailleurs, se sont positionnés sur un marché de plus en plus convoité, ce qui a irrémédiablement suscité l'arrivée de nouvelles technologies et de nouvelles plateformes. Apple a dégainé le premier en proposant une plateforme basée sur son Mac Os et dont les développements s'effectuent en Objective C.

Google a répliqué rapidement en proposant son système Androïd basé sur du Linux et développé à partir de Java. Palm a sorti le Palm Pre, basé sur  Web OS. HTC a décliné Windows Mobile en proposant sa propre interface utilisateur Touch Flo. Le consortium LiMo a proposé un système basé sur un noyau Linux. Et ce, sans compter les différentes déclinaisons J2ME qui fleurissent également.

La fragmentation, c'est-à-dire la multiplicité des terminaux, des OS et des technologies sous jacentes s'est accélérée au fil des dernières années jusqu'à aboutir à une ribambelle de systèmes nouveaux et anciens.


Le résultat ? Tous ces systèmes sont parfaitement incompatibles entre eux ! Cela signifie qu'une application développée pour une plateforme doit être entièrement retravaillée pour la nouvelle plateforme cible. Aujourd'hui, pour une société de services ou un éditeur, proposer une application capable d'être générique et donc accessible à tous les terminaux du marché relève du parcours du combattant. La multiplicité des technologies, des outils de développement, et des caractéristiques intrinsèques des appareils empêche véritablement de générer des services.

Cela rappelle indubitablement, mais dans une moindre mesure, la guerre des consoles d'aujourd'hui, opposant les technologies de Microsoft avec sa Xbox360, Sony (PS3) et Nintendo (Wii) où un jeu vidéo doit être réécrit pour tirer partie des fonctionnalités de ladite console. Les éditeurs doivent alors faire des choix, plus économiques que techniques assurément.

Quel est l'impact pour le grand public ? Se retrouver pieds et poing liés avec un constructeur de terminaux, sa politique tarifaire et ses choix de distribution d'applications, avec la très nette sensation pour le client, qu'il lui sera difficile de changer de terminal nomade tout en conservant ses contacts, ses applications préférées, et ses outils de prédilection. 

Que va-t-il se passer ?
Les éditeurs se tourneront de plus en plus vers le modèle économique le plus attrayant, initié par Apple avec son 80/20, il est maintenant copié voire surpassé par les offres concurrentes. Pour le grand public, cela signifie que le cycle de vie d'un téléphone portable va être lié au support des constructeurs eux-même et à sa capacité à posséder un éventail d'applications. Alors que constatons nous ?

La segmentation qui s'opère entre les constructeurs/éditeurs s'intensifie de plus en plus. Les constructeurs qui proposaient une plateforme unique sur leur terminaux changent leur fusil d'épaule et intègrent dans leur gamme un autre système d'exploitation (c'est le cas notamment d'HTC qui propose des terminaux sous Windows Mobile mais aussi sous Androïd).

Les éditeurs de logiciels vont devoir s'adapter et se structurer afin de pouvoir répondre à toutes ces nouvelles demandes et aux nouveaux besoins des utilisateurs
, ce qui conduit irrémédiablement les plus petits d'entre eux à une spécialisation forte sur un terminal, et pour les plus gros à consentir des efforts financiers et humains plus importants.

Finalement est-ce que l'usager que nous sommes sera impacté directement par cette fragmentation accélérée du marché mobile ? Accéder à un ensemble important d'applications, pouvoir choisir un terminal parmi des centaines de modèles différents ne peut être que bénéfique pour notre porte monnaie. Mais comment être sûr que ce choix sera pérenne et que le terminal choisi sera encore supporté par les éditeurs et les constructeurs dans quelques années ? Va-t-on assister à une consolidation d'un marché où les acteurs d'aujourd'hui risquent de ne plus être présents demain ?

Difficile en effet d'analyser un secteur extrêmement mouvant, sensible aux fluctuations économiques, et plus encore aux évolutions technologiques (l'apparition de l'écran multi-points et de l'APN intégrés par exemple). Quoi qu'il en soit, nous allons assister pour cette fin d'année à un déluge d'annonces et peut être à des surprises de taille.