Nous sommes le 9 octobre 2007,
le choc démographique a eu lieu...
Par Jean-Louis
Mutte,
associé de Global People Matters.
Nous sommes le 9 octobre 2007. Grégoire Dufeu contemple avec sérénité
sa balanced scorecard personnelle dont la plupart des indicateurs
sont au vert. Il est particulièrement rassuré par les chiffres concernant
le turn-over du personnel qui reste largement en dessous de la moyenne
du secteur, secoué par les turbulences dues au manque dramatique
de main d'uvre.
La
création de valeur de son département affiche quant à elle une progression
régulière depuis plusieurs mois, signe d'une bonne intégration des
équipes dans les projets dont la rentabilité est parfaitement maîtrisée.
Le programme "Diversité" mis en place par la DRH porte ses fruits :
les différents groupes identifiés forment une mosaïque harmonieuse,
les minorités ethniques et religieuses ne font l'objet d'aucune
discrimination.
Grégoire est aussi particulièrement sensible aux nombres de seniors
de son organisation, dont le taux de formation dépasse celui des
nouveaux entrants. L'enquête de satisfaction met d'ailleurs ces
éléments en valeur : pas de difficultés intergénérationnelles,
un bon niveau d'adhésion à la stratégie, un fort sentiment d'appartenance.
Son souci vient plutôt de la hausse des prélèvements sociaux qui
obère sa marge. Il faut dire que les cotisations retraite et santé
pèsent lourd. Heureusement, la mise en place depuis plusieurs années
d'un fonds de pension supplémentaire ainsi que d'une complémentaire
santé permet d'éviter le pire. Les employés, conscients des efforts
consentis, apprécient à sa juste valeur les avantages que procure
une bonne anticipation de la part du management.
Faute d'anticipation, les entreprises
n'ont pas su retenir leurs employés partant en retraite"
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La situation est loin d'être aussi favorable chez ses concurrents.
La plupart des entreprises du secteur ont pris de plein fouet les
conséquences du retournement des courbes démographiques. Faute d'anticipation,
elles n'ont pas su retenir leurs employés partant en retraite :
perte de savoirs et d'expérience, absence de continuité dans la
conduite des opérations, rappel chaotique de personnels partis pour
certains depuis plusieurs années les ont sérieusement handicapées.
Les courbes étaient pourtant limpides : on allait dès 2005
manquer de main d'oeuvre dans certains domaines. La nécessité de
mettre en place des plans de recrutement pour anticiper ce phénomène
s'imposait et les quelques entreprises qui ont accepté une baisse
temporaire de leurs résultats s'en félicitent aujourd'hui : elles
disposent d'effectifs formés et compétents. Surtout, les nouveaux
recrutés ont eu le temps de s'imprégner des méthodes et de la culture
de la firme et travaillant en binôme avec les futurs partants, ils
ont pu capitaliser le savoir détenu collectivement.
La DRH avait, dès 2003, défini les architectures Ressources Humaines
adéquates. La mise en place de longue date d'un Campus manager renforçant
les moyens du service recrutement avait permis de construire des
relations durables avec écoles et universités. La création de cycle
de formation par alternance avait également facilité l'intégration
de personnes qui avaient pu atteindre de cette manière le niveau
technique requis.
Le taux d'emploi atteignait son
maximum et le chômage quant à lui touchait son plus bas"
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Le Manager des Talents s'appuie quant à lui sur les réflexes créés
au sein du personnel par un knowledge management particulièrement
efficace. Couplant de manière quasi indissociable les savoirs collectifs
et individuels avec la gestion des carrières, la société donnait
à Grégoire une structure d'anticipation et de gestion de son personnel
sans égale.
La situation générale le préoccupait néanmoins. Le nombre de départs
en retraite était loin d'être compensé par l'arrivée des jeunes
et le retour à l'emploi de ceux qui en étaient exclus. Le taux d'emploi
atteignait son maximum et le chômage quant à lui touchait son plus
bas. Où trouver la main d'uvre ? Certainement pas à l'étranger
où la situation était parfois pire. L'Italie ne perdrait-elle pas
un tiers de sa population à l'horizon des prochaines décennies ?
Les nouveaux entrants dans l'Union Européenne n'avaient pas non
plus amélioré les choses, leurs structures démographiques étant
pour beaucoup d'entre eux encore plus défavorables
Ils avaient
bien sûr apporté un peu d'espace dans les structures de coûts mais
cela avait été vite compensé par l'élévation de leur niveau de vie.
La mobilité inter pays n'avait pas non plus apporté de solutions
viables, elle était en fait négligeable.
Certaines sociétés tentées par l'off shore avaient bien délocalisé
leurs activités industrielles et de services vers l'Afrique ou l'Inde,
mais là aussi les bénéfices avaient été de courte durée, sans parler
que de tels mouvements avaient encore accentué les pertes de savoir
et surtout participé à la détérioration des comptes sociaux.
Les quelques gains de productivité
n'avaient fait que freiner le processus inéluctable"
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Le casse-tête auquel Grégoire n'avait pas de réponses était :
comment financer un système de santé en faillite ainsi que des systèmes
de retraite totalement incapables de maintenir le niveau de pension
des retraités ? Fin 2003, le déficit de la branche maladie
frôlait les 30 milliards d'euros et cet écart n'avait aucune chance
d'être comblé de si tôt. D'un ratio de 12 actifs pour 1 inactif
il y quelques années, la population mondiale était sur une pente
de 4 pour 1 à l'horizon de quelques dizaines d'années.
Grégoire se souvenait des prévisions de l'époque, prévisions qui
n'avaient pas manqué de se réaliser : manque d'infirmières,
de docteurs, d'aide soignantes, de professeurs, d'informaticiens,
les postes non pourvus se chiffrent par centaines de milliers. Les
quelques gains de productivité, dans les domaines où ils étaient
possibles, n'avaient fait que freiner le processus inéluctable que
la démographie imposait.
Grégoire Dufeu avait toutes les raisons d'apprécier l'anticipation
dont sa société avait fait preuve. Elle lui avait permis de garder
son personnel, d'en trouver suffisamment en amont pour éviter les
ruptures, de conserver les connaissances indispensables à la réalisation
des projets chez les clients. Toutes les forces de la société étaient
tournées vers un bon équilibre vie professionnelle-vie privée, gage
de maintien du personnel. Cela suffirait-il à terme pour faire face
à une situation qui mettait le management des organisations à rude
épreuve ?
A
noter : Jean-Louis Mutte interviendra lors du congrès
"La fonction Ressources Humaines face aux enjeux démographiques"
qui se tiendra les 23 et 24 octobre prochains à Lille. Cet événement
est organisé par HR Architect et l'Apec.
PARCOURS
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Associé de Global People Matters, société de conseil en ressources
humaines, Jean-Louis Mutte possède plus de 25 années d'expérience
dans les RH acquises dans des groupes du monde de la haute technologie
et du conseil tels que Xerox, Nixdorf Computer, Electronic Data
Systems ou Accenture. Il est diplomé de l'Ecole des hautes études
commerciales du Nord, professeur au DESS MRH de l'Université
de Lille 1, intervenant à l'EDHEC et membre du Advisory Committee
de la première association de professionnels des Ressources
Humaines du monde, la Society for Human Resource Management. |
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