Trois cerveaux chez l'Homme

Bien que les décisions se prennent par le biais de subtiles interactions entre les cerveaux, les leaders efficaces comprennent instinctivement quel est le cerveau dominant. Et le mot « dominant » est ici minutieusement choisi.

Pouvons-nous changer les états d’esprits ?
Si l’on pose cette question à un politicien récemment élu, dont on sait qu’il est la forme de vie la plus futée de toutes, il répondra probablement « ça dépend ». De fait, certains états d’esprit sont si profondément ancres qu’ils deviennent quasi immuables. Un voyage express en Afghanistan pour y regeler les conflits tribaux serait malvenu. De même pour la Palestine, Chypre, l’Irak ou toute autre région délicate. Faire changer l’opinion des gens sur des sujets importants de la société ne serait certainement pas du tout cuit non plus. Heureusement, le type de défi que nous devons relever n’est pas si compliqué.

L’homme possède trois cerveaux

Vieux de cent millions d’années, le cerveau reptilien est un appendice minuscule gros comme un petit pois et niché à l’arrière du cerveau. Il gouverne la faim, la défense du territoire, la lutte et la fuite. Vieux seulement de 50 millions d’années, le cerveau des mammifères, le système limbique, abrite les fonctions cérébrales qui gouvernent nos émotions : nourriture, sexualité, odorat, besoin de relations, sentiments. Enfin, le petit dernier, vieux d’à peine un million d’années, est le néocortex. Il englobe 80 % du cerveau et facilite un degré élevé de réflexion et la planification.
Il arrive que le cerveau reptilien prenne le dessus. Le lecteur courageux pourra tenter l’expérience suivante. Avant tout, dénichez un ami qui dispose d’une cuisinière à bois. Un beau soir, faites chauffer le poêle comme il faut. Petit conseil, les résineux bien secs fonctionnent à merveille. Revêtez quelque chose de confortable. Faufilez-vous près du fourneau devenu très chaud et, à un moment qui vous semblera opportun, d’un mouvement agile et simple, hissez-vous et asseyez-vous dessus. Avant même que vous vous rendiez compte, avant même que la moindre logique n’entre en ligne de compte, avant même que la moindre émotion n’ait surgi, vous serez descendu. Le cerveau que nous avons développé quand nous ne faisions que la taille d’une souris et que nous partagions la planète avec les plus grandes créatures que le mode ait jamais connues, sait encore se montrer bien présent le cas échéant.
 
Les dépenses publicitaires annuelles en Amérique du Nord s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards.
À elles seules, les études pèseraient pas moins d 5 milliards de dollars. Chaque jour, nous sommes bombardes de milliers d’images destinées à nous persuader d’acheter- ou de continuer à acheter- un produit A plutôt qu’un produit B. Nul besoin de génie marketing pour nous dire que la vaste majorité de ces incitations ne font pas appel à la logique mais bien à l’émotion.
Notre prise de décision est dominée par le cerveau des mammifères : l’émotion. Pendant une semaine, nous prenons le temps de planifier et, une fois le moment de choisir venu, les émotions prennent le dessus. Nous choisissons avec notre cœur puis nous demandons à notre tète d’analyser s’il s’agissait d’une bonne décision, bien souvent après l’événement lui-même.
Les professionnels de l’emballage et des produits emballes savent bien que plus de 70 % des achats effectues dans un supermarché correspondent à des achats d’impulsion. Les gens n’achètent pas les produits, ils achètent l’emballage. Nulle surprise donc, que dans de nombreux cas l’emballage coute en fait plus cher que le produit lui-même. P. Read Montague de Baylor College, chercheur qui utilise l’IRM pour explorer le pouvoir du branding, a découvert que les messages contenus dans les publicités s’infiltrent dans le cerveau et prennent le dessus sur les références plus logiques. Les techniques de scan modernes ne viennent que renforcer ce que Nestlé, Cadbury, Wal-Mart ou Tesco ne savent déjà que trop bien.
Dans ce contexte, nous devons réfléchir aux outils auxquels les leaders prospèrent ont accès pour changer les états d’esprit. Le changement qui se cantonne à une discussion, un débat, une analyse ou une réflexion linéaire est voué à des difficultés. Change la manière de penser des gens ne réside pas dans une souveraineté de la logique et de la réflexion cérébrale, mais bel et bien dans l’émotion : dans le royaume raffiné du langage, de la métaphore, du récit, des images, de la fierté, du défi et de l’imagination.
« Notre prise de décision est dominée par le cerveau des mammifères : l’émotion. »