Mondialisation, régionalisation.. mais où va le commerce mondial ?

Vêtements chinois, café brésilien… Les objets de notre vie courante sont de grands voyageurs. Ils témoignent de l’essor sans précédent du commerce mondial. Bilan.

Vous êtes-vous déjà demandé d’où viennent toutes les choses qui vous entourent, celles que vous portez, celles que vous mangez ?
C’est vertigineux : il suffit d’y penser pour faire plusieurs fois le tour du monde en quelques instants.

Les objets voyagent beaucoup plus que nous

Le café que je bois provient du Brésil (10 000 km avant d’arriver dans ma tasse), mon thé vert du Sri Lanka (troisième producteur au monde après la Chine et l’Inde – soit 8 500 km). Mon téléphone portable a été fabriqué dans les (tristement) célèbres usines de Shenzhen, en Chine (9 500 km). Mes chaussures et chaussettes ? Encore de Chine (60 % des chaussures sont fabriquées en Chine et le tiers de la production mondiale de chaussettes dans la seule ville de Dantang !).
Votre magazine à été conçu en France, imprimé à Bruxelles, son papier vient d’une usine de Finlande. Sauf si vous lisez sur une tablette – dans ce cas, le magazine a suivi les nouvelles routes du commerce numérique ; elles passent par des milliers de kilomètres, par les ondes, des câbles et des satellites avant de s’afficher sur l’écran.

Quelques objets suffisent donc pour nous faire voyager sur les cinq continents. Et ce petit calcul ne tient pas compte des composants de l’objet lui-même. S’il faut prendre en compte toutes les fabrications intermédiaires, les kilomètres s’allongent. Car avant de devenir une chemise, il a bien fallu acheter le tissu, et avant, la matière première qui le compose.

Dans son livre Les Aventures d’un tee-shirt dans l’économie globalisée (Fayard, 2007), l’économiste Pietra Rivoli a suivi pas à pas l’itinéraire d’un tee-shirt acheté à Harvard. Elle a eu la surprise de voir que le coton était acheminé depuis le Texas dans des usines chinoises de textile, avant d’être expédié par gros bateaux vers les marchés européens et américains ! Comment comprendre que le Texas puisse encore être un lieu de production de coton ?



Quand la distinction fait 
la différence


À cause, répond P. Rivoli, des « lois du marché », en l’occurrence les avantages comparatifs que sont les coûts des matières premières et de la main-d’œuvre. Et de nombreux autres facteurs agissent. La technologie par exemple, qui a permis aux cotonniers du Texas de garder la main sur une industrie pourtant gourmande en main-d’œuvre.
Le commerce international, c’est aussi des règlements internationaux (OMC), des normes imposées par les pays producteurs et les importateurs. Ce sont aussi des contrefaçons, des stratégies de dumping pour contourner les règles. Le commerce mondial est aussi façonné par les choix des consommateurs, sinon les Français ne pourraient continuer à vendre des produits de luxe tels L’Oréal, LVMH ou de grands vins dans le monde, alors qu’il serait si facile aux Chinois de les fabriquer eux-mêmes. En matière de commerce international, la « distinction » compte.
Le capitalisme plonge même ses origines dans un commerce international centré sur des produits de luxe – thé, café, tabac, épices, soieries, porcelaines… – et non visant à satisfaire des besoins de consommation primaires.
 Le commerce international résulte autant du jeu des avantages comparatifs dans des produits de base que de celui des rapports de force, entre stratégies des firmes et des États, choix des consommateurs et facteurs géopolitiques et historiques.
Si la Chine est devenue le premier producteur et exportateur de chaussures, chaussettes, jouets, électronique, c’est parce que le pays a décidé d’opérer une grande transformation et de s’ouvrir à l’économie de marché, qu’elle a importé des technologies (qu’elle a abondamment pillées au passage, ce qui n’est qu’un juste retour des choses, les Occidentaux ayant beaucoup puisé dans les technologies chinoises – imprimerie, poudre, papier… – en d’autres temps).



Une croissance continue


Quelles sont les principales tendances du commerce mondial ? Tout d’abord, un fait majeur : son augmentation continue depuis l’après-Seconde Guerre mondiale. Le commerce mondial a décuplé entre les années 1950 et 1990. En vingt ans, de 1990 à 2010, il a encore triplé (Voir OMC, Rapport sur le commerce mondial, 2013). Et le commerce croît toujours deux fois vite que la production, signe d’une interpénétration croissante des économies.


Qui en sont les principaux acteurs ?

Qui dit commerce mondial pense aussitôt à la Chine et aux importations massives de matériel électronique, vêtements, meubles, jouets transportés par containers géants et déversés dans les grands ports du monde. Il est vrai que la montée de la Chine dans le commerce mondial en trente ans est impressionnante. Elle est passée du 31ème au 4ème rang des exportateurs ! Mais ce phénomène massif ne doit pas occulter d’autres tendances de fond. Le premier exportateur au monde reste les États-Unis. Ils vendent au monde entier, non seulement du rêve (Hollywood, jeux vidéo…), mais aussi de l’informatique (Apple, IBM et Microsoft), des avions, des voitures, du maïs. Les États-Unis sont même devenus aujourd’hui exportateurs de pétrole !

Autre donnée essentielle qu’il ne faut pas oublier : si le commerce entre les grandes régions du monde (notamment les trois grands pôles du commerce mondial que sont l’Amérique, l’Europe et l’Asie) ne cesse d’augmenter, le commerce intrazone évolue aussi vite encore. L’essentiel du commerce européen se réalise entre pays de la Communauté européenne (70 %). La multiplication des accords de commerce intrarégionaux renforce le commerce entre pays d’Asie, ou entre l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada) et celle du Sud.
La mondialisation du commerce progresse. Sa régionalisation encore plus vite !