Yves de Talhouët (HP France) "Nous nous positionnons sur des prestations cloud dédiées aux fonctionnels"

Le constructeur tourne la page de la crise et va rembourser ses collaborateurs touchés par les mesures de restriction salariale. Le point sur sa stratégie.

JDN Solutions. 2009 a été une année éprouvante pour HP, comment l'expliquez-vous ?

Yves de Talhouët. L'année a été difficile pour tout le monde et également nos clients. Nous avons constaté des baisses sur toutes nos lignes de produits de l'ordre de 20 à 25%. Des baisses très brutales, concentrées sur un trimestre. En revanche, toutes les activités liées à des revenus récurrents ont mieux résisté, ce qui explique que certains acteurs comme IBM par exemple, spécialisés sur la location longue durée de mainframe, s'en sont mieux sortis.

Les revenus de votre activité services ont baissé deux fois plus fortement que le reste du marché, pour quelles raisons ?

Il convient de rester prudent avec les chiffres qui manient différemment les résultats à périmètres courants et constants, ce qui n'est pas du tout pareil. Pour autant, 2009 a été une année particulière pour notre activité services, qui s'est accompagnée d'une phase très lourde de transformation.

Un autre commentaire que l'on peut faire est que le carnet de commandes qui avait été peu rempli en 2009 s'est très bien repris. Nous n'avons d'ailleurs jamais connu au sein d'HP comme d'EDS un carnet de commandes aussi volumineux. Cela constitue donc un bon signal pour la croissance future, même si je reste conscient que cela ne pourra pas se traduire dans nos comptes immédiatement. 

La situation s'améliore donc à ce point depuis le début de l'année ?

HP a clôturé son exercice 2009 au 1er novembre et le premier trimestre pour nous est donc déjà loin. Notre début d'année a en tout cas bien commencé, et on constate une reprise assez dynamique et un rebond qui se matérialise dans les derniers chiffres des cabinets d'études dont ceux d'IDC.

"Nous avons tourné la page des mesures particulières de réduction des coûts"

HP se positionne en phase de reconquête de parts de marché. Notre travail pendant la crise a consisté à protéger au maximum les forces vives de l'entreprise, notamment les forces de ventes pour n'avoir jamais eu à rompre le dialogue avec nos clients. Nous avons bien sûr aussi bataillé sur nos coûts internes et de fonctionnement.

Avez-vous entrepris des mesures de réduction de coûts particulières cette année ?

A une certaine époque, il y a un an et demi, nous avons dû mettre en place une politique très ferme de contrôle des coûts qui s'est notamment traduite par une réduction de salaires des dirigeants et des cadres supérieurs ainsi que par des plans de restructuration dans le monde mais également en France.

Nous avons aujourd'hui tourné la page de ces mesures et comme l'année fiscale s'est un peu mieux terminée qu'escomptée, nous avons pu rembourser les collaborateurs touchés par les mesures de restriction salariale. Le message étant que quand la situation le nécessite, il est nécessaire de se serrer la ceinture, mais à l'inverse quand elle s'améliore il est normal de rétribuer ceux qui ont fourni des efforts.

Comment évaluez-vous la demande des entreprises ?

Les entreprises commencent à relancer leurs projets d'investissements mais restent encore prudentes. Nous constatons qu'elles sont cependant sensibles à notre discours axé sur la transformation du SI permettant de faire baisser leurs coûts d'exploitation pouvant atteindre 30%. C'est une proposition de valeur attractive et qui rencontre un certain succès aussi bien dans les services que dans la vente d'équipements. 

En avez-vous profité pour rénover vos gammes de solutions ?

Nous avons introduit de nouvelles lignes de produits et avons continué à innover très fortement même pendant la crise. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de proposer une offre d'infrastructures convergentes qui consiste à ne plus avoir à gérer de façon isolée, silo par silo, les serveurs, le stockage et le réseau.

On s'aperçoit en effet que tous ces composants interagissent entre eux et qu'il était nécessaire d'apporter une interface de gestion commune pour accroître la flexibilité d'usage et adapter les capacités d'échanges entre ces éléments physiques. Au-delà de cette flexibilité, nous avons également misé sur la standardisation des composants comme les alimentations électriques ou des pièces détachées, pour faire émerger de nouvelles économies d'échelle.

Enfin, nous avons fait évoluer le cadre technologique dans lequel nos offres s'intégrent en proposant une infrastructure convergente, essentielle pour bâtir des clouds privés et publics.

Le rachat de 3Com a dû vous être utile pour peaufiner cette nouvelle offre ?

"Notre prestation cloud computing répondra aux besoins des fonctionnels et plus seulement des informaticiens"

Absolument. Jusqu'à présent, nous étions très forts sur les équipements d'interconnexion réseau permettant de faire le lien entre le stockage et les serveurs répartis ou non sur différents sites géographiques, présents au sein de plusieurs baies ou d'une seule, virtualisés ou non.  

Le rachat de 3Com nous a permis d'étendre notre couverture aux équipements cœur de réseaux. De fait, nous sommes en mesure de proposer une très bonne combinaison de deux lignes produits.  

