Logiciel d'occasion : ce que l'on peut faire, et ce que l'on ne doit pas faire

Logiciel d'occasion : ce que l'on peut faire, et ce que l'on ne doit pas faire Une entreprise peut-elle acheter et vendre des logiciels déjà utilisés ? La justice a encadré le procédé, et des entreprises se sont engouffrées dans la brèche.

L'arrêt du 3 juillet 2012 de la cour de justice européenne (CJUE) a soufflé fort dans les voiles d'un marché méconnu, qui pourrait bien continuer à prendre de l'ampleur : le marché du logiciel d'occasion. Après cet arrêt, les éditeurs ne peuvent plus s'opposer à la revente de leur logiciel dans l'Union européenne. C'est ce qu'a voulu la justice, au terme d'un combat qui a opposé Oracle à Usedsoft, le premier ayant essayé d'empêcher l'autre de revendre ses solutions d'occasion. Le marché est donc parfaitement légal, les acheteurs comme les revendeurs n'ont rien à craindre.

Sans doute l'un des éditeurs les plus concernés par cette pratique, Microsoft, et plus exactement son service juridique, l'a d'ailleurs bien confirmé par écrit au JDN, "la CJUE a décidé que des licences de logiciels peuvent être recédées". Il y a toutefois quelques conditions qui doivent être respectées, a tenu à ajouter le service juridique, mais elles sont assez évidentes, et pas très contraignantes.

Pour résumer, le logiciel doit avoir été vendu initialement avec le consentement de l'éditeur, et dans l'UE. Sa licence ne doit pas avoir été acquise pour une durée limitée. Et, évidemment, celui qui cède le logiciel ne doit plus pouvoir l'utiliser après l'avoir vendu : il doit donc avoir été désinstallé. De plus, si les solutions SaaS ne sont pas impactées par l'arrêt, les solutions téléchargées depuis un site sont bien concernées, elles, l'arrêt le précise bien. 

"Office 2007 d'occasion fait partie de nos meilleures ventes"

Un argument simple : le prix

"Nos meilleures ventes en France sont les licences d'occasion CAL et celles d'Office 2007", a pu observer François-Xavier Beauval, country manager d'Usedsoft France. Son entreprise est spécialisée dans l'achat et la revente de logiciels d'occasion pour les entreprises. Une fois le prospect convaincu de la légalité de l'offre, pour vendre des licences d'occasion, son argument est simple : cela coûte moins cher.  

Selon les calculs d'Usedsoft, acquérir définitivement 10 nouvelles licences d'Office Professional Plus 2013 revient à 4312 euros, alors que 10 licences d'occasion de cette même suite coûtent 2094 euros. Deux fois moins cher. Bien loin, aussi, des 6300 euros de l'abonnement pour 10 salariés à Office 365 Business Premium pendant 5 ans… "En général, les licences d'occasion reviennent 30 % moins cher que les mêmes versions neuves", affirme François-Xavier Beauval.

Des clauses "léonines" dans certaines conditions d'utilisation

L'arrêt de la CJUE indique aussi bien que les logiciels de deuxième main doivent continuer à pouvoir bénéficier des mises à jour, comme les patchs de sécurité. Or, Office 2007 sera maintenu jusqu'en octobre 2017, Office 2010 jusqu'en 2020, Office 2013 jusqu'en 2023, et Office 2016 jusqu'en 2025. Cela laisse donc voir venir (sauf pour Office 2007).

Mais si les conditions d'utilisation d'Office autorisent bien le transfert de licence, ce n'est pas le cas de tous les logiciels. Parfois, des clauses interdisent la revente. D'après François-Xavier Beauval, ce type de clause est tout simplement "léonine"… Et c'est vrai qu'avec son arrêt, la CJUE a bien souligné que "même si le contrat de licence interdit une cession ultérieure, le titulaire du droit ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie".

La justice autorise l'achat et la vente de logiciel d'occasion, sous certaines conditions. ©  Africa Studio - Fotolia

Pourrait-on, dans ce contexte, imaginer acheter des licences du client Windows d'occasion, ou les revendre ? D'autres peuvent le proposer, mais ce n'est a priori pas au programme d'UsedSoft. "Le marché n'est pas assez grand. Et les machines sont souvent vendues avec la licence Windows, à un prix difficile à concurrencer. En plus, il s'agit souvent de licences OEM, ce qui peut compliquer un peu leur revente", explique le responsable France de l'entreprise.

Croissance de 50% cette année

Usedsoft  existe en Allemagne, où cette entreprise a été fondée en 2003. Selon François-Xavier Beauval, l'arrêt de 2012 n'a fait que s'inscrire dans la continuité d'une directive déjà existante, mais c'est vrai qu'Usedsoft a clairement pu profiter de cet arrêt. L'entreprise ne s'est d'ailleurs installée en France qu'après cet arrêt, au printemps 2013.

Quelques autres entreprises spécialisées, comme ValueLicensing, ou des places de marché généralistes, lui disputent le marché en France, mais Usedsoft connait aujourd'hui une assez forte croissance dans l'Hexagone : après y avoir réalisé un chiffre d'affaires de 2 millions d'euros, elle vise les 3 millions en 2015. Elle affirme avoir vendu "plusieurs milliers de licences Office 2007 ces douze dernier mois", mais rechigne à donner des noms de clients français. Elle admet toutefois ne pas compter d'entreprises du Cac40 parmi eux, mais souligne qu'elle a convaincu des collectivités de l'administration française, et Ipsos France est cité comme référence client sur son site.