Hendrik Post (Commission européenne)
"Beaucoup reste à faire sur la libre circulation des services en Europe"
En partenariat avec
l'Insead, Le
Journal du Management vous propose de décrypter
le monde économique. Ce mois-ci,
rencontre avec Hendrik Post, l'un des spécialistes européens de la libre circulation des biens et des services.
(juin 2004)
Après avoir travaillé au sein du corps diplomatique
néerlandais, puis avoir été associé
dans un cabinet juridique, Hendrik Post a rejoint la Commission
européenne en 1995. Aujourd'hui, il dépend de la Direction
générale du Marché intérieur de la Commission. Il y dirige le pôle
"Libre circulation des marchandises, des professions réglementées
et des services postaux". Ce pôle coordonne la politique
de la Commission relative au marché intérieur européen en favorisant
la libre circulation des personnes, des biens, des services et des
capitaux. Une mission capitale : depuis sa création,
en 1993, le marché unique européen a permis de générer dans
les Etats membres 2,5 millions d'emplois et 877 milliards d'euros
de richesse supplémentaires.
Quel est le rôle du pôle "libre circulation" que vous dirigez au sein de la Commission ?
Hendrik Post. Le rôle du pôle "libre circulation" de la Direction générale
du Marché intérieur
est notamment de mettre en place des mesures et des instruments qui permettent de développer le degré de compétitivité de l'Europe. Cet objectif, fondamental pour l'économie européenne, passe par une politique de mise en concurrence et de suivi, en particulier pour tout ce qui concerne les concentrations, les consortiums, les aides des Etats. Cette politique s'appuie sur des directives européennes précises concernant la politique économique que doivent suivre les Etats membres.
La "libre circulation" est-elle un élément clef pour l'économie européenne ?
Une fois de plus, dans l'économie mondiale actuelle, il est essentiel pour l'Europe de développer sa compétitivité. Dans cette logique, il est nécessaire de faire tomber les différentes barrières qui empêchent, ou freinent, le libre échange au sein de l'Union européenne. Cela passe par des directives de dérégulation ou de simplification des marchés. Aujourd'hui, on peut dire que l'Europe a réussi à briser ces barrières concernant la libre circulation des marchandises et des personnes. En revanche, il reste beaucoup à faire concernant le vaste marché des services.
Quels sont les principaux freins que vous rencontrez ?
Il y a tout d'abord l'inertie naturelle. Le libre échange se trouve souvent entravé par une superposition de lois et de réglements nationaux, notamment dans le secteur des services financiers, qui est un secteur très complexe. Et pour faire évoluer ces différentes situations nationales, il faut mettre en place des directives au plan européen, qui doivent être adoptées par le Parlement et le Conseil européens. Par nature, c'est un processus long.
Vous estimez que les barrières sont tombées concernant la libre circulation des personnes en Europe. Mais on ne peut pas en dire autant concernant les diplômes, les qualifications professionnelles...
Dans ce domaine, l'un de nos grands objectifs, est la circulation totale des qualifications professionnelles. Mais c'est un dossier complexe, qui est aujourd'hui chapoté par plus de dix-sept directives européennes qui couvrent différents métiers. Et tous les secteurs d'activité n'avancent pas à la même vitesse. Alors qu'un diplôme de médecin est reconnu dans tous les Etats membres, pour de multiples autres professions il faut encore suivre des procédures compliquées, et parfois même des tests, pour faire valoir ses qualifications. Pour ces raisons, nous travaillons sur un cadre légal unique pour la libre circulation des qualifications.
Les Etats membres doivent faire pression sur les retardataires"
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Encore faut-il que les directives soient appliquées par les pays...
Il est vrai que les directives européennes sont parfois transposées en droit national avec du retard, et qu'elles ne sont pas systématiquement respectées. Concernant les problèmes de libre circulation, nous ouvrons chaque année environ 4 000 dossiers, généralement à partir des plaintes reçues. Dans 90 % des cas, notre démarche porte ses fruits et la situation est corrigée.
Comment inciter les pays retardaires à accélérer le pas dans les transpositions de directives européennes ?
Pour faire évoluer les choses et déverouiller les
situations, il est nécessaire, d'une part, de communiquer
ouvertement sur les retards pris et, d'autre part, que les Etats
membres fassent pression sur les retardataires. Par exemple, nous
avons publié un tableau de bord qui montrait que l'Allemagne
était parmi les pays les plus en retard pour mettre en application
les textes européens. Face à ce constat, le gouvernement
allemand a réagi immédiatement pour accélérer les
transpositions, car l'Allemagne souhaite jouer un rôle moteur
dans l'Europe et ne veut pas être un frein.
Au final, êtes-vous optimiste ou pessimiste concernant le libre échange au sein de l'Europe ?
Je regrette parfois la trop grande attention prêtée au côté négatif de ce processus de libre échange. Cette vision des choses met en valeur ce qui divise les Etats membres, au lieu de se focaliser sur tout ce qui les rapproche. Regrouper vingt-cinq pays dans un même élan est un projet sans précédent. Je suis donc optimiste quand je vois tout ce que nous avons déjà fait, tout le chemin parcouru. Mais je suis également réaliste : il nous reste beaucoup à faire.
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