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(novembre 2003).
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Comment faire d'un morceau d'état un leader du privé
Par Eric Dupuy (BearingPoint)


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  BearingPoint

Le désengagement graduel de l'Etat de la sphère concurrentielle a pris depuis 1986 des formes variées. Il vise dans tous les cas à faire de l'entreprise un "champion national" ou, au moins, à lui donner les moyens de rivaliser avec les meilleures entreprises du secteur privé. Ce désengagement se matérialise par un retrait total ou partiel de l'Etat du capital de l'entreprise et l'entrée de nouveau(x) actionnaire(s).

Ce désengagement capitalistique nécessite souvent, en préalable, un changement de statut comme cela a été le cas pour France Télécom au début des années 1990 et plus récemment pour l'ancienne Direction des Constructions Navales du ministère de la défense (DCN). Plus qu'un changement de nature juridique, le changement de statut est une transformation profonde de la mission, de l'organisation et des modes de fonctionnement.

Ces expériences permettent de tirer des enseignements pour réussir un changement de statut, transformation qui touche à la structure profonde d'une entité :

Vendre le changement de statut
Le changement de statut doit emporter l'adhésion du plus grand nombre : des salariés à l'intérieur de l'entreprise mais aussi à l'extérieur de l'entreprise des décideurs que sont les ministres, les parlementaires et les élus locaux. Pour cela un véritable travail politique d'évangélisation et de démythification doit être réalisé en amont de l'opération.

Ancrer le changement autour d'un "grand soir"
Il convient d'établir un compte à rebours à partir d'une date butoir annoncée conjointement par les principaux acteurs. L'engagement des leaders sur le respect de cette échéance constitue un puissant moteur pour les équipes et un solide levier pour les arbitrages. La route vers ce "grand soir" est jalonnée de rendez-vous" rapprochés qui rythment la vie du projet de manière visible pour les équipes.

Créer un "effet cliquet"
Il faut utiliser toutes les techniques permettant de rendre visible la marche en avant de l'opération. On peut s'attaquer à des actions à réalisation rapide, dites "quickwin ", en même temps qu'aux actions de fond dont l'échéance sera nécessairement plus lointaine. On peut également créer des rendez-vous intermédiaires sur la progression des actions de fond. A titre d'exemple lors d'un récent changement de statut, le document final épais de plus de 2,5 m a été produit plus de sept fois en six mois. Chaque version matérialisant le travail effectué et celui restant à faire avant le "grand soir". Ceci de façon à avoir régulièrement l'occasion de communiquer et même de célébrer, le franchissement d'une étape.

S'équiper des systèmes d'information performants
Le changement de statut nécessite de disposer d'un grand nombre d'informations juridiques, comptables, financières et sociales de l'entreprise et requiert souvent la mise en œuvre d'outils informatiques modernes pour disposer rapidement des informations nécessaires pour préparer et réaliser la transformation.

Légitimer les décideurs "terrain" et les épauler par des équipes d'arbitrage efficaces
Les décideurs doivent être désignés au niveau le plus opérationnel de l'entreprise et les décisions prises selon le principe de subsidiarité. Ces équipes terrains sont relayées en central par des équipes d'arbitrage qui doivent maîtriser les aspects opérationnels de l'entreprise mais disposer également de la capacité à s'en extraire pour défendre au mieux les intérêts essentiels de l'entreprise ou de l'Etat.

Fonctionner en mode projet
Les équipes doivent être entièrement dédiées au projet et travailler en un lieu unique. Il faut opter pour un mode de fonctionnement en plateau projet qui facilite les échanges et raccourcit les cycles de décision.

Définir en amont les principes de répartition des actifs entre l'Etat et la future entreprise
Cette définition permet de structurer les discussions sur le partage des actifs en tenant compte des intérêts de l'Etat et de l'entreprise et évite de perdre du temps pour partager des listes des voitures de fonction, vélos, tableaux, maquettes ou fax que le jeu de la négociation rend souvent plus importants qu'ils ne sont.

Lutter contre la myopie de l'Etat
L'Etat a trop souvent tendance à prendre ses décisions en fonction de contraintes budgétaires à très court terme au détriment des enjeux capitalistiques de l'entreprise à moyen terme. L'impact des hypothèses de travail sur l'équilibre financier, de l'entreprise doit être matérialisé au travers d'un outil de business plan dynamique. Cet outil contribue fortement à guérir l'Etat de sa myopie en lui donnant une vision à moyen terme des conséquences de ses décisions.

Faire converger les différents acteurs
La future entreprise a face à elle de nombreux services de l'Etat avec des logiques, des objectifs et des contraintes différentes. Pour gagner en efficacité, l'Etat doit mettre en avant un "chef d'orchestre" capable d'harmoniser les positions des services étatiques pour parler d'une seule voix.

Eviter de s'enfermer dans un huis clos paranoïaque entre serviteurs de l'Etat
Le dialogue entre une partie de l'Etat appelée à se transformer et l'Etat gagne en pertinence, lorsqu'il s'agit de créer une entreprise, avec l'intervention ponctuelle d'experts du monde du privé (expert comptables, commissaires aux apports, consultants en gestion de projet…). La sortie de la culture étatique doit se faire également par le recrutement de spécialistes issus du secteur privé pour s'adjoindre des compétences nouvelles en finances, droit ou fiscalité.

PARCOURS
Eric Dupuy est consultant senior chez BearingPoint, cabinet de conseil en management et d'intégration de solutions, au sein du secteur "défense, aéronautique, infrastructure et services publics". Il intervient sur des opérations de transformation et d'amélioration de la performance des entreprises publiques.

 

Rédaction, Le Journal du Management
   
 
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