Cloud open source d'OVH : ce qu'en pense le marché

Cloud open source d'OVH : ce qu'en pense le marché Le groupe souhaite que d'autres providers implémentent son PaaS pour faciliter la portabilité des applications. L'avis des patrons de Jamespot, Scaleway et 3DS OutScale.

A l'occasion de son évènement mondial Ecosystème Expérience 2021 mi-novembre, OVH a surpris le marché en annonçant le coup d'envoi d'une stratégie visant à publier sa plateforme de cloud (PaaS) en open source. "L'objectif est de donner à nos clients la souveraineté opérationnelle. C'est-à-dire la possibilité de sortir de notre cloud en déportant notre PaaS ailleurs", a expliqué au JDN Thierry Souche, CTO d'OVHCloud. "Via cette approche, nous voulons faciliter l'intégration chez nous d'offres tierces (de type SaaS, ndlr). Nous souhaitons aussi faire en sorte que d'autres cloud providers implémentent tout ou partie de notre PaaS. L'objectif est de favoriser l'émergence d'un modèle de services applicatifs standard, quel que soit le fournisseur." (Lire l'interview de Thierry Souche).

"A l'heure où les hyperscalers américains construisent des lignes Maginot propriétaires, OVHCloud marque sa différence"

Du côté des éditeurs partenaires d'OVH, on ne tarit pas d'éloges. "A l'heure où les hyperscalers américains construisent des lignes Maginot propriétaires, OVHCloud marque sa différence en optant pour un cloud open source", salue Alain Garnier de Jamespot. Pour le CEO de la digital workplace de Montreuil, l'initiative tombe à point nommé. Basée sur l'infrastructure de l'entreprise de Roubaix depuis 2010, l'éditeur a pris depuis quelques années la voie du multicloud en vue de répartir le risque entre plusieurs fournisseurs. Mais en restant centré sur des acteurs hexagonaux étanches aux législations extraterritoriales américaines sur les données. Jamespot a été portée chez 3DS Outscale. Mais aussi chez Scaleway, principal concurrent français d'OVHCloud dans le cloud public. "Si nous pouvions bénéficier du même PaaS chez Scaleway (que chez OVH, ndlr), notre job sur le multicloud en serait de facto facilité", reconnait Alain Garnier.

Un nouveau Gaya-X ?

De son côté, le CEO de Scaleway affiche un avis nettement plus nuancé. "C'est une belle annonce prospective qui amène à se poser immédiatement une question : est-ce qu'OVH n'aurait pas pour ambition de remplacer le projet européen Gaya-X en adoptant les mêmes objectifs d'ouverture", se demande Yann Lechelle. Une question qui fait écho aux arguments d'Octave Klaba dans un tweet publié le 20 novembre. "Tout le monde n'est pas intéressé par le cloud interopérable et réversible. Nous, on l'est. On prépare un Gaia-X open source de notre Public Cloud", écrit le président d'OVH sur Tweet. De là à affirmer que le provider développe cette couche standardisée pour vendre ce qu'il sait faire le mieux, à savoir ses serveurs machines faits maison, il n'y a qu'un pas. Un segment qui représente la plus grosse part de son chiffre d'affaires (45% environ en 2020).

Créé mi-2020, le consortium Gaya-X a pour ambition de fédérer par le biais d'une plateforme ouverte des services cloud localisés géographiquement et juridiquement sur le Vieux continent. La France et l'Allemagne ont décidé de financer son développement à hauteur de 15 millions d'euros chacun. Figurant parmi les 22 membres fondateurs de Gaya-X, OVHcloud, Scaleway et Outscale s'étaient tous trois engagés à contribuer au code de l'édifice. Suite à l'ouverture de l'association à des groupes non-européens (Alibaba, Google, Huawei et Microsoft), Scaleway a décidé mi-novembre de claquer la porte du consortium. On peut désormais se demander si OVH ne va pas en faire de même pour se concentrer sur la mise sur pied de son propre framework open source.

"Les développeurs veulent des solutions qui fonctionnent aujourd'hui, et pas des solutions qui seront ouvertes demain"

Le CEO de Scaleway martèle : "Nous n'avons aucun intérêt à adopter le projet d'OVH. Nous nous positionnons comme une alternative régionale à AWS, sur une pile logicielle propriétaire, parfaitement souveraine et avec un écosystème déjà très riche. Nous enregistrons par ailleurs une croissance bien supérieure à celle du marché (le cloud public enregistre une croissance annuelle d'environ 29%, contre 15% pour OVHCloud sur ce segment, ndlr)."

Yann Lechelle résume : "Les développeurs veulent des solutions qui fonctionnent aujourd'hui, et pas des solutions qui seront ouvertes demain. L'intégration de partenaires passent en outre, avant tout, par la mise en œuvre de bonnes APIs. Nul besoin d'open source dans cette perspective."

Open source vs SecNumCloud

Chez 3DS Outscale, l'accueil réservé au projet est tout aussi mitigé. Mais pour d'autres raisons. "Notre approche industrielle du cloud, avec comme cible les systèmes critiques des opérateurs d'importance vitale et de l'Etat, implique une maitrise complète de l'orchestrateur pour assurer fiabilité et sécurité. Or par définition, cette approche d'isolation et de protection logicielle n'est pas compatible avec l'open source", argue David Chassan, directeur de la stratégie du cloud de Dassault Systèmes. Dans cette logique, 3DS Outscale a choisi de certifier l'ensemble de son stack ISO 27001, HDS (Hébergeur de données de santé), mais aussi SecNumCloud, la qualification décernée par l'autorité nationale de sécurité et de défense des systèmes d'information.

Sur ce dernier point, Yann Lechelle chez Scaleway s'interroge : "Au-delà de ce débat, on peut d'ailleurs se demander si le code source et communautaire publié par OVH intégrera la rigueur qu'implique la certification SecNumCloud. Une question à un million de dollars !"