Ollivier Monferran (Essity) "Collecter de la data 1st party, c'est simple, mais pas sur de gros volumes"

Le patron du media d'Essity France, FMCG qui compte des marques comme Nana, Lotus ou Tena à son portefeuille, dévoile sa feuille de route en matière de data 1st party.

Adtech News. Quels sont les défis que pose le sujet de la data 1st party pour un groupe comme Essity, spécialisé dans les fast moving goods (FMCG) ?

Ollivier Monferran, head of media chez Essity France. © S. de P. Essity

Ollivier Monferran (Essity). C'est forcément un gros chantier car comme la plupart des industriels de notre secteur, nous sommes intermédiés par des distributeurs, on et offline. Nous n'avons pas de contact avec le consommateur final et c'est un problème. La crise du coronavirus nous a rappelé l'importance de bien connaître son client et d'interagir directement avec lui.

Bien le connaître pour faire quoi ?

D'abord, le profiler. C'est quelque chose qui n'est pas vraiment développé chez les FMCG, qui se reposent le plus souvent sur les segments de ciblage média que leur propose la TV. Notre ambition, c'est d'avoir une connaissance plus fine que le persona classique "femme de 25-39 ans" que me proposent TF1 ou M6. Mieux comprendre les audiences, c'est cerner leurs motivations profondes et pouvoir identifier les besoins auxquels nos produits répondent. C'est aussi être en mesure d'adapter le message média à leurs attentes. C'est primordial en digital, où le message top-down, brand centric, ne fonctionne plus. Le contenu doit devenir customer centric. Mais pour y arriver dans un écosystème média qui est de plus en plus compliqué, il faut de la data 1st party at scale. C'est là tout le problème. Collecter de la data 1st party, c'est simple, mais pas sur de gros volumes.

Pourquoi ?

Prenons nos marques d'hygiène intime, Nana et Tena. Sur le papier, les chiffres sont plutôt bons, avec plus de 500 000 client(e)s dans la base. Ces bases ont été constituées au prix d'une stratégie de sampling assez agressive (mail contre échantillon gratuit, ndlr) et elles sont en grande partie constituées d'internautes qui étaient à la recherche d'une bonne affaire, plus que d'une relation avec la marque en question. La performance des interactions sur ces bases reste limitée. Le sampling, c'est la base de beaucoup de stratégies CRM parce que ça permet d'atteindre vite des volumes importants, mais ce n'est pas hyper vertueux. En 2022, nous allons corriger le tir et réfléchir à proposer des expériences de marque différentes pour enrichir nos bases de données : diversification de la collecte, meilleure segmentation, enrichissement du programme relationnel...

Est-ce réaliste pour un acteur comme Essity qui vend, entre autres, du papier toilette et des mouchoirs ?

"Nous allons investir du budget média pour interroger des segments d'audience que nous avons identifiés et comprendre ce qu'ils attendent d'un programme relationnel avec une marque comme Lotus"

Le niveau d'engagement du consommateur dépend évidemment de la typologie de produit que l'on vend. Prenons les couches Lotus Baby, les consommateurs sont demandeurs d'informations sur la manière avec laquelle elles sont conçues ainsi que leur composition. De la même manière, une marque comme Nana est légitime à prendre la parole sur des sujets de société comme l'endométriose ou la précarité menstruelle. Nos marques "personal care" ont vocation à proposer quelque chose de différent parce qu'elles touchent à l'intime et que les consommateurs sont donc beaucoup plus exigeants. Pour les produits "tissus" que vous évoquez, c'est évidemment plus compliqué… On n'a pas le même niveau d'engagement quand on achète son papier toilette. Raison pour laquelle nous avons opté pour une autre approche au moment de la relance de notre marque Moltonel. Nous souhaitons tester une démarche de co-construction avec nos consommateurs. Nous allons investir du budget média pour interroger des segments d'audience que nous avons identifiés et comprendre ce qu'ils attendent d'un programme relationnel avec une marque comme Lotus.

Proposer des expériences de marque différentes c'est bien, le faire savoir c'est mieux… mais ce n'est pas toujours évident à faire sans un budget conséquent. Comment vous y prenez-vous ?

Nous avons monté des écosystèmes médias avec des partenaires comme Unify, Prisma Media, Figaro et Marie Claire pour positionner Nana sur le sujet de l'endométriose. Ces médias nous proposent des segments d'audience affinitaires via de la data 2nd party et nous leur poussons nos contenus. Nous avons, par exemple, chapeauté un forum dédié au sujet et mandaté un médecin pour répondre aux questions des lectrices d'Auféminin touchées par ce problème. Nous leur offrons en plus un espace où elles peuvent échanger librement entre elles. Lorsque la thématique traitée n'est pas médicale, nous pouvons aller plus loin et créer de nouveaux segments d'audience, composés des personnes qui ont interagi avec nos contenus, pour les recibler en dehors des plateformes partenaires, via notre DSP, en display ou en native. Un exemple parmi d'autres : nous avons pu intégrer, au sein d'un environnement de marque Nana, sur un média à forte audience traitant du sujet de la consommation responsable.

Cet article est également publié dans Adtech News, supplément papier du magazine CB News réalisé par le JDN, dédié à l'adtech et au martech. Dans l'édition de novembre, un dossier sur la  blackbox de Google et Facebook, une interview du patron du média d'Essity France, une réflexion sur le marketing mix modeling, un focus sur Storizy et le baromètre du programmatique