Dans
l'univers des
supermarchés
en ligne, une chose est sûre : il y a un avant et
un après Houra.
Auparavant réservées à "l'élite"
du Web (forts revenus, habitant en région parisienne
et vivant à 100 à l'heure), les courses
en ligne sont subitement devenues une réalité
pour tout un chacun avec l'arrivée du cybermarché
du groupe Cora : tarifs se rapprochant de ceux pratiqués
par les hypermarchés "physiques", livraisons
dans toute la France et campagne publicitaire prônant
la "paresse" davantage que le manque de temps.
Il fallait oser. "C'est vrai que c'était audacieux,
reconnaît Pierre Bouriez, le PDG de Houra.fr. Nous
avons eu un peu peur."
Mais
la peur n'empêchant pas les moyens, ce sont 20 millions
de francs qui ont été investis en publicité.
Une somme d'argent qui a eu deux conséquences majeures :
un succès immédiat auprès du public
qui "voulait voir de quoi il s'agissait" et
qui s'est rué en masse, entraînant quelques
soucis de logistique (retards de livraison, colis incomplets)
et bon nombre de clients mécontents, mais aussi
un intérêt soudain pour les cybermarchés,
qui a dopé les ventes des principaux concurrents
de Houra (Télémarket,
C-mescourses
et Ooshop).
Sans oublier la paternité du terme "cybermarché".
Le concept était né en France.
Six mois après, Pierre Bouriez est un homme heureux.
Houra.fr vient de se voir remettre le prix de la "Boutique
sur le Net" décerné chaque année
par la FEVAD (Fédération des Entreprises
de Vente à Distance, Lire l'article
du JDNet du 10/07/00). Les soucis de logistique du démarrage
sont oubliés ("Nous avons 98 % de clients
satisfaits"). Le site a enregistré 40.000
commandes depuis son lancement et compte 20.000 clients
(dont
70 % de femmes). S'il se refuse toujours à divulguer
ses perspectives de chiffre d'affaires (et déclare
que le panier moyen pèse 40 kilos contre 20 au
démarrage, pour un montant compris entre 300 francs
et 3.000 francs !), Pierre Bouriez estime que l'objectif
de 100.000 clients avant la fin de l'année est
maintenu. Le choix d'une offre produits très large
(50.000 références, contre 5.000 à
6.000 pour ses concurrents) fait ses preuves : "Nous
vendons de tout, dans des proportions très différentes
de celles de la distribution traditionnelle".
Mais le site, qui se distingue des autres par ses livraisons
dans la France entière, est forcé de constater
que cette condition entraîne quelques soucis. Tout
d'abord, son PDG reconnaît que 70 % de sa clientèle
habite en Ile-de-France. L'absence de produits frais commence
également à se faire ressentir : "C'est
vrai que les clients les réclament", admet
Pierre Bouriez. Dernier souci : si les habitants de la
région parisienne peuvent choisir des plages horaires
de livraison de deux heures, ce n'est pas le cas des autres.
Les livraisons à domicile deviennent alors nettement
moins intéressantes, car il faut soit rester à
la maison et attendre, soit se faire livrer au bureau,
et rentrer le soir avec tous ses cartons, comme si l'on
revenait du supermarché : "Nous essayons d'étendre
les plages de deux heures à d'autres villes".
Pierre Bouriez reconnaît que les difficultés
sont multiples : "Il faut rester simple et répondre
aux demandes concrètes. Les clients veulent du
Chocapic, il faut leur proposer du Chocapic. Ils veulent
des plages horaires de livraison en province, à
nous de faire en sorte de leur en proposer." Mais
cette vision concrète des choses n'empêche
pas le site d'envisager d'ores et déjà un
déploiement international.
La concurrence ? Pierre Bouriez la juge positivement.
"Nous profitons tous les uns des autres. Mais je
pense que nous ne sommes pas complètement concurrents.
Les autres visent les courses hebdomadaires. Houra, ce
sont plutôt les courses de gros calibre en fin de
mois." Quant à savoir quel sera l'avenir des
cybermarchés : "Je continue de croire qu'ils
représenteront 5 à 15 % de la distribution
traditionnelle d'ici trois à cinq ans. Et croyez-moi,
cela me convient parfaitement", conclut Pierre Bouriez.
[Laurence Matuchet,
JDNet]