Les ad-blockers : qui sont-ils et comment les convaincre ?

Kantar Media vient récemment de publier son étude annuelle explorant les grandes tendances et innovations qui façonnent le monde des médias. Ses résultats combinent une enquête menée auprès de cinq mille consommateurs et des entretiens avec des experts du secteur, sur cinq des plus grands marchés médias au monde.

Les consommateurs ont toujours su comment éviter les publicités. Ils peuvent détourner le regard, s’intéresser à une autre forme de média, accélérer la vidéo, tourner la page, quitter la pièce, discuter avec quelqu’un d’autre ou tout simplement ignorer les images qui ont coûté tant d’efforts aux agences. En termes de publicité digitale, les logiciels de blocage de publicité et les abonnements aux contenus premium fournissent maintenant aux consommateurs des moyens efficaces pour contourner la publicité. En parallèle, les études d’efficacité et d’attribution soulignent qu’une exposition réitérée à la publicité mène le plus souvent à l’acte d’achat, encourageant les marketeurs et les marques à inonder les consommateurs de publicités – afin de les pousser à se décider. Comment le secteur peut-il viser le juste équilibre ?


Qui se cache derrière l’appellation d’ad-blockers ?


En France, 36% de l’investissement publicitaire est consacré aux médias en ligne (Source : Baromètre Unifié du Marché Publicitaire). Cela représente un montant colossal qui peut potentiellement être mal orienté si votre audience utilise une technologie de blocage de publicités. Un « adulte connecté » français sur quatre utilise un ad-blocker en permanence, contre un sur cinq au niveau mondial. Quant à ceux qui utilisent « parfois » un logiciel d’ad-blocking, ils représentent 26% supplémentaires en France, et 33% au niveau mondial. Cette habitude n’est en aucun cas réservée aux jeunes : l’étude DIMENSION montre que la proportion de 45-64 ans utilisant ce type de logiciel est en passe de rattraper celle de 18-34 ans.

En termes de catégories professionnelles, on retrouve cette même variété d’utilisateurs, avec à la fois une forte proportion d’étudiants comparée à l’ensemble de la population française (indice d’affinité de 137), mais également des actifs CSP+ (127) des professions intermédiaires, professeurs et chefs d’entreprise (129).

Quelle que soit la raison qui les ait poussés à télécharger un logiciel de blocage de publicités, leur point commun majeur est leur utilisation intensive d’internet. La moitié d’entre eux possèdent trois appareils connectés – ordinateur, smartphone et tablette – et 80% d’entre eux sont plus susceptibles que la moyenne de naviguer sur le web 40 heures par semaine ou plus.

 

Ce segment de consommateurs passe donc une part importante de son temps libre connecté à internet. Ils sont 68% plus susceptibles de télécharger des films et séries, et 32 % plus susceptibles de visionner tous types de vidéos en streaming. Dans le cas précis de la VOD, ils sont 60% plus susceptibles d’utiliser Canal Play et 78% plus susceptibles d’utiliser Netflix.

 

Un paradoxe de consommation similaire à celui des néo-consommateurs


Le téléchargement est l’une de leurs trois principales activités en ligne, avec la recherche d’information et les achats de produits ou services. Leurs principaux postes de dépenses concernent les loisirs, la culture et l’innovation, et révèlent que leurs habitudes de consommation prises en ligne ne remplacent pas celles qu’ils ont déjà en magasin.

   

45% des ad-blockers effectuent des achats sur internet au moins une fois par mois, et 35% ont l’intention d’en réaliser davantage à l’avenir. Ils ne privilégient pas de plateforme d’achats en particulier, achetant en proportion comparable sur des sites de magasins multi-marques (29%), des sites d’enchères et petites annonces (28%) et sur des sites de ventes privées (20%). Se rattachant à deux de ces catégories, Amazon arrive en tête de leurs sites d’achats préférés, choisi par 59% d’entre eux, loin devant Cdiscount (27%) et Fnac.com (20%)

 

A l’instar des néo-consommateurs, leur profil s’établit autour d’une volonté d’acheter des produits de qualité à un moindre prix. Ils tirent parti de leur connaissance approfondie du web et de ses ficelles pour faire des achats éclairés. Avant de passer à l’acte, ils se renseignent sur la provenance du produit et sur sa qualité, notamment grâce aux avis d’autres consommateurs pour la moitié d’entre eux.

 

Un ad-blocker sur quatre est plus susceptible que la moyenne de consommer des produits issus du commerce équitable et trois sur quatre valorisent les entreprises qui agissent de manière éthique.

Leur recherche de qualité a un coût qu’ils cherchent à minimiser : plus de la moitié d’entre eux prennent le temps de dénicher des promotions pour acheter des produits de grandes marques au meilleur prix et 49 % déclarent qu’ils n’ont pas de scrupules à changer de marque s’ils peuvent utiliser un coupon de réduction.


Le segment des ad-blockers s’apparente-t-il à une communauté ?


