Alban Peltier (Antvoice) "La Privacy Sandbox n'a jamais été réellement fonctionnelle"

La désactivation de la Privacy Sandbox par Google ne surprend pas Alban Peltier, CEO d'Antvoice, parmi les experts français ayant le plus testé l'outil. Les volumes n'ont jamais été au rendez-vous.

JDN. Google a annoncé vendredi 18 octobre sa décision d'éteindre la plupart des API de la Privacy Sandbox. Quelle est votre réaction à cette nouvelle, vous qui avez longuement testé l'outil ?

Alban Peltier, CEO d'Antvoice © Antvoice

Alban Peltier. Je ne suis pas vraiment surpris : dès le jour où Google a annoncé sa décision de ne plus supprimer les cookies tiers, l'été 2024, nous avons compris que c'était le début de la fin de la Privacy Sandbox. C'était juste une question de temps. Pour que ce ne soit pas perçu comme une faiblesse ou une défaite, il était logique que Google attende le moment le plus opportun pour l'annoncer. La décision de la Competition and Markets Authority (CMA) ce même vendredi 18 octobre de libérer officiellement Google de ses engagements liés à la Privacy Sandbox a offert l'occasion idéale d'annoncer sa fin.

Est-ce que vos tests pouvaient laisser présager une telle issue ?

La Privacy Sandbox n'a jamais été réellement fonctionnelle. Nous avons opéré de très nombreux tests sur l'outil. Même si techniquement les tuyaux étaient déployés et fonctionnaient bien, les volumes n'ont jamais été au rendez-vous. La semaine dernière le volume d'impressions transitant par Topics (l'API de ciblage et segmentation de la Privacy Sandbox, ndlr) équivalait à 15% de la navigation sur le web soit le même niveau d'il y a 12 mois. Ce n'est franchement pas beaucoup pour un navigateur qui détient 60% des parts du marché. A titre de comparaison, les cookies tiers, qui sont en forte perte de vitesse, captent quant à eux 30% à 40% des utilisateurs. Pour ce qui est de PAAPI (l'API de retargeting de la Privacy Sandbox, ndlr), la technologie était en place mais aucune donnée n'y transitait. Cela signifie que Google n'a jamais vraiment voulu lancer la Privacy Sandbox.

Pourtant les utilisateurs ont reçu la fenêtre sollicitant le consentement pour le déploiement de la Privacy Sandbox. Est-ce un problème de faible adhésion ?

Non cela signifie que Google n'a pas insisté pour lancer le système, il n'a pas ouvert le robinet, il n'a pas poussé commercialement la Privacy Sandbox. L'affichage de cette fenêtre de consentement ne s'est faite qu'une fois (ou alors uniquement quand on télécharge pour la première fois le navigateur, ndlr). Or, si commercialement Google avait vraiment voulu lancer la Privacy Sandbox, il aurait fait plusieurs campagnes d'affichage pour collecter le consentement. Il n'a jamais non plus poussé cet outil auprès des agences.

Ce rétropédalage est-il influencé par les décisions des autorités anti-trust contre Google dans les adtech mais également contre Apple sur le dossier ATT d'Apple ?

J'en suis convaincu. Le marché craignait que la Privacy Sandbox, surtout sans les cookies tiers, ne soit un système opaque de collecte de consentement sur le navigateur, à la manière d'un ATT d'Apple (Apple a été condamné par l'Autorité de la concurrence française au sujet d'ATT en mars, ndlr). Mais il n'y a pas que cela : le contexte a changé, et la situation est tendue pour Google qui fait face à deux très importants procès pour abus de position dominante dans les technologies publicitaires en Europe et aux Etats-Unis. Le fait de désactiver la Privacy Sandbox contribue à faire descendre la pression sur l'entreprise. Nous avons testé la Privacy Sandbox pendant plus de 18 mois, c'était une solution intéressante et qui fonctionnait bien sur les profils activés. La semaine prochaine, plus personne dans notre marché ne se souviendra de la Privacy Sandbox. C'est dommage.