Martin Kelly (Infectious Media) "Notre plateforme nous permet d'aller plus loin que les DSP en matière d'achat RTB"

Le cofondateur du spécialiste anglais du trading média en RTB revient sur les enjeux qui sous-tendent le marché du display intelligent.

JDN. Pouvez-vous nous présenter Infectious Media ?

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Martin Kelly, CEO d'Infectious Media. © S. de P. Infectious Media

Martin Kelly. Nous avons lancé notre société de trading média, Infectious Media, avec Andy Cocker, il y a 5 ans, après avoir passé de nombreuses années en agence digitale. Nous étions partis du constat que le search avait commencé à exploser dès lors qu'il était commercialisé à travers des plateformes et qu'il s'appuyait énormément sur la data. Alors que, de l'autre côté, le display restait stagnant, géré via des méthodes dépassées. D'où la nécessité de faire du "display intelligent".

C'est à ce moment que sont apparus les ad-exchanges et l'avancée qu'ils permettaient en matière de commercialisation du display, en optimisant l'usage de la donnée, en permettant de piloter les stratégies d'achat plus finement. De là est né Infectious Media. Après deux années relativement calmes, c'est en 2010 que nous avons observé le véritable point d'inflexion, avec des technologies qui devenaient matures et des annonceurs prêts à nous suivre. Nous travaillons aujourd'hui avec des marques telles que Sky, John Lewis et Waitrose, nous nous appuyons sur une équipe de 40 personnes au Royaume-Uni et avons réalisé un chiffre d'affaires en croissance de 120% entre 2011 et 2012. D'un point de vue business, 50% de notre activité est constituée par la gestion des comptes clients et l'autre moitié par la plateforme propriétaire, actuellement en phase de beta avancée.

Vous semblez avoir beaucoup investi dans cette plateforme. En quoi celle-ci porte-t-elle votre activité de trading média ?

Nous avons commencé par utiliser les DSP traditionnels, Invite Media, Appnexus ou autres, et nous nous sommes vites rendus compte que si ces outils, prêts à l'emploi, vous permettent d'acheter en RTB, ils ne permettent pas d'aller aussi loin que du "sur-mesure". J'entends par là qu'au-delà du matching de cookie et de l'achat en temps réel, les outils proposés étaient trop standardisés pour nous permettre d'obtenir des performances meilleures que celles des ad-networks. Ça a d'ailleurs généré une certaine déception du côté de nos clients, au début.

C'est pourquoi nous avons lancé notre plateforme propriétaire, qui nous permet de traiter des milliards de données chaque mois, de segmenter une audience à l'extrême et d'opter pour une stratégie d'achat à forte granularité. En bref, de pouvoir faire preuve d'une précision chirurgicale dans nos campagnes d'achats.

La data constitue justement la moelle épinière de cet écosystème. On parle beaucoup de donnée propriétaire et de donnée tierce. Quelle est votre position quant à son exploitation ?

De mon point de vue, le marché de la donnée tierce est pour l'instant relativement décevant. Plusieurs raisons à cela. Déjà, l'aspect un peu "boîte noire" qui accompagne ces stocks de données. Ok, on me propose du "15-25 ans qui aime le football", mais on m'indique rarement d'où proviennent ces profils et quel est leur fraîcheur. Aussi, le recours à de telles informations multiplie souvent par deux ou par trois le coût d'une impression. Travailler avec de tels apporteurs de data me semble donc trop contraignant et coûteux. En revanche, je pense qu'il peut être intéressant de travailler avec les éditeurs qui peuvent, eux, garantir la provenance et la fraîcheur des données qu'ils fournissent. Je pense par exemple à des acteurs comme eBay ou l'Orange AdMarket qui proposent des choses très intéressantes.

La data des annonceurs est un véritable trésor de guerre

Quoi qu'il en soit, la data propriétaire me semble être la seule rentable à ce jour. Les annonceurs disposent en effet d'un véritable trésor avec ces données qu'ils ont récoltées sur leurs clients et qu'ils peuvent exploiter dans le cadre de leurs achats programmatiques. Cela leur permet de segmenter, qualifier et, in fine, bien cibler leur audience.

Le RTB est aujourd'hui porté par la performance. Le branding est en revanche encore rare. Qu'en pensez-vous ?

Pour commencer, je pense que les ad-exchanges captent plus d'investissements branding qu'on ne pourrait le croire. Tout simplement parce que les annonceurs n'ont pas toujours conscience que les campagnes branding qu'ils confient à des ad-networks sont, en fait, placées via du RTB. Et puis la technologie d'achat, rapide et simplifiée, s'y prête très bien, donc je ne vois pas de raison à ce que le branding ne vienne pas, à terme, fortement alimenter le RTB.

Bien sûr, on peut encore regretter que les emplacements mis à disposition ne soient pas toujours les plus propices, peu visibles, peu valorisants. Le rich-media est, par exemple, encore trop rare. Mais les motifs de réjouissance sont là ! Prenez le marché français. Des groupes médias premiums ont décidé de lancer leurs propres ad-exchanges, "Audience Square" et "La Place Media". C'est bien la preuve qu'ils ont compris quel était leur intérêt. Je regrette d'ailleurs que nous n'ayons pas de telles alliances au Royaume-Uni où chacun veut garder la main sur la commercialisation de son inventaire en RTB et reste dans son coin.

Achetez-vous sur mobile ?

Oui, mais cela reste encore une niche. Le principal frein étant, dans une industrie où la data est clé, la difficulté que l'on a à tracker l'utilisateur dans cet univers ultra fragmenté, qu'il s'agisse des différents OS ou de la difficile réconciliation entre in-app et Internet mobile. On voit des éditeurs investir de plus en plus dans des applications, dans le gaming, la rencontre, les services... Le souci, c'est que je ne vois pour l'instant pas de marché se créer. Cela me fait d'ailleurs toujours sourire lorsque je reçois des communiqués de presses dithyrambiques, relayant des soi-disant success-stories mobiles. Souvent déconnectées de la réalité.

Quels sont vos objectifs pour 2013 ?

Nous suivons de près l'Amérique Latine et l'Asie

Nous allons ouvrir de nouveaux bureaux à l'étranger. Je pense qu'entre le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, nous sommes suffisamment implantés en Europe. Néanmoins nous allons commencer à regarder du côté de marché en croissance tels que l'Amérique Latine ou l'Asie. Notre business model, facilement "scalable" grâce à notre technologie propriétaire, doit nous permettre d'y arriver. Il ne s'agirait après tout que d'implanter une force commerciale dans ces nouveaux marchés pour les évangéliser. Même si, je le concède, nous devrions nous adapter aux spécificités de marchés qui ne sont pas aussi matures les uns que les autres.

En ce qui concerne les pays où nous sommes déjà présents, notre objectif est bien évidemment de faire mieux. Cela signifie d'être toujours plus disruptif en matière d'offres aux annonceurs.

Martin Kelly est le cofondateur et CEO d'Infectious Media, trading desk independant et spécialiste anglais du trading media, qui possède des bureaux à Londres, Paris et Hamburg. Martin Kelly a débuté sa carrière en tant que média-planner chez Zenith Media avant de devenir un des membres fondateurs de Zenith Interactive Solutions en 1999. Avant le lancement d'Infectious Media, Martin était directeur média au conseil de direction de Agency Republic, une agence Omnicom.