Les ad-blockers partagent des centres d’intérêt fédérateurs. Fortement portés sur les technologies et tournés vers l’innovation, ils sont par exemple 61% plus susceptibles d’avoir déjà utilisé un casque de réalité virtuelle. 49% des ad-blockers sont qualifiés d’« innovateurs », 40% d’entre eux de « mégaconsommateurs » et 30% de « games addict ».

 

S’ajoutent à cette affinité les qualités de partage et de générosité, que 70% d’entre eux définissent comme des valeurs essentielles. On les retrouve dans leur appréhension de l’information en ligne, qui pour eux n’est pas à sens unique : ils cherchent à s’informer autant qu’ils partagent.

40% d’entre eux postent régulièrement des commentaires sur internet et 57% vont jusqu’à s’estimer influenceurs. Parmi les réseaux sociaux, Facebook est privilégié par la moitié d’entre eux, et Twitter fait preuve de l’affinité la plus forte avec un indice de 151. Lorsqu’ils s’abonnent à des pages de marques, ils sont 41% plus désireux que la moyenne d’y collaborer et de donner leur avis. Leurs valeurs prédominantes s’étendent à leur consommation, que 47% sont plus susceptibles d’orienter vers le collaboratif.


Quelles sont leurs habitudes médias ?


 

Les habitudes médias des ad-blockers se concentrent sans grande surprise sur les canaux digitaux : vidéo online, musique écoutée en streaming et médias sociaux, avec un niveau d’implication notable pour la vidéo en ligne dont l’indice d’affinité s’élève à 165.

La vidéo étant leur format de contenus de prédilection, il n’est pas étonnant qu’ils jugent la publicité intrusive et gênante au cours de leurs activités en ligne, et qu’ils soient les consommateurs les plus à même de la bloquer. Près de deux ad-blockers sur trois estiment que la publicité leur fait perdre leur temps, et pensent plus spécifiquement que celle qui apparait sur les réseaux sociaux est intrusive.

 

Ce constat est à mettre en perspective à la lumière de leur utilisation intensive d’internet qui les rend – et ils en sont conscients – plus réceptifs à la publicité qu’ils rencontrent en ligne. 24% des ad-blockers sont plus susceptibles de considérer que la publicité en ligne influence le choix des marques qu’ils achètent. Il est par conséquent primordial que les marketeurs comprennent ce qui motive ce segment d’audience, qui leur offre en retour un potentiel de marché non négligeable.


Pourquoi bloquent-ils les publicités ?

Selon les conclusions de l’étude DIMENSION, les principales raisons incitant les consommateurs à bloquer les publicités sont leur manque de pertinence, leur inadaptation contextuelle et une chronologie inexacte dans l’apparition des inserts. Les consommateurs qui utilisent toujours un logiciel d’ad-blocking sont plus susceptibles que la moyenne des consommateurs connectés de déclarer qu’ils n’aiment pas la publicité en général. Les marketeurs sont en conséquence capables d’enrayer le phénomène en fournissant une meilleure expérience utilisateur et en concevant des publicités qui offrent une réelle valeur ajoutée.

 

Il existe certaines solutions que le secteur peut mettre en œuvre pour minimiser le blocage de publicité. Quand les publicités sont moins intrusives et moins perturbantes de l’activité principale pour laquelle le consommateur s’est connecté, elles sont moins susceptibles d’être bloquées. La publicité doit donc parvenir à être raisonnablement pertinente aux yeux du consommateur. Mais l’étude DIMENSION prouve que les marques doivent se rendre à la fois utiles et intéressantes si elles veulent convaincre le consommateur connecté de cesser d’éviter leurs publicités – ce qui peut comprendre une offre de valeur divertissante en plus d’informations relatives aux produits adéquats, ou bien des remises.

 

Et comme le souligne Jonathan Steuer, CRO chez Omnicom Media Group aux Etats-Unis, il peut exister une communauté d’utilisateurs qui ne veut tout simplement pas voir de publicités – et que les marketeurs devraient plutôt essayer de toucher différemment.  

 

C’est en se penchant sur des stratégies sociales ou RP que l’on pourrait en définitive parvenir à cibler ce petit groupe de consommateurs défavorable à la publicité, tout en procurant au reste de l’audience des publicités adaptées à leurs intérêts, à leurs besoins et au contexte de leur visionnage.

 

Une autre piste de réflexion provient de leur préférence pour le format vidéo, pour lequel une marge de progression reste à explorer. Laurent Bliault, Directeur Général Adjoint chez TF1 Publicité déclare : « Insérer un pre-roll de 30 secondes avant un contenu vidéo de deux minutes n’est pas idéal. Or plus de 85 % des spots publicitaires diffusés sur nos plateformes digitales sont les mêmes qu’à la télévision. C’est un problème. Je pense qu’ils ne sont pas suffisamment adaptés. »

 

Les plateformes sociales ont déjà identifié ces attentes. Elles ont récemment fait évoluer leur approche à la vidéo en ligne. Instagram inaugure avec IGTV la vidéo long format et a déjà indiqué son souhait de monétiser ce qu’il appelle « une nouvelle chaine de télévision ». Toujours chez Facebook, la vidéo publicitaire a été introduite la même semaine dans Messenger.