L'ICO sur-mesure de DomRaider crée la polémique

L'ICO sur-mesure de DomRaider crée la polémique Cette entreprise française a opté pour ce nouveau mode de financement en crypto-monnaies. Mais des voix se sont élevées pour dénoncer des pratiques opaques.

Le soufflé de l'ICO est retombé. Après avoir financé plus d'un milliard de dollars de start-up cet été, la levée de fonds en crypto-monnaie est attaquée de toute part. A commencer par la Chine qui a interdit ce type d'opérations à la rentrée, suivie quelques jours après par la Corée du Sud. D'autres pays se penchent sur le fonctionnement de ce mode de financement qui n'est pas régulé. En France, l'AMF mène une analyse sur l'ICO et les crypto-monnaies en général. Ce flou juridique n'a pas empêché DomRaider, une entreprise française qui récupère les noms de domaine expirés, de lancer son ICO le 12 septembre dernier. Un mois plus tard, la société annonce avoir clôturée sa "levée de fonds" mais le montant n'est pas communiqué, ni publié sur des sites spécialisés.

"Nous pouvons seulement indiquer que nous avons bien vendu les 560 millions de jetons disponibles mais tant que nous n'avons pas l'aval du commissaire aux comptes, nous ne pouvons rien dire", explique Tristan Colombet, CEO de DomRaider. Le dirigeant avait annoncé un objectif de 35 millions d'euros au lancement de l'opération.

Traditionnellement, il est possible de retrouver le montant levé dès que l'ICO est clôturée. Le site Etherscan permet de connaître le nombre d'investisseurs et la quantité de jetons achetée grâce à l'adresse du contrat, une série de chiffres et de lettres qui permet entre autres d'identifier l'ICO et qui envoie automatiquement le token à l'investisseur. Or, DomRaider n'a pas encore déployé de contrat. Il est donc impossible de connaître le montant collecté. "En l'absence d'un code légal aux ICO, nous devons respecter les règles KYC (un processus permettant de vérifier l'identité des clients d'une entreprise, ndlr) de la réglementation actuelle. Quand vous émettez un smart contract, on ne sait pas qui est vraiment derrière. C'est pourquoi nous devons vérifier les coordonnées de chaque investisseur", explique le dirigeant.

"Rien n'empêche une entreprise de procéder à une levée de fonds en crypto-monnaie selon ses propres règles"

Cette méthode est déplorée par Alexandre Stachtchenko, cofondateur de Blockchain Partner, qui a récemment publié une tribune (co-signée par 23 personnalités du secteur) à charge. Il reproche à DomRaider et d'autres start-up leur manque de transparence. "Nous ne disons pas que ce sont des voleurs ou que ce sont des gens malhonnêtes mais qu'ils exploitent un peu trop le filon", précise Antoine Yeretzian, cofondateur de Blockchain Partner. En effet, il existe autant de méthodes que d'ICO. "Chacun est libre de faire ce qu'il veut, je comprends sa démarche. Rien n'empêche une entreprise de procéder à une levée de fonds en crypto-monnaie selon ses propres règles", souligne Julien Béranger, en charge de la communication d'iEx.ec, première start-up française à avoir eu recours à une ICO. "Nous avions été plus transparents car nous avions publié l'adresse du contrat qui envoyait lui-même le token à l'investisseur. Sur Domraider, c'est l'équipe qui s'occupe de la distribution des tokens", précise Julien Béranger.

Les "fake news" façon ICO

Autre point noir de l'ICO selon les signataires de la tribune : la diffusion de fausses informations. Des sites de notation, qui émergent peu à peu sur le web, indiquaient lors de l'ICO le montant déjà levé par DomRaider. Comme le montre la capture d'écran postée sur le post de Blockchain Partner, le site ICObazaar assurait que l'entreprise française avait collecté le 26 septembre 45 millions de dollars alors qu'il était impossible de le savoir… Sur ce site, il était même écrit que l'ICO de DomRaider avait une note de 4,5/5. Comment attribuent-ils ces notes ? Contactée, ICObazaar n'a pas donné suite à notre demande. Un de ses concurrents, ICOBench nous a envoyé une réponse par mail : "Notre business model est plutôt freemium puisque nous listons les ICO gratuitement. Mais s'ils veulent plus d'exposition, un examen légal complet ou  du conseil, ils doivent payer."

Le site ICObazaar a donné la note de 4,5/5 à DomRaider. © Capture d'écran JDN

"Nous avons eu des propositions plus ou moins saugrenues de sites de listing d'ICO. Ils voulaient nous faire payer pour émettre un avis positif. Nous avons donc décliné toutes les propositions", atteste Julien Béranger. 

Le dernier point soulevé par la tribune est le rôle des "advisors". Dans son "white paper", le document présentant l'ICO, DomRaider liste 22 personnalités plus ou moins réputées dans monde de la blockchain. Problème : leur rôle exact n'est pas connu. "Ont-ils tous réalisé une due diligence digne de ce nom, ou certains sont-ils simplement rémunérés en échange de leur image, sans avoir à aucun moment étudié le projet ? Leurs recommandations ont-elles été suivies d'effets ?", s'interrogent les signataires. 

Le patron de DomRaider répond à cette petite polémique en soulignant une nouvelle fois l'absence de règles : "aujourd'hui, il n'existe pas de statut d'advisor sur les ICO. Nous nous sommes donc tenus à la norme en regardant ce qui a été fait sur les autres opérations. Nous avons donc listé tous ceux qui ont participé, des conseils juridiques, fiscaux et des apporteurs dans le réseau qui nous ont amené des contacts et qui ont des expertises sur des dossiers." Ce flou est souvent exploité par les entreprises qui lèvent des fonds en ICO. "Inscrire une personnalité connue, même s'il n'est qu'un prestataire technique, apporte de la crédibilité. Le fondateur Ethereum, Vitalik Buterin a poussé un coup de gueule avant l'été car dès qu'il répondait à une question à une entreprise qui réalisait une ICO, ses propos étaient repris dans le white paper ! Certains mettaient mettait donc sa photo parmi les advisors alors qu'il ne l'était pas", raconte Julien Béranger.

Suite à cette ICO, DomRaider prévoit de développer un outil basé sur la blockchain pour interconnecter les acteurs du monde des enchères (commissaires-priseurs, opérateurs d'eBay, acteurs de micro-enchères…). Les jetons serviront de moyen paiement sur le réseau d'enchères ou pourront être revendus d'ici quelques jours sur des plateformes d'échanges de crypto-monnaies.