Tous en conviennent. Le premier recrutement est un moment décisif.
Mais pour le reste, les directeurs des ressources humaines et jeunes
diplômés ne se comprennent pas. C'est ce que révèle une étude TNS
Sofres réalisée pour l'ESCP-EAP. Rendue publique en décembre 2003,
cette enquête miroir en trois volets (recrutement, intégration,
gestion de carrière) croisent les regards entre 80 responsables
ressources humaines de grandes entreprises et 170 jeunes cadres
issus d'HEC, de l'Essec, de l'ESCP-EAP, de l'EM Lyon et de Dauphine.
Du côté
des entreprises, les DRH perçoivent les nouvelles exigences des
jeunes diplômés (ambiance, qualité de vie, désir de se réaliser
soi-même
) comme une tendance lourde. Les deux tiers des DRH interrogés
estiment que ces nouvelles exigences sont le fruit d'une mutation
socioculturelle, et non d'un effet conjoncturel. Mais la plupart
estime que ce nouveau rapport est immature. Les DRH dénoncent les
fortes exigences des jeunes cadres pour un faible engagement.
Autre déphasage : les jeunes cadres, comme les DRH, accordent de
l'importance à l'éthique, mais sans lui donner la même signification.
Pour les jeunes cadres, il s'agit de valeurs garantes de la vie
en communauté, d'un équilibre entre esprit individuel et collectif.
Pour les DRH, il s'agit au contraire du respect de valeurs et de
normes comportementales.
Les
ressorts de la satisfaction des jeunes cadres (source
TNS Sofres)
|
Critères
de satisfaction
|
Satisfaits |
|
DRH |
|
Jeunes
cadres |
|
Ambiance
de travail
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Travail
en équipe
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Développement
des compétences
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Marge d'autonomie
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Intérêt
des tâches confiées
|
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Intérêt
porté par le manager
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Reconnaissance
des compétences
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|
|
Equilibre
vie professionnelle / vie privée
|
|
|
Visibilité
sur les possibilités d'évolution
|
|
|
Mais c'est surtout en matière de visibilité sur les
possibilités d'évolution que le bas blesse :
seuls 45 % des jeunes cadres se disent satisfaits par la politique
de leur entreprise dans ce domaine. Un constat pour une fois partagé
par les DRH, puisque seuls 53 % d'entre eux s'avouent satisfaits
également sur ce point. Au contraire, l'ambiance de travail
est jugée satisfaisante pas plus de 80 % des jeunes
cadres et des DRH.
En matière d'intégration professionnelle, là encore,
un décalage existe entre les deux populations. Les DRH sont 80 %
à juger les jeunes cadres satisfaits, alors que 69 % le sont
réellement. 60 % des nouvelles recrues estiment que les entreprises
ne gèrent pas bien l'intégration professionnelle des jeunes diplômés.
Les DRH sont 50 % à penser la même chose, mais ne se sentent visiblement
pas concernés : les deux tiers ne mettent pas en cause
la politique d'intégration de leur entreprise.
Les
facteurs d'intégration des jeunes cadres (TNS
Sofres)
|
Quelles
conditions pour le succès de l'intégration professionnelle
? |
Jeunes
cadres
|
DRH
|
Maîtriser
rapidement les process de travail, l'organisation |
61 %
|
53 %
|
Savoir
s'intégrer à la culture de l'entreprise |
33 %
|
70 %
|
S'entendre avec
ses collègues |
32 %
|
13 %
|
S'entendre avec
sa hiérarchie |
29 %
|
17 %
|
Savoir décrypter
les circuits de pouvoir |
26 %
|
7 %
|
Avoir
une vision d'ensemble de l'entreprise et de ses métiers |
18 %
|
40 %
|
L'origine de ce malaise est probablement liée à un
désaccord sur les moyens. Pour 61 % des jeunes cadres, l'intégration
passe principalement par la maîtrise rapide des process de travail
et de l'organisation. Les DRH citent quant à eux l'adoption de la
culture d'entreprise (70 %). Un décalage symptomatique de
cette nouvelle génération "plus tournée
vers l'ego".
Les avis divergent également sur la qualité de la formation. 67
% des jeunes diplômés s'estiment bien préparés à la réalité de l'entreprise,
contre 40 % de DRH. Surtout, 74 % des DRH affirment que les jeunes
cadres surestiment leurs compétences
contre 18 % des diplômés.
Sur la gestion de carrière, le consensus est plus fort. Tous s'accordent
sur l'attrait de la mobilité intra-entreprise et inter-entreprise
et sur les opportunités offertes par la mondialisation. En revanche,
les visions de l'avenir professionnel divergent à nouveau.
Les nouvelles recrues aspirent à devenir des experts plus que des
managers. 53 % des jeunes cadres préféraient être, dans dix ans,
experts renommés dans leur secteur de prédilection, alors que 63
% des DRH pensent qu'ils préféraient être reconnus comme dirigeants
d'entreprises.
L'évaluation
d'après les jeunes cadres (TNS Sofres)
|
Les
procédures
d'évaluation sont...
|
%
de "oui" |
|
DRH |
|
Jeunes
cadres |
|
Claires
|
|
|
Efficaces
|
|
|
Equitables
|
|
|
Sur les moyens de gérer sa carrière, le désaccord persiste. Par
exemple, seulement la moitié des jeunes cadres juge les évaluations
claires, efficaces et équitables. En matière de formation,
presque tous les DRH sont satisfaits, contre 56 % de jeunes cadres.
Enfin, seulement un tiers des jeunes diplômés estiment que les DRH
les informent suffisamment sur les opportunités de l'entreprise,
alors que les deux tiers des responsables des ressources humaines
estiment parfaitement assurer ce rôle. Les uns sont critiques,
les autres auto-satisfaits. Autant d'incompréhensions qui devront
être levées pour aborder sereinement le "papy boum".
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