L’intérim tient-il vraiment ses promesses ?

D’après les chiffres de Pôle Emploi, l’emploi intérimaire a augmenté dans toutes les catégories socioprofessionnelles entre 2009 et 2010. Sont-ils de véritables indicateurs d'une reprise du marché du travail ?

1/ Ces chiffres positifs sont-ils de véritables indicateurs d'une reprise du marché du travail ?

Aujourd'hui, l'Intérim est l'un des seuls indicateurs disponibles en réalité. Néanmoins, nous savons tous que lorsqu'elles font appel à l'Intérim, les entreprises recherchent en réalité plus de flexibilité. Nous sommes effectivement en pleine reprise mais le recours intensif à l'Intérim prouve que les employeurs ne sont pas encore totalement sûrs de garder ces nouvelles recrues.

De plus, le droit du travail est tellement contraignant que les entreprises ne prennent pas de risque et privilégient donc l'Intérim au détriment d'un CDI ou d'un CDD. Il est vrai que ce mode de recrutement représente une solution qui assure à l'entreprise un certain confort. Elle sait que du jour au lendemain, si les affaires ralentissent, elle peut se séparer de l'intérimaire sans aucun dommage financier.

Donc, l'Intérim est un indicateur ponctuel qui ne reflète en rien une tendance durable.


2/ En France il y a 632 000 intérimaires. Pourquoi l'Intérim connaît-il un tel succès dans notre pays ?

On rejoint aujourd'hui le chiffre de 2007 qui est 9 fois supérieur à la moyenne mondiale. Cela est inquiétant... En fait, l'intérim en France connaît un fort succès car il traduit un malaise et un dysfonctionnement structurel de l'emploi. Aujourd'hui, nous avons un droit du travail extrêmement contraignant, avec des employeurs qui ne savent plus combien va leur coûter un licenciement.

Ils ne peuvent pas mesurer d'avance quels vont être les effets collatéraux d'un recrutement. Donc pour éviter les complications, sans compter les lourdeurs administratives, beaucoup d'entreprises se tournent vers l'Intérim afin de compenser cette difficulté structurelle inhérente à la France. Impossible ainsi de générer de l'emploi durable !

Les entreprises ont profité de cette offre largement promue par les législateurs français. Pour information la France représente 35% du marché mondial de l'Intérim, alors qu'elle n'occupe que 4% du marché mondial du recrutement ! Une incroyable incohérence que personne ne semble réaliser.

Pourtant, en tant que professionnel du recrutement, mon constat est simple : les intérimaires ne souhaitent pas que cette solution devienne durable. Les trois quarts d'entre eux préfèreraient largement avoir un CDI ou un CDD. Et ce n'est pas un problème de qualifications.

La législation du travail est trop rigide et rend trop dangereux le fait de recruter des collaborateurs et de devoir peut-être s'en séparer un jour. Ainsi, certains groupes utilisent l'Intérim uniquement comme valeur d'ajustement. Pourtant la loi est formelle : l'Intérim ne doit être utilisé que dans le cas d'un remplacement de collaborateur ou en cas d'urgence due à une croissance soudaine de l'activité. Sur le terrain, cette réalité est toute autre...
 
3/ Quels sont les dangers de l'intérim :

- Pour les candidats?

Le candidat se retrouve prisonnier de ce statut d'intérimaire. Beaucoup de mes clients ne veulent pas recruter de candidats jusque là intérimaires, convaincus qu'ils rencontreront trop de difficultés à s'intégrer durablement dans le cadre de l'entreprise.

En effet, l'intérimaire ne s'est jamais projeté en terme de carrière dans une entreprise. Il a donc plus de difficultés à s'intégrer dans une équipe, à adhérer aux principes de la société. Comment voulez-vous qu'il puisse se projeter dans l'avenir avec un poste sans cesse temporaire ?

Tout individu en entrant dans une entreprise a besoin d'avoir un avenir, de construire quelque chose, d' être fier de son entreprise et des projets réalisés, ce qui n'est pas possible en en changeant tous les 6 mois !

L'intérim ne permet pas à l'employé de se construire personnellement et professionnellement. C'est une solution rapide et facile qui fait tomber le candidat dans un engrenage qui ne lui permet pas de retrouver un poste stable.

- pour les entreprises ?
 
En ayant recours à l'Intérim, les entreprises participent à une vraie précarisation de l'emploi. Au lieu de s'attaquer aux entreprises qui recrutent en les convoquant aux prud'hommes pour le moindre licenciement, leur coûtant 6 mois de salaires, le droit du travail ferait mieux de s'occuper des grandes entreprises qui financent le système de l'Intérim. Ces grands groupes se permettent de donner des leçons alors qu'elles n'appliquent même pas les règles de droit du travail imposées aux PME ! Car contrairement à eux, les PME n'ont pas les outils nécessaires pour se battre contre l'inspection du travail, contre l'URSAFF, etc.

