Daniel
Croquette, ANDCP
"Et si le travail n'était pas qu'une galère..."
L'Association des directeurs et cadres de la fonction personnel
a lancé cinq grands thèmes de réflexion, volontairement provocateurs, adressés
aux fonctions RH. Débats agités. (mars 2004)
L'Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel
(l'ANDCP) vient d'achever à Paris un tour de France, organisé autour
de cinq défis lancés aux responsables des ressources humaines. A
Rennes, Lille, Marseille, Lyon, Bordeaux, Metz et Paris, les interventions et
débats ont porté sur des thèmes aussi variés que l'évolution
des dirigeants, la responsabilité sociale des entreprises ou encore l'évolution
de la GRH. Daniel Croquette, délégué général
de l'ANDCP, revient sur les faits marquants de ce tour de France RH.
Pourquoi l'ANDCP a-t-elle organisé cette opération ?
Daniel Croquette. Nous voulions aller à la rencontre des DRH et cadres
de la fonction Personnel pour débattre de sujets importants. Avec cette opération,
nous souhaitions regrouper aussi bien des adhérents à l'ANDCP que des non-adhérents.
La fonction compte en France entre 25 et 40 000 cadres. Nous avons réussi à en
réunir 1 300, dont 75 % de non adhérents. Avec ce tour de France, nous voulions
enfin montrer que l'ANDCP est au fait des enjeux de la profession.
Et quels sont ces enjeux ?
Nous avons lancé cinq défis, légèrement provocateurs : "Et si les représentants
du personnel représentaient vraiment les salariés
", "Et si les dirigeants étaient
"fabriqués" autrement
", "Et si la responsabilité sociale était plus qu'un effet
de mode
", "Et si les GRH du public et du privé commençaient à se ressembler",
"Et si le travail n'était pas que la galère, mais aussi un lieu de développement
personnel, de coopération et d'apprentissage".
Le papy-boom ne figure pas dans ces cinq défis.
Ne fait-il donc pas partie des enjeux principaux de la GRH ?
Les départs à la retraite constituent, bien sûr, un enjeu important, mais nous
ne pouvions pas tout traiter. Mais nous travaillons par ailleurs sur ce thème.
Chacune des sept "villes étapes"
de votre tour de France pouvait choisir trois défis dans le programme proposé.
Quels ont été les défis les plus sollicités ?
Deux défis sont sortis du lot, avec six choix en tout : la "représentation
du personnel" et "le travail comme galère". La formation des dirigeants
arrive en deuxième position. Quatre villes ont choisi cet autre défi.
Chaque défi a été l'occasion
pour les responsables des ressources humaines de débattre sur un thème
précis. Quelle a été
la nature les échanges sur le thème de la représentation du personnel ?
La représentation du personnel a été à l'origine de débats passionnés. Les DRH
considèrent que les représentants du personnel sont parfois peu représentatifs
du personnel. Les discussions ont porté, pêle-mêle, sur le fait d'avoir
un élu sur une liste syndicale ou non, sur la loi Fillon, sur la hiérarchisation
des normes et sur le monopole des cinq organisations syndicales pour les élections
professionnelles. La CFDT a donné son accord pour mettre fin au monopole, mais
pas la CGT.
Les jeunes se placent dans un rapport contribution
- rétribution"
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Et sur le thème de la formation des dirigeants
?
Les DRH pensent que la formation initiale et continue contribue à donner des qualités
intellectuelles et techniques aux cadres. Mais nous savons également que
le management s'expérimente réellement sur le terrain. Les fonctions de direction
doivent donc être plus ouvertes à ceux qui n'ont pas étudié et qui ont bénéficié
de la promotion interne. Or les DRH sont chargés de repérer ces talents. C'est
donc à eux de prendre ce travail plus à cur. Et s'ils ne sont pas satisfaits
de la qualité de l'encadrement, ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes.
Que retenez-vous des débats sur la responsabilité
sociale ?
Ce n'est pas un sujet nouveau, mais on lui donne aujourd'hui plus de cohérence.
Nous avons constaté que le thème du développement durable ne touche pas seulement
les entreprises cotées, soumises à la loi NRE, mais toutes les moyennes et grandes
entreprises. Les DRH estiment que l'acteur principal d'une politique de responsabilité
sociale doit être le dirigeant. C'est à lui de donner une impulsion dans l'entreprise.
Et sur le thème de la gestion des RH dans le public
et dans le privé ?
Le privé avait tendance à caricaturer la gestion du public. Les différences fortes,
comme le contexte concurrentiel, ont été mises en avant. Elles présentent souvent
des avantages et des inconvénients pour chacun. Par exemple, la sécurité de l'emploi
peut être un poids pour la fonction publique. Mais l'insécurité de l'emploi est
aussi un facteur de stress dans le privé. Autre exemple : dans la fonction publique,
il est plus facile de donner un sens au travail. En fait, je pense que les uns
ont beaucoup à apprendre des autres.
Le dernier défi, peut-être le plus
provocateur, abordait la "galère" du travail. Sur quoi ont porté les débats ?
La première galère, c'est bien sûr le non emploi. Nous avons aussi abordé des
thèmes liés au sens du travail, à son contenu et à l'interpénétration
de la vie privée et de la vie professionnelle. Ces dernières années, le travail
s'est intensifié, notamment à cause des 35 heures. Le travail est aussi positif
: il peut être formateur, et les relations qui s'y créent occupent une place importante
pour l'individu.
Les jeunes accordent-ils plus d'importance à ce
dernier thème ?
Les jeunes s'interrogent. Ils ne veulent surtout pas vivre ce qu'ont vécu leurs
parents. Ils sont moins enclins à se consacrer entièrement à leur vie professionnelle.
Ils se placent davantage dans un rapport contribution-rétribution.
PARCOURS
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Ingénieur de l'Ecole Centrale de Paris, Daniel Croquette a commencé
sa carrière comme ingénieur en usine chez BSN-GD, puis aux études
économiques dans le groupe Total. Il a ensuite été responsable
national à la CFDT et membre du bureau du conseil d'administration de l'Apec.
Pendant onze ans, il a été directeur dans un grand organisme paritaire de formation,
le Groupe Cesi, à des postes divers. Président de l'Afref (Association française
pour la réflexion et l'échange sur la formation), il est devenu expert dans les
domaines de la formation et de la gestion des compétences. Il est aujourd'hui
délégué général de l'ANDCP (Association nationale des directeurs et cadres de
la fonction personnel). |
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