Ces marques internationales à la conquête de la Chine : comment réussir ?

La Chine n’est plus l’usine du monde ; la Chine EST le monde. Ou tout du moins, une importante part : 19% de la population mondiale, 12% du PIB, mais 40% de la croissance mondiale en 2013.

S’il faut y être, ce n’est plus pour la main d’œuvre à bas coût. Pendant qu’à Dongguan, chez Yue Yuen, leader mondial de la chaussure de sport, les salariés à 3500 Rmb par mois (environ 430 €) font grève pour obtenir le paiement de leurs cotisations sociales, le spécialiste chinois de la chaussure de cuir Huajian prévoit de faire passer de 3000 à 100 000 ouvriers ses effectifs en… Ethiopie, où le cout du travail est divisé par dix. Dans l’automobile, pour des  pièces techniques à faible part de main d’œuvre, les sites européens - investissements amortis, méthodes industrielles éprouvées - sont à nouveau capables de couts unitaires inférieurs à la Chine.
En 2014, la Chine est un marché : le plus vaste du monde, en nombre de consommateurs; dynamisé par des années de hausse des salaires  à deux chiffres; favorisé par des infrastructures en amélioration constante. Les 7,7 % de croissance du PIB chinois en 2013 paraissent modestes au regard des taux affichés entre 2000 et 2010; c’est pourtant le triple du taux mondial. C’est cela que les groupes internationaux – de l’agro-alimentaire à la joaillerie, des matériaux de construction à la cosmétique, viennent aujourd’hui chercher.
Les objectifs et les clés la de réussite peuvent différer sensiblement selon les secteurs ; cependant quelques principes communs émergent :
  • Appréhender la profondeur du marché chinois. La Chine ne se résume pas à Pékin, Shanghai, Canton et Chengdu : ces 4 capitales, et les villes environnantes, ne pèsent que 45 % du PIB. En réalité le marché comprend une douzaine de grappes de villes, chacune peuplée de plus de soixante millions d’habitants. Une approche ciblée ville par ville fait la différence : dans les Matériaux de Construction, par exemple, qui sont exposés à des cycles immobiliers, des politiques municipales et des interlocuteurs différents d’une cité à l’autre, identifier les plus dynamiques et s’y concentrer se traduit immédiatement par une part de marché nationale croissante
  • Fixer des objectifs très ambitieux, associés à des leviers opérationnels. L’urbanisation, la transformation des comportements et des canaux de distribution offrent des voies de croissance bien plus rapide que les 8 % du PIB : dans les boissons non alcoolisées, des leaders comme Red Bull ou Mizone (groupe Danone) affichent des taux de croissance annuels moyens de 25 % à 50 % ; c’est aussi le cas d’acteurs premium plus petits comme Perrier ou San Pellegrino. Ces résultats sont acquis au prix de plan opérationnels détaillés, qui identifient les potentiels, les canaux, les leviers à actionner ; et d’une exécution sans défaillance 
  • Définir sa stratégie pour chacun des canaux d’accès au marché, au-delà des évidences.
    Dans l’alimentaire, les m- et e-commerce doivent être traités à la mesure de leur formidable croissance ; le commerce traditionnel, en pleine mutation, peut offrir des opportunités pour certains produits grâce à une capillarité inégalée : Bright Dairy doit à ce canal une partie de la croissance rapide (de 0 à 500 M € de ventes en 5 ans) de son yaourt liquide UHT, qui ne nécessite pas de réfrigération.
  • Former et retenir des équipes de classe mondiale, déployant les meilleurs standards. Sur tous les marchés règne une concurrence féroce entre champions internationaux et locaux. En Chine s’affrontent, dans les produits de grande consommation, plusieurs millions de références : un super- ou hypermarché en sélectionne quelques milliers, ou dizaines de milliers; parmi celles-ci, le consommateur en choisit quelques dizaines. Pour remporter cette compétition, les marques et les entreprises doivent identifier les catégories ou segments attractifs et introduire, développer ou acquérir les produits correspondants; identifier et couvrir l’ensemble des canaux stratégiques; se positionner de manière attractive par rapport à la concurrence, vis à vis à la fois des consommateurs et des intermédiaires de distribution ; optimiser leurs coûts, et la productivité de leur outil industriel face à la hausse rapide des salaires
    Autant de taches pour lesquelles existent, en Europe ou aux Etats-Unis, méthodes et outils affinés par des décennies de pratique. En Chine, rares – et couteux – sont les profils qui maitrisent ces outils. Réussir passe par le recrutement, la formation et la fidélisation de tels profils, même au prix d’investissements importants
Les marques qui réussissent en Chine aujourd’hui, appliquent chacune à leur façon ces principes.
Leur mise en œuvre, parfois difficile, est indispensable pour conquérir une part durable d’un marché qui sera d’ici quinze ans la première économie mondiale.