David Jones (Brandtech Group) "Brandtech a créé 235 000 contenus avec l'IA pour 3 des 10 plus gros annonceurs mondiaux au dernier trimestre"

David Jones, l'emblématique patron de Brandtech Group (Jellyfish, Pencil, Oliver…), confie au JDN ses prochains projets d'investissements : la production de films de qualité cinématographique avec l'IA, l'agentique et la data.

JDN. Brandtech est l'un des pionniers de l'industrialisation de l'IA générative appliquée à la pub. Quel taux d'adoption observez-vous concrètement ?

David Jones, CEO de Brandtech Group. © Éric Legouhy

David Jones. Cela fait dix ans que j'ai créé Brandtech Group en expliquant que la technologie nous permettra de faire un marketing plus efficace en dépensant moins de temps et d'argent. Les professionnels de mon secteur ont enfin compris ce à quoi je faisais référence et tout le monde en parle maintenant. Mais en pratique, moins de 1% de toutes les publicités créées sont faites avec l'IA. Malgré cette latence du marché, je suis convaincu que d'ici cinq ans 100% des contenus publicitaires seront créés soit intégralement soit en partie avec l'IA.

Chez nous, c'est différent, nos clients en sont friands. Nous travaillons avec 8 des top 10 annonceurs dans le monde, 60 des top 100 : chez eux, l'IA n'est plus au stade du test, mais de la mise à l'échelle partout dans le monde et sur toutes leurs marques. Les questions juridiques sont maîtrisées, les technologies se sont beaucoup améliorées. Nos clients ont compris la révolution que cela représente : une baisse drastique des coûts de production, de minimum 50%, et un gain de temps extraordinaire pour des résultats bien meilleurs. Ce dernier trimestre nous avons créé 235 000 contenus avec l'IA pour 3 des 10 plus gros annonceurs mondiaux avec un gain de temps de 62%, une baisse de 55% du coût et un ROI renforcé de plus de 40%.

Dans ma vie j'ai dû traverser trois ou quatre gros changements de technologie mais celui que nous vivons aujourd'hui est inédit par la vitesse à laquelle il se produit, par la qualité déjà très élevée des premières versions de ces technologies et par les possibilités qu'il apporte : l'IA n'est pas un outil, mais bien une intelligence. Les gens se trompent quand ils pensent que les IA ne seront pas en capacité de créer. La question n'est pas de savoir si les IA seront plus créatives que les êtres humains, mais quand cela aura lieu. C'est juste une question de temps.

Les LLM ont commencé à façonner la pub par la créa. Désormais ils informent les consommateurs. Demain la publicité sera-t-elle une affaire d'agents d'IA qui ciblent d'autres agents d'IA ?

Oui tout à fait, le marketing de demain sera d'agent à agent, et non plus de marque à consommateur. Les agents d'IA vont cibler, pour le compte des marques, les opportunités de parler aux agents d'IA, afin de peser sur ces derniers lorsqu'ils répondent aux requêtes des consommateurs. Ce qui est intéressant dans cette équation, c'est que les agents n'ont pas une capacité d'attention limitée comme c'est le cas des êtres humains. Le modèle économique de ce nouveau monde n'est pas encore défini mais ce qui est sûr : les centaines de milliards de dollars qui sont dépensés pour attirer l'attention des consommateurs continueront d'exister et ils seront bel et bien déployés dans le monde des agents. Au passage, avec Share of Models, Jellyfish (Brandtech Group, ndlr) étudie déjà la manière d'influencer les agents dans leur rapport aux marques.

A l'avenir je pense que 70% des campagnes et des besoins seront gérés de manière totalement automatisée par les agents d'IA et les IA génératives autour de contenus hyper personnalisés. En parallèle, les créateurs vont continuer de faire un travail remarquable et à créer des contenus extraordinaires avec l'IA et cela ne fera que s'amplifier.

Mais il y a aussi la production d'excellence. Jusqu'à présent l'IA générative était plus adaptée aux contenus de moyen et bas de funnel pour alimenter les réseaux sociaux et l'e-commerce. Désormais elle peut aussi servir la très haute qualité, du niveau des spots TV, ce que l'on nomme en anglais des "high craft video". Je pense notamment à VEO 2 puis 3 de Google. Nous créons des spots TV en moins d'une semaine au lieu de 6 à 9 mois pour moins de 5 000 dollars au lieu d'un à deux millions de dollars. Demain, 30% des campagnes seront des produits d'excellence, des films pilotés par les humains les plus brillants, qui se serviront de l'IA.

Vous avez pris des parts dans Scope3 qui commence à proposer des agents d'IA pour l'achat média. Quels seront vos prochains investissements ?

Je suis en discussion avec un réalisateur de cinéma très connu qui se démarque actuellement dans la production de films avec l'IA. Le projet concerne la production de films de qualité cinématographique avec l'intelligence artificielle. Les autres deux domaines prioritaires d'investissement pour nous actuellement sont l'agentique et la data.

Quant à Scope3, de Brian O'Kelley, c'est une entreprise qui a pour mission de mesurer et maîtriser l'impact de notre secteur sur la planète, ce qui est une priorité pour nous. De plus, ils se lancent en effet dans l'IA agentique appliquée à l'achat média, dont nous avons vu l'importance qu'elle prendra dans les prochains chapitres de notre secteur.

Face à toutes ces transformations quel rôle restera-t-il aux agences et aux professionnels de la pub ?

Les professionnels gagneront à disposer de cette intelligence incroyable que l'IA représente : ils gagneront en puissance. Les métiers vont continuer de se transformer et la richesse continuera d'être créée, comme cela a toujours été le cas à chaque grande révolution. Aujourd'hui il y a presque autant de professionnels qui travaillent dans l'industrie de la publicité traditionnelle qu'il y a 20 ans ; en parallèle, l'économie des créateurs, qui n'existait pas il y a 20 ans, compte 350 millions de personnes.

L'avenir n'est pas du côté des holdings qui ne savent pas se transformer. Ces dernières pèsent pratiquement aussi lourd aujourd'hui qu'il y a 20 ans. Mais entretemps sont arrivés des plateformes telles que YouTube, Instagram, Snapchat ou TikTok, un secteur devenu absolument colossal.

Les annonceurs travailleront de moins en moins avec les agences. L'avenir est du côté des groupes qui ont su mettre l'IA et la data au cœur de leur modèle et qui savent accompagner les annonceurs dans l'in-housing en mettant chez eux des talents et des studios d'IA générative. Les groupes qui réussiront sont également ceux qui ont su s'intégrer à l'économie des créateurs.