Concrètement, pour interconnecter des serveurs en environnement datacenter, nous allons nous appuyer sur des équipements 3Com et veillerons tout particulièrement à ce que l'intégration de ces infrastructures chez nos clients, dans leurs baies serveurs ou de stockage, soit complète.

Votre stratégie de convergence et de standardisation permettra-t-elle aux entreprises de dégager des économies ? De quel ordre ?

Chaque contexte d'entreprise étant différent, on ne peut pas apporter une réponse toute faite. La fourchette d'économies pour nos clients varierait sans doute entre 20 et 30% du coût global fourni par l'informatique. Les économies réalisées sur les alimentations permettent par exemple de faire l'acquisition de nouveaux serveurs, tandis qu'une meilleure standardisation des processus d'exploitation permettra un provisionning plus rapide en termes de jours et de semaines de mobilisation d'équipes, qui pourront être réorientées sur des tâches plus innovantes, etc.

Nous estimons que l'un des rôles de l'IT est d'avoir un coût final qui soit le moins élevé possible de manière à réorienter le marché vers l'innovation. 

Quels sont les grands axes de votre stratégie cloud pour 2010 ?

Dans ce domaine, nous nous positionnons en tant que cloud enabler, c'est-à-dire comme un acteur capable de mettre en musique tout l'outillage et les équipements IT nécessaires pour permettre à des prestataires de services de construire leurs propres offres cloud et de les offrir à leurs clients finaux. Pour y parvenir, il est nécessaire de disposer d'une vision intégrée de tout un ensemble de composants que sont les serveurs, le stockage et le réseau.

Mais si jusqu'à maintenant nous avons privilégié l'attaque du marché du cloud sous une problématique essentiellement technique, nous voulons nous positionner également sur des prestations cloud dédiées aux fonctionnels et aux directions métiers, et non plus seulement aux développeurs et aux techniciens.

C'est pour cette raison que nous avons conclu des partenariats solides avec les plus grands éditeurs de progiciels de la planète comme Microsoft, Oracle et SAP pour compléter notre offre cloud d'infrastructures avec une offre cloud applicative.

Pensez-vous à ce titre être mieux armé qu'un IBM ou que le tandem Cisco-EMC ?

Le marché fait bien les choses et la concurrence a du bon. Mais nous estimons être les seuls actuellement à disposer d'une maîtrise complète de l'ensemble des briques technologiques qu'il faut agréger pour fournir une infrastructure cloud performante mais également applicative.

"L'histoire de l'informatique est un cimetière jalonné de tombes de constructeurs et d'alliances faites sur la base de promesses extraordinaires"

La différence se joue sur la capacité d'intégration et d'interaction très forte et rapide entre ces briques qui nous caractérisent aujourd'hui. Vous savez, l'histoire de l'informatique est un cimetière jalonné de tombes de constructeurs et d'alliances faites sur la base de promesses extraordinaires dont il faut savoir se méfier.

HP fait toujours la course aux acquisitions avec 3C et plus récemment Palm. N'avez pas l'impression que cette omniprésence voire omnipotence peut vous desservir face à des acteurs au contraire très spécialisés ?

Le but de la stratégie d'HP n'est ni d'être omniprésent, omnipotent, ni de chercher à être le plus gros de la savane. Nous ne cherchons pas à être gros à tout prix mais raisonnons d'un point de vue purement industriel en regardant la dynamique de nos besoins clients et celle du marché pour comprendre la façon dont on peut accélérer notre propre dynamique.

Ce que l'on constate c'est que les entreprises réfléchissent d'une manière de plus en plus brutale, en prenant en compte des paramètres externes de plus en plus globaux. C'est un changement de paradigme qui s'accompagne nous pensons du besoin des entreprises de faire évoluer leur rapport à l'informatique en allant vers le tout à la demande, à l'image d'une prestation de service cloud fournie de façon aussi naturelle que l'électricité.

Ces séries d'innovations transverses s'accompagnent d'un autre changement qui est la standardisation des technologies et des composants informatiques, une tendance à la convergence, aboutissant à la possibilité par exemple d'implémenter les mêmes composants pour un PC qu'un serveur entrée de gamme et d'aller vers des économies d'échelle. C'est donc un raisonnement industriel qui nous amène à devenir puissant, en jouant sur la combinaison des volumes pour dégager des gains de productivité, mais pas un quelconque désir de devenir plus gros que notre voisin.

En tant qu'ancien directeur général d'Oracle France, pensez-vous que la façon dont ils s'y sont pris pour se rapprocher de Sun a été la bonne ?

J'ai beaucoup de respect pour Oracle et pour son fondateur Larry Ellison mais je leur laisse le choix de leur stratégie. Ce qui nous importe en tant que constructeur c'est de conserver cette très bonne relation qui nous unie à Oracle grâce à nos partenariats croisés sur leur SGBD. Concernant les aspects matériels liés à Sun, nous sommes en concurrence mais nous estimons avoir une proposition de valeur bien plus élevée que la leur.

Yves de Talhouët est P-DG de HP France.