Le dépit des générations Z dans les organisations X des communautés africaines

Les jeunes de 18 ans, ambitieux et gâtés par l'essor technologique ont-ils le droit d’être angoissés face au risque de rejet par les adultes et de conflit avec ceux-ci dans le monde professionnel africain? Non, ils sont appelés à composer pour résoudre tant de défis.

Quand en 1984, M.Mukekwa entama sa 2ème expérience professionnelle dans une banque commerciale au Zaïre (actuellement République Démocratique du Congo), après l’obtention de son diplôme de licence en gestion à l’âge de 23 ans, à l’université où la théorie et la pratique de management se côtoyaient ; il ne pesait point la charge du regard que les jeunes employés jetteraient sur lui plus d’un quart de siècle plus tard. La légitime raison était fondée sur l’estime, le respect frisant parfois la révérence à l’égard des ainés dans le métier, plus galonnés qu’il découvrait dans sa nouvelle sphère de vie professionnelle.
En effet, le milieu de travail regorge les acteurs de tous âges en respect de la législation du travail du pays concerné. Les plus anciens le sont pour avoir commencé  tôt, les plus jeunes pour avoir débuté récemment: le bénéfice du temps écoulé, allié à l’expérience et au mérite accorde tantôt les hauts grades tantôt les échelons intermédiaires aux premiers cités.
Face à cette distribution des rôles et des responsabilités reposant en somme sur l’ancienneté et la valeur, les moins anciens affichent un dépit contrastant avec leurs ambitions. Ils se demandent à juste titre si leur offensive entrepreneuriale ne sera pas douchée froidement par la rigidité de délai de progression dans la carrière. Ils s’interrogent sur l’accueil que les structures organisationnelles en place, fruit du travail des décennies réserveront à leurs audacieuses initiatives de critique, de ré articulation et de refondation ? 
En 1960, abordant la dynamique des groupes et le style de commandement au sein des organisations par rapport à la dimension humaine du travail, Douglas Murray Mc Gregor dégagea 2 postulats : la théorie X de la disposition de l’homme à être dirigé et de son aversion au travail ; la théorie Y de l’auto gestion et l’auto contrôle comme base motivationnelle du travail de l’homme (1).
Plus d’un demi-siècle après, d’autres réflexions se développent autour de ces 2 concepts avec Xavier TEDESCHI (2) et Clémentine MONNIN (3) dans la perception des attitudes au travail, d’une génération confrontée à une autre.

