Vente de médicaments sur Internet: réglementer pour mieux contrôler ?
Tandis que le commerce en ligne représente le créneau de croissance le plus rapide du commerce de détail, les pharmaciens français ne pénètrent que frileusement ce canal pourtant attractif.
Récemment, quelques
pharmaciens aventureux [1]
ont tout de même tenté de s’introduire sur la toile, étendant leur activité en
ligne.
Au-delà de la polémique suscitée
par ces épiphénomènes à l’échelle de l’économie numérique, ces actualités sont
l’occasion de souligner l’absence, en France, d’un cadre juridique propre aux
cyberpharmacies.
Il s’agirait d’une exception
française puisque la plupart [2] des États
membres de l’Union européenne ont ouvert les vannes du commerce en ligne à
leurs officines de pharmacies, voire même à des non pharmaciens pour le Royaume
Uni et les Pays Bas.
Ces dernières années, les
institutions européennes ont d’ailleurs démontré à plusieurs reprises leur
volonté affirmée d’autoriser la vente encadrée de médicaments en ligne.
La Cour de Justice de l’Union
Européenne (CJUE), dans un arrêt [3]
du 11 décembre 2003, a acté qu'un État-membre ne pouvait
empêcher la vente sur Internet de médicaments, non soumis à prescription,
réalisée par un pharmacien et autorisés dans le pays où ils sont
commercialisés. Une telle interdiction de principe constituerait une entrave à
la libre circulation des marchandises mais pourrait être justifiée pour raisons
de protection de la santé publique, uniquement, dans le cadre de la vente des
médicaments soumis à prescription médicale.
Le 8 juin 2011, le Parlement
européen a adopté une Directive [4],
selon laquelle, « sous préjudice des
législations nationales qui interdisent l’offre à la vente à distance au public
de médicaments soumis à prescription, au moyen de service de la société
d’information, les États membres veillent à ce que les médicaments soient
offerts à la vente à distance au public au moyen de services de la société de
l’information ».
Ainsi, sous réserve du respect
d’une obligation d’information et d’identification renforcée à la charge du
pharmacien (informations obligatoires, mise en place d’un label de qualité,
etc.), ce dernier doit pouvoir mettre en ligne, librement, les médicaments non
soumis à ordonnance.
Pour justifier une
telle frilosité, les professionnels et organismes réfractaires à la
dématérialisation (partielle) des pharmacies invoquent, pour la plupart, le
manque de confiance, l’absence de traçabilité et d’authentification des
médicaments ainsi que le risque induit pour la santé publique.
Le succès du e-commerce, quelque soit l’activité visée,
sous-tend la confiance des e-consommateurs ainsi que la
mise en place de règles permettant de garantir la sécurité des acteurs. Aussi,
ne serait-il pas mieux d’autoriser pour mieux encadrer la vente en ligne de
médicaments ?
Dans un contexte de
marché unique, sans frontière, il paraît déraisonnable de conserver cette
position passive et faussement protectionniste, au risque d’ailleurs de
favoriser les importations de médicaments contrefaits, en provenance de sites
peu recommandables.