Un cabinet de recrutement doit-il garantir ses recrutements ?

Que vous soyez candidat ou client utilisateur, vous le savez peut-être, les cabinets de recrutement ont pour habitude (obligation commerciale?) de garantir leurs recrutements.

Une fois le candidat en poste et la facture réglée, une période de garantie prévoit un remplacement dudit candidat si celui-ci venait à quitter, de son propre chef ou non, son poste avant une période convenue en amont.
Depuis plusieurs années que j’évolue dans l’univers du recrutement, j’ai vu de tout: pas de garantie du tout, garantie de 12 mois, garantie de 6 mois, garantie non honorée, garantie comprise dans les honoraires, garantie comptabilisée en supplément, etc…. 12000 versions pour, finalement, un acte commercial assez banal.De plus en plus, je me pose la question d’une telle clause dans nos contrats. Voici 3 raisons pour lesquelles je m’interroge de plus en plus de l’intérêt d’une pareille démarche.

Raison 1: les entreprises en usent et en abusent. 

Bonne nouvelle ! Votre candidat est embauché! Mais…le plus dur est à venir ! En effet, désormais, vous allez être soumis à un autre type de pression: votre candidat va-t-il réussir à convaincre et à garder son job ?
Toujours est il que bon nombre d’entreprises abusent du système et teste jusqu’à dernier jour la qualité de votre candidat. Au moindre doute, il sera renvoyé…puisque couvert par votre garantie.
D’après les retours de certains DRH avec qui j’ai pu en discuter, ils admettent en off qu’ils ont déjà viré du personnel sachant ce poste concerné par la garantie, alors qu’ils ne l’auraient pas fait si le candidat avait été embauché en direct.Plusieurs raisons à cela.En direct, un DRH a tout intérêt a faire respecter ses choix en interne et ainsi faire en sorte que le candidat recruté par ses soins en direct, tienne la route. Lorsqu’un tiers est intervenu, la faute est souvent facilement transférable envers le prestataire…
Au même titre que les personnes qui ont une mutuelle vont changer de lunettes tous les ans, invariablement, quoi qu’il arrive et sans tenir compte de leur réel besoin en la matière, certaines entreprises considèrent que la garantie est un dû faisant parti de la prestration, et qu’en cela ils doivent sortir le candidat concerné au moindre doute. Cela permet de re-effectuer un état du marché quelques mois plus tard, de rebalayer le champ des possibles, etc… Mais comme l’herbe semble toujours plus verte ailleurs, l’entreprise finit très souvent frustrée de ne pas avoir trouvé mieux.L’abus ultime se trouve dans le fait que l’on nous demande parfois de recruter sur un poste donné, pour se rendre compte quelques mois plus tard qu’en réalité le besoin est tout autre. Exemple: je recrute un technico-commercial senior pour une société X. Au bout de 4 mois, le candidat s’en va, me mettant en évidence le manque d’organisation en interne, les retards sur les commandes clients, etc…bref, une boîte normale. ;-)Mon client, l’entreprise X m’indique alors vouloir actionner la clause de garantie MAIS sur un poste de Directeur Commercial « car ils se sont rendus compte que l’organisation actuelle, patati patata… ». Pourquoi une erreur de stratégie (vous voyez un autre mot) devrait elle être endossée par le consultant? Si j’ai mal recruté, j’accepte volontiers d’en payer les pots cassés. Mais en l’occurrence, j’ai bien recruté, mais pas sur le bon poste.
Les erreurs de vision stratégique devraient être des exclusions aux clauses de garantie.
Au même titre que les périodes d’essai rompues pour différence de discours entre le poste présenté au déclenchement de mission et le poste finalement observé sur le terrain par le quotidien. J’ai eu le cas dernièrement: voiture de fonction prévue depuis le début, et même indiquée dans mon annonce. Durant le process, le tout est confirmé. Le jour de son intégration, mon candidat se voit expliqué que son véhicule de fonction lui sera mis au sortir de sa période d’essai, pas avant. Furax, trahi, il claque la porte. Et je dois relancer un recrutement complet pour ça ? Pour une bagnole ?Le jour d’intégration. Ce fameux jour d’intégration. Transition PPDAesque vers le 2ème point.

