Sydney Finkelstein (Think Again) Les décisions prises à l'instinct sont dangereuses

Pourquoi prend-on de mauvaises décisions ? Sydney Finkelstein, professeur de management à la Tuck School of Business, livre ses conseils pour faire les bons choix.

Dans son ouvrage "Think Again", Sydney Finkelstein, professeur de management à la Tuck School of Business, décrypte les mécanismes qui conduisent même les meilleurs à prendre de mauvaises décisions. 

Qu'est-ce qu'une mauvaise décision ?

Sydney Finkelstein. On ne juge pas de la qualité d'une décision en fonction de ses conséquences car les bonnes décisions ne produisent pas toujours de bons résultats et, parfois, une mauvaise décision peut avoir des répercussions positives par chance.

"Les réussites passées ne sont pas un bon indicateur des réussites futures"

On prend de mauvaises décisions lorsqu'on ne tient pas compte de signaux qui devraient nous alerter. En fonction des connaissances dont disposait le décisionnaire, la décision était-elle raisonnable ? C'est une question clé. Etant donné que le gouvernement américain connaissait l'absence d'armes de destruction massive en Irak, on peut estimer qu'envahir l'Irak pour cette raison était une mauvaise décision. Si l'on savait que les subprimes étaient des bombes à retardement, la décision d'emprunter pour continuer à investir dans ces outils était mauvaise.

Le sous-titre de votre ouvrage est le suivant : "Pourquoi les bons dirigeants prennent-ils de mauvaises décisions ?" Pensez-vous que les bons dirigeants prennent plus de mauvaises décisions que les autres ?

Non ! Les bons dirigeants vont prendre plus de bonnes décisions, par définition. Nous utilisons ce sous-titre pour attirer l'attention sur le fait que même eux sont sujets à des biais dans leur raisonnement. Comme tout le monde, s'ils ne font pas attention aux signaux qui les alertent, ils auront plus de risques de prendre de mauvaises décisions. Autrement dit, les réussites passées ne sont pas un bon indicateur des réussites futures.

Quels sont les indices qui permettent de reconnaitre une mauvaise décision avant de la prendre ?

Dans notre ouvrage, nous mentionnons quatre "drapeaux rouges" qu'il est important de savoir reconnaître car ils signalent une potentielle mauvaise décision.

Tout d'abord, certaines expériences passées semblent similaires à la situation actuelle alors qu'elles ne le sont pas. Elles viennent perturber notre réflexion et nous guident dans une mauvaise direction. Elles sont responsables de plus de la moitié des mauvaises décisions. Par exemple, les hauts profits générés par les subprimes avant la crise ont induit les banquiers en erreur et les ont incités à prendre des risques qui paraissent maintenant insensés.

"Certaines expériences passées nous guident dans une mauvaise direction"

Deuxièmement, certains préjugés créent des distorsions dans l'évaluation des conséquences et nous entraînent à faire les mauvais choix. De plus, ils peuvent nous inciter à choisir un plan d'action qui a marché dans le passé mais qui n'est pas nécessairement approprié. Le premier ministre britannique Tony Blair a ainsi prononcé un discours en 1999 pour promouvoir l'instauration d'une politique interventionniste en direction des Etats défaillants. Ce préjugé a influencé sa décision vis-à-vis de l'Irak.

Troisièmement, certains intérêts personnels entrent en conflits avec les responsabilités que l'on a vis-à-vis des autres parties prenantes. Nous avons l'habitude de demander aux individus qui ont un intérêt personnel dans la situation de s'abstenir de voter ou de quitter la réunion. Ainsi la crise financière actuelle s'explique par le fait que les intérêt des banquiers richement payés ne s'alignent pas avec la recherche d'un système financier stable.

Enfin certains attachements inappropriés viennent entraver la prise de décision. Ces sentiments envers un groupe ou une possession entravent la décision que nous essayons de prendre. Dans la situation économique actuelle, alors que de nombreuses entreprises suppriment des postes et vendent des actifs, certaines "affinités" viennent perturber les décisions rationnelles de réduction des coûts. Ainsi, certaines activités seront conservées parce que "le PDG est attaché à ce métier".

Quels sont les deux modes de prise de décision les plus courants ?

Les décisions sont parfois prises à l'instinct, ou trop rapidement, sans analyse de la situation. D'autres sont prises très lentement, après une analyse détaillée et le recueil de nombreuses informations.

Comment peuvent-elles mener à prendre une mauvaise décision ?

Ces deux modes de prise de décision sont dangereuses. D'une part, les décisions prises rapidement ne sont valables que si l'on n'est pas en situation de drapeau rouge. Sinon, il y a de fortes chances qu'elles soient mauvaises. Dans le deuxième cas, la prise de décision demande beaucoup d'informations et peut dériver en barrière bureaucratique à l'action. Autrement dit, elle est à privilégier seulement en cas de présence des drapeaux rouges.

Existe-t-il une question que je peux me poser pour savoir si je suis en train de prendre une mauvaise décision ?

Dans tous les cas, la question clé est la suivante : lequel des drapeaux rouges est présent et comment risque-t-il de me faire croire que j'ai raison alors que j'ai complètement tort ?