Comment (bien) négocier le virage du no-code ?

Comment (bien) négocier le virage du no-code ? Déployer le développement sans code n'est pas chose aisée. De multiples outils, plus ou moins faciles à prendre en main, permettront de monter en puissance par étapes.

La promesse du no-code ? Mettre entre les mains des non-informaticiens un environnement leur permettant de créer des applications en toute autonomie. A l'heure où le développeur expérimenté devient un profil de plus en plus prisé et une denrée rare sur le marché de l'emploi, le concept est alléchant. L'ambition ? Dégager les programmeurs des tâches automatisables pour les recentrer sur des projets plus pointus. Mais comme souvent sur le front du numérique d'entreprise, l'arbre marketing cache une forêt de problématiques. "Plus les outils no-code sont simples à prendre en main, plus ils se révèlent limités", reconnait Sylvain Fagnent, manager au sein du cabinet de conseil Octo Technology (groupe Accenture). Partant de là, la mise en place d'une démarche de développement sans code implique d'analyser le potentiel et les limites des solutions disponibles sur le marché, et en fonction des choix réalisés de déployer une démarche d'accompagnement adaptée.

Les outils les plus simples pour commencer

Dans un premier temps, il est évidemment conseillé de se tourner vers les outils no-code les plus basiques. Ils seront à la portée de tout professionnel habitué aux suites de productivité. Parmi les plus populaires figurent Google Forms qui permet de créer en quelques clics un formulaire en ligne de type sondage ou enquête. Mais aussi Zapier et IFTTT qui donnent accès à des milliers de processus automatisés. Des chaînes d'instructions qui vont du push de contenu web sur les réseaux jusqu'à l'intégration de données d'une application d'entreprise vers une autre (par exemple l'enregistrement d'un appel Zoom dans Salesforce). Le mode de fonctionnement de ces processus n'en demeure pas moins simple puisqu'il consiste à déclencher une action en réponse à un évènement, par exemple générer une alerte suite à la mise à jour d'un logiciel ou d'un contenu web.

"Pour la création de sites, on pourra faire appel à des services comme Strikingly, Weebly ou Wix", ajoute Sylvain Fagnent. Ces plateformes web sont conçues pour les non-développeurs et restent très généralistes. Toutes permettent par exemple de déployer des boutiques en ligne. Un terrain sur lequel Wix est étonnamment riche. Son module Wix eCommerce recouvre le design de la boutique (avec 500 modèles graphiques), la gestion du catalogue de produits, de l'inventaire, la vente mulicanal, le multilingue, les paiements via une dizaine de prestataires, l'automatisation de la TVA, le pilotage des campagnes marketing, les promotions, le référencement...

Le low-code peut s'imposer rapidement

En revanche, "dès qu'il s'agit d'ajouter des fonctionnalités ou des éléments graphiques supplémentaires, l'intervention d'un développeur s'impose", constate Alexis Pommier-Orloff, consultant digital au sein du cabinet de conseil Okuden. Face à ce besoin, Weebly et Wix proposent des éditeurs de code. Mais ces derniers restent centrés sur le front end du site. Celui de Weebly donne la possibilité d'adapter le code HTML et les feuilles de styles graphiques (CSS). Quant à Wix, il va un peu plus loin en ouvrant la possibilité d'intégrer aux pages web des composants JavaScript personnalisés. A l'instar de Weebly et Wix, les solutions no code donnant accès aux langages de programmation sont qualifiées de low code.

L'alternative : des solutions no-code plus riches

Avec pour objectif d'éviter au maximum le recours aux développeurs, des solutions no code plus riches ont vu le jour. "C'est le cas de Bubble.io qui figure parmi les plateformes de création de site web sans code les plus avancées", souligne Sylvain Fagnent. Au menu de ses fonctions phare, on relève des environnements visuels pour définir la structure de la base de données du site ou un outil de modalisation de processus par glisser-déposer de briques applicatives.