Raison 2: nous n’avons aucune maîtrise de l’onboarding process. 

80% des échecs de recrutement prennent racine durant les 15 premiers jour de prise de fonction. Sources: mes stats personnelles, et c’est déjà pas mal. ;-)

Plus sérieusement, le onboarding process, processus d’intégration en français, est aujourd’hui ce qui peut faire la différence  dans le cadre de la réussite future de votre collaborateur. En tout cas, ce (non) processus peut en déterminer le futur échec.
Je reçois le candidat en entretien durant 1h jugeant notamment de sa compatibilité d’ADN avec celui de mon client. Mon client le reçoit à son tour entre 2 et 4 fois. L’embauche. M’explique au bout de 15 jours que le candidat ne convient pas, et il faudrait que j’assume pleinement cette situation. Ne serait ce pas logique de partir du principe que nous avons été 2 à cibler ce candidat, et que nous devrions être 2 pour en assumer les retombées ?

Une fois le candidat dans les murs de l’entreprise, de quel poids dispose-je (dur à dire ça!) pour m’assurer que TOUT a été mis en place pour que mon candidat s’intègre parfaitement et performe rapidement ? Aucun. Ou quasi aucun. Combien d’entreprise est-ce que je connais ont un process d’intégration normé, performant et motivant ? Quasi aucune. Plus difficile: combien d’entreprises est6ce que je connais qui disposerait de la souplesse nécessaire pour adapter leur process d’intégration en fonction du profil et/ou de la personnalité du candidat retenu ? Aucune! AU-CUNE ! Et pourtant c’est cela un process d’intégration réussi ! Pourquoi donc, lorsque qu’un bon candidat (puisqu’il est recruté parmi d’autres, c’est qu’il doit avoir certaines qualités) ne parvient pas à s’intégrer alors même que son nouvel employeur n’a pas joué son rôle dans ce processus là, parle-t-on d’erreur de recrutement ? Pourquoi diable une garantie ?

Le jour où on me donne les clés pour modéliser un onboarding process d’un côté, le fait de recruter le bon profil d’un autre, et que ça plante malgré tout, je suis bien entendu prêt à entreprendre n’importe quelle garantie. Mais mon petit doigt me dit que j’aurais moins de casse….

Raison 3: (c’est l’instant question provoc) peut on VRAIMENT garantir noir sur blanc l’adéquation entre un candidat et un environnement d’entreprise ? A 100% ?

Les RH ont en cela que nous pratiquons un métier où la variable est humaine. Du côté client comme du côté candidat. L’humain a cela qu’il est imprévisible. Inattendu. Plein de contradictions. A partir de là, comment peut on sereinement tabler sur une réussite à coup sûr d’une personne dans un environnement nouveau ?
Il nous faudrait en réalité des mois et des années pour appréhender et connaitre une culture d’entreprise, son esprit, son ADN. Il nous faudrait aussi autant de temps pour en savoir autant sur le candidat ! Autant dire que c’est impossible.

Les tests de personnalité sont là pour nous rassurer sur ces points, mais s’appuient sur des résultats statistiques, mais rien de scientifique. Assurer un recrutement revient à assurer un coup de dé. Délicat, difficile de savoir ce qui va précisément se passer. Votre processus d’intégration y sera pour beaucoup dans la réussite future de votre nouveau collaborateur. Votre process est-il normé ? Si non, n’hésitez pas à vous faire aider !

Rappelez vous « On recrute des compétences, on licencie une personnalité ».

Et vous, vous en pensez quoi ? Accepteriez vous une prestation de recrutement sans aucune garantie ? Une garantie partagée ? Le système le plus répandu actuellement vous semble-t-il juste pour tout le monde ? Quelles sont vos bonnes et moins bonnes expérience en la matière ?
Si vous avez aimé cette chronique, n’oubliez de vous abonner au flux RSS sur cette page.