Thomas Daubigny (Bureau Veritas) "Pour l'inspection des lignes électriques, nous allions drones, modélisation 3D et IA"

Dans le cadre de la Nuit du Directeur Digital, le CDO de Bureau Veritas détaille comment le groupe utilise les technologies pour moderniser l'inspection de lignes électriques.

Le JDN propose pour la cinquième année consécutive un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.

JDN. Quel est le projet le plus important sur lequel vous avez travaillé en 2018 ?

Thomas Daubigny et le CDO de Bureau Veritas © Bureau Veritas

Thomas Daubigny. D'abord, il faut bien comprendre ce qu'est Bureau Veritas (4,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 75 000 collaborateurs dans 140 pays, ndlr) : un organisme d'audit, de certification, d'inspection et de tests afin d'apporter de la confiance dans l'économie mondiale.

Partant de là, la collecte de données techniques sur le terrain a un très gros impact pour nous, notamment en termes de réactivité. De ce point de vue, la fonction de CDO est assez critique avec désormais toute une palette d'outils à maîtriser : temps réel, interprétation et restitution des données numériques à travers l'intelligence artificielle, modèle 3D, blockchain, utilisation de drones, etc.

Pour une entreprise créée en 1828, c'est véritablement un changement de modèle avec d'importantes améliorations en matière transactionnelle, de cyber-sécurité ou de protection de la vie privée.

Parmi les projets importants menés actuellement, il y a notre métier d'inspection de lignes électriques, de transmission et de distribution d'énergie où les lignes aériennes posaient beaucoup de problèmes. Cela a notamment été le cas en Californie où un incendie dramatique a fait près de quatre-vingts victimes l'automne dernier en créant un arc électrique autour d'une ligne à haute tension. Bureau Veritas n'était pas concerné, mais cela a énormément marqué les esprits. Jusqu'à présent, la plupart du temps, la surveillance de ces lignes s'effectue avec un agent se déplaçant de pylônes en pylônes tous les deux, trois ou quatre ans. Nous sommes donc en train de développer avec Avitas Systems, une start-up dans le giron de General Electric, une solution comportant des capteurs préinstallés, des drones, de la modélisation 3D et de l'IA. C'est très important d'embarquer l'ensemble de ces paramètres, tout en tenant compte de la végétation alentours ou de la corrosion du réseau.

Qu'est-ce que cela donne concrètement ?

Nous sommes en cours de déploiement auprès de deux compagnies d'électricité brésiliennes et en appel d'offres auprès des électriciens du monde entier. Ces solutions à grande échelle nous permettent d'aller deux à cinq fois plus vite qu'auparavant. Le marché mondial pour ce type de solutions est de plusieurs centaines de millions d'euros avec un retour sur investissement très significatif, de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros par réseau. Il faut savoir aussi que Bureau Veritas est responsable des résultats de ces inspections.

De combien de collaborateurs disposez-vous et de qui dépendez-vous au plan hiérarchique ?

De quelques dizaines de collaborateurs, soit une communautés d'environ 150 personnes réparties dans le monde avec des comités de pilotage pour les différents métiers. Quant à moi, je reporte au DGA de Bureau Veritas qui est également directeur du corporate and business development. Ce processus de centralisation du développement numérique a été lancé en 2016, lorsque j'en ai pris la direction. Je suis également en charge d'un programme autour des partenariats stratégiques mondiaux. Tout cela a représenté plusieurs millions d'euros d'investissements pour le groupe.

Résumé du projet :

Pourquoi ce projet est-il innovant ?

"Ce projet est innovant car il s'agit d'une première mondiale de robotisation d'un processus d'inspection associé à de l'intelligence artificielle."

En quoi ce projet est-il stratégique ?

"Parce que tout notre métier bascule vers des modèles temps réel et qu'avec l'intelligence collective, on écarte le risque d'erreur humaine et que l'ensemble est très significativement mieux géré. C'est aussi un changement profond de la manière de piloter un réseau électrique, y compris en termes de maintenance prédictive. Le même principe peut s'appliquer à de nombreuses autres activités comme les raffineries, les bâtiments en construction, les éoliennes, la classification des bateaux, etc."

Pourquoi ce projet est-il transformateur ?

"Parce qu'avec l'introduction de nouvelles technologies, en partenariat avec des sociétés comme General Electric, Microsoft, Atos ou Cap Gemini, on transforme notre modèle opérationnel, ce qui est apprécié de nos collaborateurs. De ce point de vue, l'heure est aux data scientists avec notamment la création d'un data lab en Inde qui en compte plusieurs dizaines."

Pourquoi ce projet est-il accélérateur ?

"Nous avons un partenariat avec l'américain General Electric ainsi qu'avec Microsoft autour de l'intelligence artificielle. Cela montre que cette proposition conjointe de valeur fonctionne bien auprès de nos clients et que le numérique permet de se donner un véritable avantage concurrentiel."