Hausse des prix du cloud : comment réagir ?
83% du marché du cloud-logiciel BtoB européen revient à des entreprises américaines. Soit 54 milliards d'euros par an pour la France et 330 milliards d'euros pour l'UE. C'est ce qu'affirme une étude du Cigref parue en avril 2025. Toujours selon cette source, les prix pratiqués par ces éditeurs ont augmenté de 10% chaque année depuis 2022. Si cette tendance se poursuit, il en résulterai une amélioration du solde de la balance courante des Etats-Unis de 421 milliards de dollars d'ici 10 ans. Ce qui aboutirait à 751 milliards de dollars de CA issus du cloud-logiciel européen en 2035 en faveur des Etats-Unis. "Certains acteurs américains du cloud vont plus loin que d'autres", précise Henri d'Agrain, délégué général du club numérique des grandes entreprises françaises. "Microsoft pratique par exemple des augmentations de 15 à 20% qui peuvent même aller dans certains cas jusqu'à 40%."
Du côté du Club des Responsables d'infrastructure et de Production Informatique (CRIP), on note également "une explosion" des prix du cloud. Pour Bruno Prevost, membre du bureau du CRIP, cette tendance s'explique par plusieurs raisons. "Les acteurs sont en quête d'une rentabilité toujours meilleure. Ils doivent aussi financer leur politique de green IT", constate-t-il. Et Emmanuelle Olivié-Paul, CEO et fondatrice du cabinet de conseil AdVaes d'ajouter : "Les hyperscalers ont surinvesti dans l'IA générative qui reste une technologie très chère. Ils cherchent par conséquent assez logiquement à rentabiliser leur investissement."
VMware en ligne de mire
Les fournisseurs de cloud sont aussi tributaires des hausses de tarifs de technologies tierces qu'ils proposent sous forme de services managés, au premier rang desquelles la plateforme de virtualisation de VMware. Selon l'Observatoire européen de la concurrence, les tarifs de VMware ont augmenté de 800 à 1 500% en un an suite au rachat de la société par Broadcom. "Des progressions que les hyperscalers répercutent sur le prix de leur service managé", constate Bruno Prevost.
"Nous conseillons aux acteurs d'en profiter pour reconstruire leur système d'information en partant sur des technologies cloud natives"
Face à ces hausses tarifaires, les grands groupes avec les reins suffisamment solides pourront tenter la voie de la négociation. Pour les entreprises de taille moyenne et les PME, c'est une autre paire de manches. "Globalement, nous conseillons aux acteurs d'en profiter pour reconstruire leur système d'information en partant sur des technologies cloud natives", explique Olivier Rafal. Le principal strategy consultant chez SFEIR recommande de se projeter à horizon 2030. "Avec l'IA générative et l'agentique, les interfaces utilisateurs des applications en mode SaaS vont perdre en importance. La base de données d'une application CRM pourra par exemple être enrichie vocalement par un commercial sortant d'un rendez-vous via son smartphone", anticipe Olivier Rafal. Pour le consultant, ce chantier passera par le choix d'un cloud d'infrastructure (IaaS) où poser sa data platform. Une plateforme de données que les agents d'IA viendront ensuite consommer. "Et ce, sachant que les hausses tarifaires concernent avant tout les solutions SaaS et moins les IaaS", souligne Olivier Rafal.
Mais selon Bruno Prevost, la logique serait inverse. "Si l'on utilise une application en mode SaaS, sans la personnaliser, on y trouve un intérêt financier. Mais dès qu'on met les mains dans le cambouis en faisant le choix du PaaS et à fortiori du IaaS, on se met à administrer soi-même le système, ce qui crée de l'adhérence et de la dépendance. On se retrouve de facto pieds et poings liés à son fournisseur. Le cloud est par définition intéressant compte-tenu de ses capacités d'auto-dimensionnement informatique. Mais avec l'explosion des coûts, la piste du déploiement sur site revient à la mode au sein des grandes entreprises."
Les PME moins bien loties
Pour Emmanuelle Olivié-Paul comme pour Olivier Rafal, les entreprises doivent aussi en profiter, si ce n'est pas déjà le cas, pour mettre en place une politique de FinOps. "C'est un bon moyen d'identifier les actifs cloud peu ou pas utilisés en vue de les désactiver pour faire des économies", commente Emmanuelle Olivié-Paul. Olivier Rafal ajoute : "La remise à plat de la stratégie cloud que nous recommandons doit s'accompagner aussi de facto d'une démarche de FinOps visant à optimiser les coûts des services utilisés." Pour Bruno Prevost, le FinOps est un moindre mal. "Cette démarche ne permet pas de réduire les coûts des hyperscalers, mais c'est un moyen de faire baisser les dépenses qu'on leur accorde", résume-t-il.
Au final, les grands groupes sont évidemment mieux armés pour faire face à la hausse des prix des géants du cloud américains. Cet aspect ne représente qu'une ligne dans les vastes bilans financiers de leurs activités numériques. Ces acteurs peuvent aussi se regrouper au sein d'organisation comme le Cigref pour faire front face aux fournisseurs. Suite au rachat de VMware par Broadcom, le Club numérique des grandes entreprises françaises est allé jusqu'à saisir l'autorité de la concurrence européenne... sans résultat néanmoins. Pour les PME, le paysage est bien différent. Elles n'ont d'autres choix que de subir les hausses de tarifs, à court terme en tous cas. "Sur le moyen et le plus long terme, elles peuvent néanmoins faire évoluer leur choix en optant y compris pour une réinternalisation progressive de leurs applications", complète Bruno Prevost. Et Emmanuelle Olivié-Paul de conclure : "En termes stratégique, il est désormais possible aussi de se tourner vers des suites collaboratives souveraines qui existent désormais sur le marché français."