Il en ressort que les générations X appartiennent à celles regroupant les personnes nées entre 1962 et 1978 caractérisées par leur ancienneté et leur expérience, leurs vertus aux règles et aux grades, leur respect de la bureaucratie et leur taylorisme.
Les générations Y,
celles nées entre 1979 et 1995 recueillant 18 à 30 ans englobent les jeunes; dynamiques, innovants, connectés, révolutionnaires, à la faveur de la vitesse des changements technologiques et des exigences de nouvelles techniques de l’information.
En sus de cette distinction, la génération Z concernerait les personnes nées au-delà de 1995 engrangeant découverte, innovation, rupture et mutation des sociétés de manière accélérée et soutenue. C’est cette catégorie qui, au vu de ses liens étroits avec la dite Y ; nous intéresse dans ses rapports avec la génération X, en sociétés africaines au Sud du Sahara.
Dans le milieu de travail, on associe ces catégories progressivement à l’essor fulgurant de la technologie avec l’apparition et la vulgarisation de l’internet, la familiarisation de l’informatique, les atouts de la bibliothèque ou la formation en ligne. Les facilités de recherche, l’éloignement des frontières culturelles ou physiques, le tissage des réseaux communicationnels et sociaux, la spontanéité interactive et proactive, l’appât des talents, la chasse aux tètes, le rejet des à - priori, la remise en question, le plaisir et la démocratie dans l’entreprise … les accompagnent aussi.
Aucun doute que cet environnement favorisé par l’accès à l’information stimule le savoir, encourage le savoir faire et bâtit le savoir être. Erige-t-il des barrières d’incompréhension entre les détenteurs de l’information et les non détenteurs, les téméraires des us et les conformistes, au point de constituer des passerelles des conflits des générations ou de vision? Eveille-t-il un état d’esprit compétitif à l’issue duquel les initiés ou les intéressés dominent les exclus ? Quelle est sa vraie mesure dans l’Afrique, diverse et diversifiée ?
Dans la majorité des sociétés africaines où au 31 décembre 2011, moins de 15% de la population avec des disparités criantes allant de 0 à 45% peinent (4) , faute des moyens et d’infrastructures, à jouir des bienfaits universels des développements scientifiques ou technologiques, à maitriser l’usage des outils de l’information et à y puiser des données et richesses inouïes; il serait hasardeux et dangereux d’opposer les générations Z à celles dites X par le seul fait de leur temporalité même s’il est reconnu aux plus jeunes, une forte propension et une dense adaptation au changement, un aigu tact dans la manipulation, le traitement de nouvelles techniques de l’information ou de communication (NTIC).
Le danger de cette opposition réside dans le fait que la tranche d’âge supérieure à 30 ou 33 ans est souvent celle aux commandes dans le privé et le public. C’est elle qui détient les leviers des ressources contre laquelle, l’issue des hostilités n’est pas gagnée d’avance pour les jeunes turcs Z.
A nos jours et dans certains pays d’Afrique où connecter un ministère à un réseau internet, le doter d’un site web ou l’équiper du matériel informatique donnent lieu à  une réjouissance festive et événementielle, il semble peu réaliste, moins productif de placer les générations Y ou Z en conflit avec les générations X. Dans ce contexte de la pénurie généralisée, beaucoup de jeunes sont déconnectés faute des moyens ; donc non à la page et peu formés, mal instruits et insuffisamment informés.
Leur potentiel se réduit, devient inefficace et tend à vieillir l’esprit plus vite que chez les anciens. A contrario, cette carence peut en cas de conscience ou de dépit généralisé, inciter à la rupture, à la révolte, à la révolution.
Hormis certaines rares initiatives privées louables et à ces conditions, l’âge discrimine et classifie les dites générations X, Z et Y moins que la disponibilité à l’innovation, la secousse aux tabous et l’esprit entrepreneurial. Une approche manichéenne de ces acteurs les éloigne de leur responsabilité commune et engagée dans le développement de leurs nations. L’énergie et la critique des jeunes concourent au souffle de vie indispensable aux organisations ; l’expérience et l’ancienneté des adultes bâtissent la fondation.
Loin d’être fondamentalement opposées, ces générations sont appelées à se rencontrer. Elles se croisent dans une dynamique impulsive qui s’abreuvant à l’expérience sure et l’expertise probable des X, enrichit l’énergie et l’inventif des Y pour doper leurs organisations avec la fibre spontanée et risquée des Z.  « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » caractérise mieux l’état d’esprit collaboratif et coopératif des adultes matures et bibliothèques avec des  jeunes entreprenant et audacieux pour l’avènement d’une société africaine, libre des contraintes actuelles de survie, en permanence en question et à la quête d’un meilleur être dans le concert des citoyens du monde. L’angoisse des générations Z n’a donc point droit de cité dans cette complicité. 

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(1) 
 Douglas Murray Mc GREGOR, The human side of Enterprise, New York, McGraw-Hill, 1960;
(2)
Xavier TEDESCHI, Génération Y génération spontanée ? in http://www.journaldunet.com/management/expert/4930/xavier_tedeschi/, 2012;
(3) 
 Clémentine MONNIN,  Jeune Y recherche un coach, in http://www.journaldunet.com/management/expert/5284/clementine_monnin/), 2012;
(4) 
http://www.internetworldstats.com/stats1.htm