Fibre optique : Orange dément bloquer la concurrence

L'opérateur historique fait tout pour gêner ses concurrents dans leur déploiement de la fibre optique, dénonce l'UFC-Que Choisir qui demande au gouvernement d'imposer la mutualisation des infrastructures au NRO.

"Orange utilise les avantages acquis par France Télécom lorsqu'il était en situation de monopole pour brider la concurrence sur un marché en devenir ", celui de la fibre optique à domicile, dénonce l'UFC-Que Choisir dans un communiqué publié lundi 21 avril. L'association de défense des consommateurs accuse notamment l'opérateur historique de bloquer les discussions en cours entre les fournisseurs d'accès Internet pour parvenir à un accord de mutualisation de la partie terminale du réseau de fibre optique. Des accusations que réfute France Télécom.

En France, la course à la fibre est lancée depuis près de deux ans entre Orange, Neuf Cegetel et Free. Pour déployer leur réseau d'accès Internet à domicile en très haut débit, les FAI se livrent à une véritable guerre de quartiers, de rues et d'immeubles. Car le premier opérateur qui signe une convention de raccordement avec le syndic d'une copropriété dispose aujourd'hui d'un monopole de fait. En effet, en dépit de la volonté affichée du gouvernement et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), il n'existe pas aujourd'hui d'encadrement règlementaire des conditions de mutualisation du réseau de fibre optique dans les immeubles.

Une absence dont s'inquiétait déjà en octobre 2007 l'UFC-Que Choisir, conseillant donc aux propriétaires d'attendre la mise en place d'un cadre réglementaire avant de prendre une décision (lire l'article du JDN Fibre optique : un vrai faux départ ? du 10/10/2007). Aujourd'hui, l'association estime qu'Orange "déploie beaucoup d'énergie pour gêner ses concurrents ".

"Orange se dit prêt à mutualiser ses infrastructures de fibre optique, mais uniquement au niveau des points de raccordement en pied d'immeuble, et non dans le NRO [nœud de raccordement optique, ndlr] comme le proposent les autres FAI, explique Edouard Barreiro, chargé de mission TIC à l'UFC-Que Choisir. Ceci implique d'avoir d'importants effectifs pour couvrir un large territoire. Or, si Orange bénéficie des employés de France Télécom, Iliad-Free, Neuf Telecom ou même Alice n'ont pas de telles ressources. D'autre part, les boîtiers permettant la mutualisation sont localisés dans les immeubles, nécessitant une autorisation pour pouvoir intervenir. Ces choix ne sont pas guidés par une cohérence économique ou technique puisque les autres acteurs se sont prononcés pour un point de mutualisation plus en amont permettant en un seul lieu d'agir sur un plus grand nombre d'abonnés."

Selon France Télécom, ces affirmations ne sont pas fondées. Dans un communiqué publié en réaction à celui de l'UFC-Que Choisir, l'opérateur historique réaffirme "son attachement à un déploiement sain et équilibré de la fibre optique". France Télécom rappelle ainsi qu'une offre de mutualisation du câblage d'immeuble est proposée depuis décembre 2007 pour faciliter l'accès aux immeubles, et que les modalités d'intervention dans les immeubles fibrés par France Télécom prévues par cette offre ont été définies en collaboration avec la FNAIM Ile-de-France et l'Association des Responsables de Copropriétés.

Les conventions signées prévoient ainsi que le propriétaire autorise France Télécom et les autres opérateurs FTTH bénéficiaires de la mutualisation du réseau interne passif en fibres optiques, ou leurs sous-traitants, à pénétrer dans les parties communes de l'immeuble, à poser et à exploiter le réseau de fibres optiques et à raccorder de nouveaux clients, dans les mêmes conditions que France Télécom. De la même façon, les travaux de raccordement de France Télécom sont aussi réalisés par des sous-traitants que les opérateurs tiers peuvent tout autant faire intervenir.

France Télécom confirme en revanche s'opposer au principe d'une mutualisation des infrastructures dans les NRO. "Tous les opérateurs, France Télécom y compris, sont dans une situation de construction d'un nouveau réseau, indique un porte-parole de l'opérateur historique. Si on mutualise au niveau des NRO, il n'y aura plus de concurrence sur les infrastructures". Sous-entendu : pas question pour France Télécom d'investir massivement dans le déploiement d'une infrastructure d'accès Internet en fibre optique pour que ses concurrents en profitent par la suite, sans investir de leur côté.

L'opérateur historique précise d'ailleurs être toujours en phase de "pré-déploiement" de la fibre optique, avec 7.268 clients abonnés à son offre de fibre 146.006 foyers raccordables au 31 décembre 2007, et non en phase de "déploiement " comme l'indique l'UFC-Que Choisir dans son communiqué, sous-entendant la reconstitution d'un monopole de l'opérateur historique sur ce nouveau marché.

Autre grief de l'association de défense des consommateurs : le refus de d'Orange, contrairement à ses concurrents, de divulguer où se trouvent ses points de raccordements. "Ne connaissant pas les immeubles raccordés, la concurrence n'est pas en mesure de proposer une alternative aux consommateurs fibrés par Orange ", dénonce l'UFC dans son communiqué. "Il n'y a pas de processus formel d'échange d'informations", reconnaît l'opérateur, tout en expliquant que l'information passe souvent par les clients qui doivent appeler leur FAI pour signaler le raccordement de leur immeuble en fibre optique.

Le projet de loi de modernisation de l'économie, qui sera débattu au Parlement fin avril, comporte plusieurs mesures visant à faciliter l'accès aux immeubles par les opérateurs et la mutualisation du câblage interne des immeubles entre opérateurs, via la mise en place notamment d'une convention type passée entre les copropriétés et les opérateurs (lire l'article Le gouvernement présentera un plan très haut débit au printemps du 14/02/2008). Mais "la mise en place de la réglementation va être longue", souligne l'UFC-Que Choisir qui demande également au gouvernement d'imposer "la mutualisation au NRO comme modalité de raccordement par défaut" et de contraindre "Orange et l'ensemble des acteurs à partager leurs informations pour que le consommateur puisse bénéficier d'un réel choix."