La réalité virtuelle débarque et il est temps d'y investir

La réalité virtuelle débarque et il est temps d'y investir La démocratisation des casques immersifs et l'amélioration de la technologie vont créer des débouchés sur lesquels miser dès aujourd'hui.

Voyager à l'autre bout du monde sans bouger de sa chaise, tester le dernier prototype d'une voiture depuis son salon ou passer de l'autre côté de l'écran pour devenir le héros de son jeu vidéo préféré, autant de rêves que la réalité virtuelle s'apprête à réaliser. Mais au-delà des fantasmes des clients, il y a des marchés à conquérir dès aujourd'hui pour les entreprises. Et ce dans des domaines parfois insoupçonnés et par tous types d'acteurs.

Car la technologie a déjà été adoptée par de grands industriels : le constructeur automobile Ford utilise l'immersion en 3D pour imaginer ses véhicules de demain, l'équipementier Plastic Omnium teste ses postes de travail de façon virtuelle pour optimiser son process de fabrication.

Mais c'est la déferlante de dispositifs destinés au grand public qui va changer la donne. Au premier semestre 2016, les casques de réalité virtuelle comme l'Oculus Rift de Facebook ou le Playstation VR de Sony envahiront les réseaux de distribution grand public.

De quoi offrir des débouchés sur lesquels s'est notamment penché le cabinet d'études économiques Xerfi dans son étude "Le marché de la réalité augmentée et virtuelle", publié en juillet dernier.

Pour Xerfi, le potentiel de croissance que représente la réalité virtuelle concerne d'abord les professionnels. L'industrie et le commerce de détail devraient en être les premiers bénéficiaires à l'horizon 2017. Concrètement, un site de vente en ligne pourra par exemple créer un showroom virtuel et ainsi permettre à ses clients de se balader dans des rayons fictifs pour tester les produits. 

Grâce aux casques de réalité virtuelle, jusqu'à huit apprentis grutiers peuvent être formés en même temps contre un seul en apprentissage classique dans une grue

Autres secteurs sur lesquels miser : la santé et la formation. Xerfi y prévoit une généralisation des outils de réalité virtuelle pour 2020 et Stéphane Harel, dirigeant d'Expert 3D, encourage les entreprises à investir au plus vite : "D'ici 2 à 5 ans, la réalité virtuelle va révolutionner les usages. Sachant qu'il faut 6 à 8 mois minimum rien que pour créer une application immersive, il faut s'y mettre dès maintenant", prévient-il.

Précurseur dans le domaine, il mène déjà des expériences test en entreprise. Grâce aux casques de réalité virtuelle, jusqu'à huit apprentis grutiers peuvent être formés en même temps alors qu'un apprentissage classique dans une grue ne permet de former qu'une seule personne à la fois.

Côté grand public, les débouchés sont également là. Le jeu vidéo sera le premier vecteur d'expansion de la réalité virtuelle mais c'est globalement tout le domaine du divertissement et des loisirs (cinéma, évènements culturels, etc.) qui devrait être touché. Un musée pourra par exemple proposer une visite virtuelle de ses expositions, ou un film pourra être vécu de l'intérieur grâce à une caméra qui filme à 360 degrés. 

"Il faut 6 à 8 mois minimum rien que pour créer une application immersive"

Parmi les principaux freins au développement des technologies de réalité augmentée et virtuelle, le premier est de taille : le prix. Le dernier modèle en date de l'Occulus Rift était vendu 350 dollars aux professionnels (la première version grand public est attendue pour début 2016) mais c'est sans compter les 1 500 euros minimum qu'il faut dépenser pour un ordinateur assez puissant pour utiliser l'appareil, rappelle Stéphane Harel. Il faudra donc débourser près de 2 000 euros pour s'équiper. "C'est aussi pour cela que nous ne sommes qu'une dizaine d'entreprises à les utiliser en France", souligne le directeur d'Expert 3D.

Alors qu'une campagne marketing basée sur des technologies de réalité augmentée, qui reposent sur la superposition d'effets virtuels sur des scènes bien réelles, coûte en moyenne 50 000 euros selon les estimations de Xerfi, la réalité virtuelle, basée sur l'immersion totale dans des scènes fictives, nécessitera un budget encore plus conséquent.

Le grand public est aussi inquiet des effets des dispositifs de réalité virtuelle sur la santé, souligne Xerfi. Certains usagers affirment avoir eu des nausées après une expérience immersive. Là encore, la balle est dans le camp des développeurs, qui doivent travailler sur une meilleure résolution d'image et des vidéos plus stables.

"Nos clients connaissent rarement la réalité virtuelle ou n'en ont qu'une vision superficielle"

Face à ces obstacles, les analystes de Xerfi et Stéphane Harel soulignent les mêmes axes de développement : faire connaître l'offre et surtout innover. En France, il y a d'abord une méconnaissance du système : "Nos clients connaissent rarement la réalité virtuelle ou n'en ont qu'une vision superficielle", constate l'entrepreneur aquitain. Il y a donc tout un travail de pédagogie à lancer.

Sur la technologie en elle-même, la marge de progression est encore large. Selon lui, les industries de la plasturgie (dont les collaborateurs sont soumis à la convention collective de la plasturgie) et de l'électronique devraient travailler sur des dispositifs moins encombrants, plus pratiques et moins coûteux. "Il faut miser sur l'immersif portatif", affirme-t-il. Mais pas question de surfer sur la vague du Cardboard de Google, des lunettes immersives en carton qui s'utilisent avec n'importe quel smartphone, qui selon lui entretient l'image de gadget qui colle à la réalité virtuelle : "Une fois passée la phase du fun, ce genre de dispositif  reste au placard car la qualité n'est pas au rendez-vous. Plus la qualité sera au rendez-vous, plus les clients assimileront la technologie".