Disrupter ou se faire disrupter : un enjeu de taille pour les entreprises

Quels sont les freins culturels à l’adoption de nouvelles pratiques numériques ? Sur quelles réticences sont fondées ces barrières, et comment y répondre ? Le point.

C’est un fait, les nouvelles technologies ont effacé les frontières entre le réel et virtuel et instauré de nouvelles pratiques qui révolutionnent notre manière de travailler, d’interagir et de collaborer. En revanche, il est important que les entreprises de la tech prennent en compte l’environnement socio-culturel dans lequel elles s’implantent, et adaptent leur approche en conséquence. Autrement, certaines d’entre elles risquent de se heurter à des barrières qu’elles auraient peine à franchir.

Quels sont les freins culturels à l’adoption de nouvelles pratiques numériques ? Sur quelles réticences sont fondées ces barrières, et comment y répondre ? 

Les entreprises résistent encore au changement

Les réticences sont un sujet d’actualité : face à un nouveau mode de travail, elles ont toujours été le lot des entreprises innovantes. Peur de devoir renoncer à l’ancien « modèle », crainte que les nouveaux outils entraînent une configuration dans laquelle un collaborateur ne trouverait pas sa place : les raisons à ces réticences sont multiples. Qu’il s’agisse par exemple de gestion automatique des factures, de tout autre usage de l’intelligence artificielle en entreprise ou encore de signature électronique, on retrouve plusieurs peurs récurrentes : la non-fiabilité ou la non-légalité des documents, et l’invasion des technologies dans les entreprises au détriment du travail humain. Selon un baromètre* sur les pratiques numériques en entreprises réalisé par l’Ifop, la nouveauté de ces outils et de leurs usages rend incertain le retour sur investissement qu’ils peuvent apporter. Pourtant, il suffirait aux entreprises de tester les nouveaux outils et de se former sur leur utilisation pour s’assurer de leur adéquation avec leur activité. La conduite du changement pourrait être menée dans ce sens, en impliquant tous les collaborateurs.

La problématique du stockage et de la conservation des données, toujours associées à la sécurité

 Le cloud est en phase de révolutionner plusieurs secteurs d’activité. Quelle que soit la taille des entreprises, il est le point commun entre les nombreuses innovations liées à la donnée proposées aux entreprises. C’est aussi la principale source de crainte en Europe. Les données ne sont plus uniquement sauvegardées sur des serveurs internes gérés par le personnel de l’entreprise. Elles sont désormais en ligne et consultables depuis n’importe où. De quoi donner le vertige aux entreprises pour lesquelles la sécurité reste un enjeu stratégique majeur. En Europe, la donnée est en effet encore perçue comme une ressource volatile dont on ne maîtrise pas la circulation, ce qui accentue l’inquiétude quant aux outils permettant d’échanger plus rapidement des documents grâce au cloud. Pour apaiser ces réticences, les acteurs du web doivent impérativement inclure dans leur prospection un volet « éducation du marché ». Celui-ci consisterait à comprendre les facteurs socio-culturels qui influencent la perception qu’une entreprise peut avoir d’un produit, puis à sensibiliser ses prospects en tenant compte de ces influences.

 Les législations doivent évoluer

Une autre barrière, plus identifiable, à l’adoption de nouveaux outils de collaboration, est la législation en vigueur dans chaque pays. Par exemple, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, pays dits de « Common law » (loi commune), la juridiction des entreprises fonctionne selon les décisions judiciaires, ce qui facilite la proposition et la mise en place d’une nouvelle loi concernant les données exploitées avec de nouveaux logiciels. Le cadre législatif américain est donc plus à même d’encourager les entreprises à adopter de nouvelles solutions basées sur le Cloud telles que les CRM, ERP ou la signature électronique, et celle-ci n’a eu aucun mal à se frayer un chemin parmi les processus d’entreprise. En Europe, les us et coutumes en entreprise sont différents : le cadre administratif reste attaché au support papier comme preuve irréfutable de légalité. En outre, la législation est fondée sur le droit civil, et donc plus lente à adopter de nouvelles réglementations. 

C’est dans ce contexte que Bruxelles a pris les devants en mettant en place un cadre juridique commun, le GDPR (RGPD en français). Le GDPR, ou General Data Protection Regulation, est le nouveau règlement européen décidé en décembre 2015 qui s’appliquera dès mai 2018 à toute entreprise qui collecte, traite et stocke des données personnelles dont l’utilisation peut directement ou indirectement identifier une personne. Il repose sur le droit fondamental inaliénable que constitue, pour chaque citoyen, la protection de sa vie privée et de ses données personnelles. Cette règlementation s’applique à toutes les entreprises publiques et privées qui collectent des données numériques personnelles de clients, prospects, partenaires.

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à adopter des outils d’automatisation de leurs processus métier qui font interagir des humains. Elles s’inscrivent en cela dans la continuité de la réglementation eIDAS**, qui définit clairement ce que doit être une signature électronique, en confortant le signataire de sa validité légale, au même niveau qu’une signature manuscrite. Cependant, une action de sensibilisation aux avantages de ces outils et à leur conformité avec les différentes législations en vigueur reste encore à effectuer.

Avec un cadre juridique aussi bien défini, les états membres de l’union européenne devraient pousser les entreprises privées à accélérer leur transformation numérique afin de rester compétitives.

La manière la plus simple est de montrer l’exemple, en effectuant leur propre transformation, et en offrant des e-services de confiances à leurs citoyens, à l’instar de la Slovaquie qui offre une pléiade de services en ligne aux slovènes. Les Etats doivent afficher une volonté franche de faire évoluer la perception que l’on a sur les données, et éduquer les acteurs économiques pour qu’ils y voient, bien au-delà d’un enjeu sécuritaire, une opportunité de s’affirmer sur la scène internationale.

* Baromètre Ifop sur les pratiques digitales dans les grandes entreprises, à retrouver ici

** Le Règlement « eIDAS » n°910/2014 du 23 juillet 2014 a pour ambition d'accroître la confiance dans les transactions électroniques au sein du marché intérieur. Consulter le règlement ici