Bubble permet de créer un tunnel de conversion personnalisé. © JDN / Capture

A la différence de Wix Strikingly et Weebly, Bubble permettra de créer un tunnel de conversion personnalisé. "Le ticket d'entrée est néanmoins plus élevé. Et Bubble implique de maitriser la logique technique d'un site web", prévient Sylvain Fagnent. "Là encore, le codage pourra se révéler rapidement indispensable pour des besoins spécifiques, ne serait-ce que pour un calcul de distance ou une géolocalisation."

Automatiser les processus internes

Aux côtés des solutions orientées sites web, toute une série d'outils de développement no code ont vu le jour pour automatiser les processus de travail. C'est le domaine du workflow automation. Les cabinets d'études Gartner et Forrester érigent Mendix, Microsoft, OutSystems et ServiceNow au rang de leaders sur ce segment. Depuis quelques années, de nombreux acteurs de la digital workplace investissent également ce terrain. C'est notamment le cas d'Airtable. Articulée autour d'une base de données web 2.0, cette solution SaaS permet aussi bien de créer un formulaire en ligne qu'un environnement de gestion de projet, voire un CRM sur-mesure. Le tout sans code. En 2020, la plateforme s'est enrichie d'un moteur de workflow (Airtable Automations) taillé pour automatiser des actions répétitives ou générer automatiquement des rapports.

"Nous nous sommes appuyés sur les solutions de développement sans code Power App et Power Automate de Microsoft pour accompagner un client dans la création d'un workflow de gestion des recrutements", relate Alexis Pommier-Orloff. "Grâce à cet outillage, les RH ont pu bâtir une première maquette qui a ensuite été affinée." Au final, un formulaire permet en amont de renseigner les informations sur le demandeur dans une base de données (Microsoft SharePoint). L'application vérifie ensuite si le profil en question n'est pas déjà connu. En aval, un rendez-vous est proposé via un second formulaire. Un e-mail d'invitation est ensuite généré et envoyé pour l'entretien de recrutement. Les calendriers des personnes impliquées sont mis à jour, ainsi que la base de données.

De fortes limitations

Avant de se tourner vers les plateformes de développement no code, les consultants interrogés par le JDN recommandent de se poser plusieurs questions clés. "Une entreprise qui créera et hébergera des applications sur une plateforme no code n'en sera pas propriétaire", prévient Alexis Pommier-Orloff. Proposés en mode cloud, les outils de développement sans code interdisent de facto toute réplication en local ou migration vers un autre provider. "Si le fournisseur tombe en panne ou ferme, on perd tout", insiste Alexis Pommier-Orloff. Conclusion : il semble difficile voire impossible de recourir à ces technologies pour des applications business critiques. Et Sylvain Fagnent de renchérir : "Le no code est une excellente solution d'exploration, pour se donner rapidement une première idée de l'application cible. Mais ce type d'outils étant tarifé en fonction du nombre d'utilisateurs ou du volume de transactions, la facture peut monter très vite." Pourquoi ce modèle facturation ? Parce que ces produits ciblent en premier lieu les équipes de travail, et pas les cas d'usage orientés grand public.

Face à ces critiques, l'éditeur OutSystems s'inscrit en faux. "Aujourd'hui, les plateformes low code apportent les mêmes garanties en termes de sécurité, d'industrialisation et de scalabilité que les solutions classiques, et même parfois les surpassent dans ces domaines tout en ajoutant de la simplicité. Les exemples ne manquent pas d'applications stratégiques cœur de métier développées, déployées et maintenues avec des plateformes low code qui supportent aujourd'hui plusieurs centaines de milliers d'utilisateurs, des dizaines de milliers de dossiers par jour, des millions de hits web par jour etc. Et ce, dans des secteurs très réglementés tels que le gouvernement, la banque et l'assurance", maintient Alexandre Cozette, CTO d'OutSystems, dans une chronique publiée sur le JDN. Le débat est lancé.