Alors pourquoi l'entreprise ne fait-elle pas de CDD, me demanderez-vous ? Parce que le CDD est dangereux pour elle ! Combien de fois avons-nous vu des employeurs obligés de requalifier un CDD en CDI ? En effet, le CDD devrait être utilisé dans le cadre d'un accroissement d'activité ou d'un remplacement, c'est-à-dire pour un besoin temporaire. Or le droit du travail est si rigide que les CDD sont souvent arbitrairement requalifiés en CDI par l'inspection. Ces mêmes entreprises ne sont pas sanctionnées lorsqu'elles utilisent de l'Intérim à outrance sans justification d'activité croissante ou de remplacement sur une mission.

Le travail précaire est ainsi encouragé par la législation, alors que l'Intérim est normalement une solution alternative au CDD pour des missions annexes à l'activité uniquement. Aujourd'hui, les entreprises devraient pouvoir avoir recours au CDD autant que nécessaire, à partir du moment où l'employeur respecte la loi qui veut que le CDD ne soit renouvelable que 2 fois et ensuite converti en CDI.

Pour les entreprises, aujourd'hui, avoir recours à l'Intérim, c'est minimiser les dangers liés à un recrutement. Mes clients estiment prendre plus de risques en recrutant en CDD qu'en embauchant un intérimaire.

-  Pour le marché de l'emploi ?

Comme le précise l'article L1251-60 du Code du Travail : j'utilise un intérimaire uniquement dans le cas d'un remplacement ou d'une urgence due à une augmentation temporaire de l'activité, sur des missions courtes. L'Intérim ne doit en aucun cas compenser un dysfonctionnement du droit du travail.

Aujourd'hui, le danger pour l'emploi réside dans la fuite des personnes qualifiées qui sont cantonnées à des missions d'intérim ne pouvant plus inspirer la confiance des recruteurs.

Ma conviction est qu'il faudrait fixer une durée maximale de mission d'intérim par personne. Chez PIANA HR Group, nous voyons des intérimaires qui font des missions depuis 5 ans ou 6 ans, les unes après les autres, sans pouvoir sortir du système et rejoindre le marché de l'emploi.

L'intérim n'est pas un moyen d'insertion. Ce n'est pas une solution adaptée au marché de l'emploi et surtout aux besoins des entreprises, alors qu'elle s'inscrit parfaitement dans un droit du travail très rigide. Plus de flexibilité dans le droit du travail, réduirait la croissance du nombre d'intérimaires et permettrait de générer de la pérennité, de l'ambition, de l'évolution chez les employés. Je pense que nous dégagerions alors une vision de l'emploi plus positive en France.

Mais s'attaquer à l'Intérim en France fait peur car c'est le premier employeur. Ils ont 600 000 postes pourvus et par rapport à la masse salariale générale, l'Intérim a un pouvoir de pression importante sur les décideurs français et sur l'opinion.

Le second danger, vient de la décision de permettre aux agences d'Intérim de vendre du recrutement. Les chiffres sont là : dans le monde, le recrutement représente 1% du chiffre d'affaires du numéro un de l'Intérim. Ils utilisent donc l'image de marque du recrutement pour attirer des candidats que l'on retrouve dans les missions intérim et qui sortent ainsi du marché de l'emploi.

L'Intérim fait donc du recrutement une arme de conquête de candidats pour les rentrer dans un système intérimaire. Les candidatures dans le cadre de recrutements ne devraient pas pouvoir être exploitées par l'Intérim qui leur présente des missions comme pré-embauche, ce qui n'est presque jamais le cas. En ouvrant le marché du recrutement à l'Intérim, la France a encore nourri ce système.

Si le système de l'Intérim et du droit du travail n'est pas réformé, l'Intérim continuera à prendre des parts de marché et accentuera une véritable précarisation de l'emploi.

Les modalités du contrat de travail, l'accord à l'amiable, la rupture conventionnelle, toutes ces mesures qui normalement auraient dû permettre d'améliorer les conditions de licenciement entre les deux parties, sont encore méconnues et ne sont pas suffisantes à ce stade. Il faut aller encore plus loin, en interdisant globalement la requalification de CDD en CDI sans motif valable. Et ensuite, remettre l'intérim à sa place avec interdiction de faire de la pré-embauche et de se substituer à un CDD ou un CDI.

En ayant recours à l'Intérim, on précarise le système, on précarise l'emploi et on ne donne pas envie aux employés de se projeter et donc de s'investir. Ce sont là tous les dangers de ce système.