Les SSII indiennes se tournent vers les marchés émergents

Toujours concernées par le ralentissement américain, les SSII indiennes, après avoir lorgné l'Europe, se tournent maintenant vers des proies peut-être moins compliquées pour elles et certainement beaucoup plus ouvertes. Faut-il s'en réjouir ?

Les économies émergentes du Moyen-Orient et d'Afrique ont des dépenses en technologie avec une croissance deux fois plus forte que dans les pays développés. Satyam Computer Services Ltd, Infosys Technologies Ltd et Wipro étudient sérieusement ces pistes.

Les dépenses en technologie de l'information en Asie-Pacifique, Amérique Latine, Moyen-Orient, Afrique et Europe de l'Est sont en voie d'atteindre 1,1 trillion de dollars cette année, contre 964 milliards de dollar en 2007, selon Gartner. Avec une croissance de 8,5% par an, les dépenses atteindront 1,3 trillion de dollars.
 
Satyam, numéro quatre des exportateurs IT indiens, négocie des contrats d'une valeur de 10 à 30 millions de dollars dans ces régions, selon son directeur Virender Aggarwal. Un analyste travaillant chez le broker Sushil Finance commente : "Les contrats que l'on voit dans les marchés émergents ne sont que le commencement".

L'industrie logicielle et d'externalisation de back-office indienne est en voie de porter ses ventes à 64 milliards de dollars, en augmentation par rapport aux 48 milliards précédents, selon le NASSCOM. La part des exportations américiane est de 41 milliards de dollars, soit 60% du total.
 
Avinash Vashitha, dirigeant de Tholons note quant à lui : "Je vois les Etats-Unis compter pour 50% des exportations du secteur dans trois ans".
 
La priorité donnée au marché américain jusqu'à présent était surtout une question de facilité, un fruit à portée de main, explique-t-on chez Sushil Finance. Mais le changement de donne, roupie forte, dollar faible, ralentissement économique, a obligé les Indiens à élargir leur vision alors qu'ils rencontrent une farouche compétition de la part d'acteurs globaux comme IBM, Accenture et Microsoft, même en Chine et Inde.

Ce qui semble impressionnant, c'est la flexibilité et la rapidité de mouvement de ces sociétés indiennes qui ciblaient l'Europe il y a encore quelques mois et qui semblent avoir trouvé un nouveau terrain pour exprimer leur talent. Il est fort probable que les difficultés à travailler avec les Européens et la fermeture de ces marchés aient fortement contribué à accélérer le mouvement.

Il ne me semble pas sûr qu'il faille considérer cela avec soulagement. En quelque sorte, Atilla qui aurait passé son chemin sans brûler l'herbe sur son passage, c'est une façon de lire les évènements. Une autre lecture pourrait être de considérer que l'accès aux marchés émergents qui aurait pu être un relais de croissance pour l'Europe, est d'ores et déjà une immense opportunité perdue et que nous devrons nous nourrir exclusivement de notre faible croissance.
 

Les greniers des autres contrées ayant été pillés, ceci n'est qu'une allégorie bien-sûr, il n'est pas sûr que nos sociétés de service résisteront bien longtemps à une nouvelle offensive de l'offshore indien... ou autre. L'industrie informatique et de service ne peut pas vivre indéfiniment en autarcie, se complaisant dans son  propre marché, incapable de s'exporter et structurellement non-compétitive.


Quant aux plus audacieuses de nos entreprises hexagonales dont la fierté première a souvent été d'ouvrir un bureau aux Etats-Unis, elles peuvent aussi s'interroger : faut-il continuer à investir dans un pays dont se détourne clairement le numéro un mondial des services informatiques ?

Mais pour pouvoir s'attaquer à de tels marchés, les qualités premières sont la modestie et l'écoute du client, des domaines dans lesquels les Indiens ont beaucoup appris au contact des Américains, lorsqu'il s'agit des affaires.

Alors qu'on n'imagine pas à quel point le décalage culturel devait les condamner il y a dix ans à ne pas pouvoir répondre aux besoins de ce marché, leur capacité d'adaptation et d'assimilation fera écrire au célèbre journaliste Thomas L .Friedmann qu'en venant en Inde rencontrer des Indiens à propos de la montée de l'outsourcing, il avait rencontré ... des Américains, tant le modèle lui avait paru complètement intégré. Nul doute que demain les Indiens sauront être, pour le besoin des projets, arabes, africains,  malaysiens, néo-zélandais...