Jean-Luc Chetrit (Union des marques) "La mesure cross média est l'un des principaux enjeux de cette année 2024"

Le directeur général de l'Union des marques, Jean-Luc Chetrit, explique en quoi 2024 est une année décisive pour la mise en place de la mesure cross média et défend le modèle adopté au Royaume-Uni.

JDN. Quel est l'état d'esprit des annonceurs pour 2024 ?

Jean-Luc Chetrit, directeur général de l'Union des marques. © Union des marques

Jean-Luc Chetrit. Les éléments macroéconomiques sont encore incertains mais on prévoit malgré tout une légère croissance pour la France cette année et en 2024. Le marché publicitaire est très connecté à l'économie générale des entreprises, ce qui implique que dans un contexte de légère croissance on peut espérer que 2024 soit une année légèrement positive avec de surcroît l'apport positif du Championnat d'Europe de football et des Jeux olympiques. Ces deux temps forts devraient faire de 2024 une année positive.

Ceci étant, depuis la crise sanitaire, nous avons appris à vivre dans l'incertitude économique et à composer avec une forte dose d'imprévisibilité. Nous n'avons plus la même visibilité qu'auparavant, dès que l'on dépasse un horizon de six voire trois mois. De plus, la situation diffère beaucoup selon le secteur d'activité, tout le monde n'étant pas traité à la même enseigne : le luxe, qui était en forte croissance, ralentit ; la grande consommation, soumise à de fortes tensions inflationnistes, a de fortes pressions sur ses marges.

Quels sont les besoins les plus immédiats des annonceurs sur le marché publicitaire ?

Un des principaux enjeux de cette année 2024 est la mesure cross média. Aujourd'hui, la mesure des performances se fait en silos, par canal. Nous ne sommes pas à ce jour capables de calibrer de manière lisse est automatisée l'exposition de chaque consommateur aux messages publicitaires sur les différents canaux.

Faites-vous allusion à la mesure cross média en télévision/vidéo ?

Dans un premier temps oui, mais pas uniquement car notre souhait est que cette mesure puisse s'étendre à tous les médias. La démarche dans laquelle l'Union des marques s'est engagée est de démarrer par la télévision et la vidéo (linéaire, streaming, broadcast, CTV, YouTube, etc.). Il nous faut bien définir le contact, le mesurer et ensuite le réconcilier à travers tous ces écosystèmes. C'est à la fois un sujet d'efficacité et d'efficience et responsabilité car l'idée n'est pas de submerger le consommateur d'un excès de messages, ce qui serait contreproductif.

Pour cela, des groupes de travail rassemblant annonceurs, agences et chaînes se sont mis en place. Où en êtes-vous ?

L'interprofession – Union des marques, l'Udecam et le SNPTV – a de fait décidé, à l'initiative du SNPTV, de créer ces groupes de travail, qui viennent de démarrer au moment où nous nous parlons, pour réfléchir aux transformations qui s'avèrent nécessaires, engendrées par ces nouveaux usages digitaux de la télévision, sur la mesure, la monnaie d'échange et sur le trading. L'année 2024 sera décisive pour que nous aboutissions à des conclusions à mettre en œuvre dès 2025.

Il ne semble pas y avoir de consensus à ce stade sur l'adoption du CPM à la place du GRP. Quelle est la position de l'Union des marques sur ce sujet ?

Nous sommes pour toutes les solutions, nous n'avons pas d'idée préconçue. Ce serait une erreur de commencer par la fin. Il faut déjà nous mettre d'accord sur ce qu'est un contact publicitaire pour ensuite le mesurer avec des outils qui soient appropriés aux devices et aux usages. C'est seulement à ce moment-là que nous pourrons définir le meilleur indicateur pour la commercialisation. Ces indicateurs peuvent varier d'un média à un autre. Nous n'avons pas d'idéologie ni en France ni ailleurs dans le monde (Jean-Luc Chetrit est également membre du conseil d'administration de la Fédération mondiale des annonceurs – WFA, ndlr). De grands projets sont déployés sur ce sujet dans le monde. Je pense en particulier à Origin au Royaume-Uni, qui met en œuvre des solutions technologiques très avancées pour une mesure croisée vidéo. Dans ce pays comme dans les autres aucun changement n'a été opéré sur les outils de trading. On continue d'acheter de la télévision au GRP au Royaume-Uni. Est-ce qu'ils feront évoluer leur outil de trading à terme ? Peut-être. Et la France pourrait être pionnière dans ce type d'évolution.

Dans le cas du Royaume-Uni qui garde le GRP, les acteurs arrivent à le traduire en CPM pour une comparabilité ?

Tout à fait : dans le modèle d'Origin, la couche cross média vient s'ajouter et non remplacer les mesures individuelles de chaque média. Les annonceurs qui souhaitent avoir cette couche cross-média payent pour l'avoir. Ceux qui ne le souhaitent pas peuvent continuer de mesurer chaque média séparément. C'est une approche intéressante et similaire à celle adoptée aux  Etats-Unis. Beaucoup de pays dans le monde s'intéressent au modèle anglais de mesure et nous y sommes au sein de la WFA particulièrement attachés. Rien n'empêche cependant que chaque pays adopte un modèle de trading différent. Rappelons-nous, le CPM est un indicateur très important de commercialisation mais ce n'est pas le seul.