Réforme des retraites : divergence de langage entre Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu
Depuis Ljubljana, Emmanuel Macron a précisé que la réforme des retraites ne serait ni abrogée ni suspendue, mais simplement décalée. Cette déclaration entre en contradiction avec les propos de Sébastien Lecornu tenus devant l'Assemblée nationale quelques jours plus tôt.
Un président qui parle de " décalage ", un Premier ministre qui maintient la " suspension "
Lors de sa visite en Slovénie, Emmanuel Macron a affirmé que la décision du gouvernement ne concernait " ni l'abrogation, ni la suspension " de la réforme des retraites, mais un " décalage d'une échéance ". Le président a précisé que cela visait uniquement la mesure portant sur le relèvement de l'âge légal de départ, estimant que " les faits sont têtus " et rappelant que la réforme votée en 2023 " était nécessaire ", selon ses propos rapportés par Le Figaro.
Quelques heures plus tard, Sébastien Lecornu s'est exprimé à l'Assemblée nationale pour confirmer que la suspension évoquée dans sa déclaration de politique générale portait bien à la fois sur l'âge légal et sur l'augmentation du nombre de trimestres de cotisation. " Le président s'est exprimé uniquement sur la mesure d'âge tout à l'heure en Slovénie et je suis allé plus loin lors de ma déclaration de politique générale ", a précisé le chef du gouvernement devant les députés, cité dans L'Obs.
Le Premier ministre a également indiqué qu'un conseil des ministres serait convoqué pour intégrer une lettre rectificative au projet de budget de la Sécurité sociale, officialisant la suspension. Cette méthode permet d'inscrire directement la mesure dans le texte budgétaire sans passer par un amendement.
Une confusion entretenue entre suspension politique et mise en pause législative
Le choix des termes utilisés par les deux têtes de l'exécutif a suscité de nombreuses réactions. Marine Le Pen et Boris Vallaud ont tous deux interrogé le gouvernement sur la nature exacte du recul. Selon les précisions de Sébastien Lecornu, l'outil budgétaire doit permettre une mise en pause légale et contrôlable du dispositif. Il a ajouté que cette suspension avait été construite pour éviter un enlisement législatif ou un recours au 49.3.
Dans une interview à Libération, Marylise Léon a considéré que la réforme était " bel et bien suspendue, même si le président de la République peut le nier ", et a réaffirmé que la CFDT souhaitait " un débat sérieux sur l'avenir " du système de retraites.
Jean-Luc Mélenchon a, de son côté, écrit sur les réseaux sociaux : " La réforme des retraites à 64 ans n'est ni abrogée ni suspendue. Elle est DÉCALÉE. " Le député socialiste Arthur Delaporte a ironisé sur le manque de coordination entre les deux responsables de l'exécutif, estimant que le président " ferait mieux de consulter son Premier ministre et de lui demander ce qu'il a dit lors de son discours de politique générale".
L'entourage d'Emmanuel Macron a assuré qu'il n'existait aucune contradiction entre les deux discours, expliquant que le chef de l'État souhaitait rappeler qu'il ne s'agissait pas d'un abandon définitif, et que le sujet serait remis sur la table dans le cadre d'un processus futur, comme une conférence sociale ou un référendum.