Carl Eschenbach (co-CEO de Workday) "Nos concurrents ne disposent pas d'autant de données d'entreprise unifiées au sein d'un LLM commun"

Le co-CEO de la plateforme de gestion RH et financière revient sur sa stratégie et sa feuille de route en recherche et développement.

JDN. Quelles sont les principales tendances que vous observez cette année en matière de projets de déploiement ?

Carl Eschenbach est co-CEO de Workday. © S. de P. Workday

Carl Eschenbach. D'abord, la plupart de nos clients sont en quête de gain de productivité. Pour ce faire, ils redimensionnent ou optimisent leurs effectifs. Workday est taillé pour les accompagner dans ce mouvement. Les gains de productivité et les opportunités de croissance passent en effet par une meilleure expérience utilisateur. Ce qui conduit aussi à un taux d'attrition plus faible.

Ensuite, nous observons un nombre croissant d'entreprises qui ne conçoivent plus leurs plateformes de gestion RH et financière indépendamment, mais comme une solution unique. C'est notamment le cas en Europe sur le segment du middle market. Les données de ces deux domaines sont étroitement liées. En matière de planification par exemple, les clients s'orientent assez naturellement vers une combinaison de leur planification financière et RH. Du coup, les déploiements de Workday englobent de plus en plus ces deux dimensions. Ce choix est également motivé par la volonté de réaliser des économies. En consolidant plusieurs applications, Workday permet de réduire le coût total de possession tout en réduisant la complexité du management logiciel.

Enfin, les clients nous questionnent plus que jamais sur notre stratégie d'intelligence artificielle. Ils souhaitent s'assurer que nous sommes suffisamment véloces pour leur permettre d'exploiter l'IA rapidement, toujours dans l'optique d'augmenter la productivité. De ce point de vue, l'IA est pour nous une stratégie de tout premier plan ainsi qu'un facteur clé de différentiation.

Justement, comment Worday se positionne-t-il dans l'intelligence artificielle ?

Dans ce domaine, nous nous différencions principalement de trois points vue. D'abord, nous avons opté sur ce terrain pour une logique orientée plateforme. Nous avons choisi une approche intégrée de l'IA au cœur de notre offre, et ce depuis presque une décennie.

Ensuite, nous avons développé un modèle de données unifié. Un modèle que tous nos clients exécutent sur une instance logicielle unique dans un cloud multi-tenant. Cette architecture représente plus de 65 millions d'utilisateurs et 600 milliards de transactions par an. Partant de là, nous possédons un large language model qui se différencie de tous les autres. Nos concurrents ne disposent pas d'autant de données d'entreprise unifiées au sein d'un LLM commun. Cela nous permet en bout de course de fournir des résultats à très haute valeur ajoutée.

Enfin, nous nous concentrons sur la confiance. Nous bâtissons une IA éthique, responsable et sûre. Pour ce faire, nous avons adopté une approche avant tout centrée sur l'humain, et sur ce que l'IA peut lui apporter.

Est-ce que vous proposez un bot à l'image de ChatGPT ?

Nous avons nos propres solutions d'IA, mais aussi d'IA générative. (Workday intègre notamment des fonctions de gen AI pour générer des offres d'emploi, réaliser des analyses de contrats ou encore pour créer de la documentation d'entreprise, ndlr). Si nos clients désirent utiliser un large language model tiers, ils peuvent aussi le faire. Notre plateforme est équipée d'une API orientée intelligence artificielle qui permet de prendre en charge d'autres LLM et de les entraîner en parallèle du nôtre. Nous sommes ainsi capables d'intégrer les modèles de langue d'OpenAI, de Microsoft, de Google, d'Amazon...

Quelle est votre feuille de route en matière de R&D ?

Premièrement, nous comptons poursuivre la mise en œuvre de notre stratégie d'IA et d'IA générative. Deuxièmement, nous allons continuer à innover pour améliorer encore notre plateforme RH et financière. Nous livrons deux mises à jour de notre offre chaque année. Ce qui représente des centaines de nouvelles fonctionnalités tous les ans. Troisièmement, nous allons renforcer le développement de notre solution pour le marché international.

Nous faisons en sorte que notre produit s'adapte aux particularités locales, notamment en matière de législation. Dans ce domaine, les réglementations se distinguent notamment en matière de gestion de la paie. Dans certains cas, nous gérons cet aspect nous-même comme c'est le cas au Royaume-Uni ou en France. Mais nous faisons le plus souvent appel à des partenaires tel ADP.

Quelle est la part de votre activité à l'international ?

Pour l'heure, 25% de notre chiffre d'affaires est réalisé en dehors des Etats-Unis. Il n'en demeure pas moins une marge de progression importante. L'étranger représente plus de 50% du total de notre marché adressable.

En Europe, notre ambition est de croître de manière significative. Nous continuons d'y investir massivement. Au total, nous comptons 4 000 salariés sur le continent européen, sur un total de plus de 18 000. Plus de 50% d'entre eux interviennent dans le produit et la technologie ou la R&D. L'Irlande est notre deuxième plus important pays dans le monde avec 1 800 salariés. Il s'agit d'une localisation dédiée principalement à la R&D. Evidemment, nous avons aussi des équipes disséminées dans les différents autres pays européens.

Workday possède-t-il des data centers en Europe pour héberger les données de ses clients locaux ?

Nous disposons en effet de centres de données en Europe. Nous les avons bâtis sur la base de l'infrastructure cloud d'AWS. Nous avons par exemple installé un data center en Allemagne. L'objectif est de permettre à nos clients de stocker leurs données dans leur espace de juridiction locale. Nous supportons à date 2 000 entreprises clientes en Europe.

Carl Eschenbach est co-CEO de Workday. Il est membre du conseil d'administration de l'entreprise depuis 2018. Avant de rejoindre le groupe, Carl Eschenbach était general partner de la société de capital-risque Sequoia Capital depuis avril 2016. Auparavant, il a passé 14 ans chez VMware où il a occupé différents postes, dont notamment celui de président et chief operating officer. Avant de rejoindre VMware en 2002, il a occupé différents postes de directeur commercial chez Inktomi, 3Com Corporation, Lucent Technologies et EMC. Tout au long de sa carrière, il a siégé au conseil d'administration de nombreuses entreprises technologiques dont Palo Alto Networks, Snowflake, UiPath et Zoom. Carl Eschenbach est actuellement encore impliqué auprès de Sequoia en qualité de partenaire.