Si nos usages du quotidien avaient été pensés à l'aide de techniques spécifiques et de sensibilités insoupçonnées ?

Notre quotidien est fait d'usages : téléphoner, prendre le métro, attendre chez le médecin, monter un meuble… des usages qui requièrent différentes étapes qui font partie de notre quotidien.

Mais avez-vous déjà pensé à ce qu’implique cette expérience en amont ? À la manière dont les services que vous employez quotidiennement ont été pensés pour que votre expérience soit plus confortable, plus simple, plus belle ?

Une discipline au service des formes du quotidien

La juste forme d’un téléphone, la juste forme d’une salle d’attente, la juste forme d’une application mobile, la juste forme d’un outil en fer forgé, la juste forme de caractères typographiques, la juste forme d’une relation entre un opérateur et ses usagers… Donner la bonne forme,  la forme juste aux expériences du quotidien constitue une véritable discipline : le design de service.

La forme qui va bien, à l’instant t et pour le public visé, dans le lieu considéré, qui utilise avec justesse les technologies disponibles. En effet, pour chaque question de design posée il existe plusieurs propositions de formes possibles plutôt qu’une solution unique. In fine cependant, dans l’immense majorité des cas, il faut en choisir une : la forme adéquate de l’ascenseur d’un aéroport ou de celui d’une maternité, de la cuillère d’enfants à la crèche ou de celle d’astronautes de la station spatiale internationale (une paille ?), des écrans de l’application qui permet de réserver un billet d’avion plusieurs mois à l’avance…

Le design de service : un art d’une grande technicité avec une forte dose d'humanité

Comme le rappelle l’excellent article d’André Boyer et Ayoub Nefzi, la notion de service a été notamment caractérisée par Pierre Eiglier et Eric Langeard en 1987 comme un objet largement intangible : « Une expérience temporelle vécue par le client lors de l’interaction de celui-ci avec le personnel de l’entreprise ou un support matériel et technique. »
Le design de service,  c’est ainsi l’art de créer la juste forme d’un service, dans toutes ses (im-)matérialités.

C'est aussi une approche tant intellectuelle que technique, tant déductive que sensible. Donner forme à un service ne peut se réduire à la résolution d’une équation ou d’un système d’équations, et c’est notamment en cela qu’il s’agit d’une activité particulièrement humaine. Le ou la designer ne déduit pas la forme du canapé du salon VIP d’une compagnie aérienne : il ou elle la compose plutôt par inspirations et affinités culturelles, intégration dans l’espace, cohérence avec les usages constatés ou pressentis, composantes techniques, écologiques, économiques…

Le parcours, outil emblématique du design de service

Le "parcours utilisateur", "parcours usager", "parcours client" ou encore “parcours patient” n’est autre que la représentation du déroulé de l'expérience pour les personnes concernées, dans le temps et éventuellement dans l'espace. Le parcours permet de représenter ce qui relie de manière intangible chacun des moments où le service se réalise par la rencontre de l'usager avec les points de contact qui concrétisent le service : typiquement le billet dématérialisé, la borne d’enregistrement des bagages à l’aéroport ou le siège dans l’avion.

Les 4 grandes phases du design d’un service

Pour aller plus loin, mais tout de même de manière un peu caricaturale parce que les choses ne se font jamais de façon aussi linéaire, on peut distinguer 4 grandes phases : 

  • un premier bloc d’inspiration, d’orientation, de compréhension qui a pour objet de bien saisir le contexte et de déceler des opportunités et une découverte de l’expérience en conditions les plus proches possible du réel (« recherche terrain »)
  • un second bloc qui consiste à créer et explorer des concepts : par succession d’ateliers créatifs, de dessins de parcours, de maquettes de visions, l’objet de cette phase permet de créer le ou les concepts qu’il s’agira d’incarner par la suite
  • puis vient alors le moment emblématique de l’incarnation, pendant lequel on met en forme : par itérations, tests et confrontations successives à la réalité tout en prenant en compte les contraintes techniques, budgétaires
  • et pour terminer, la production de l’ensemble des éléments nécessaires au déploiement et à la mise en production

Ainsi pour concevoir un service cohérent de bout en bout, dont l’expérience sera désirable du premier au dernier clic, il faut dessiner et éprouver des parcours utilisateurs, des parcours usagers, des parcours clients émaillés de points de contact parfaitement maîtrisés, qu’ils soient tangibles ou intangibles. C’est le métier des designers de service, qui savent incarner les situations complexes proposées par les services contemporains, réduire leurs irritants au maximum et ainsi en garantir la meilleure adoption.