Attirer et retenir les talents numériques : un enjeu majeur pour les entreprises

Le marché du travail a connu un retournement de tendance rapide au cours des 24 derniers mois.

En 2020, les entreprises disposaient d'un vaste réservoir de talents dans lequel elles pouvaient puiser à loisir, en fonction de leurs besoins. Deux ans plus tard, le rapport de force s'est inversé et ce sont désormais les salariés en poste et les profils les plus convoités qui mènent le jeu en étant à la fois sélectifs et exigeants dans leur recherche d'emploi.

Depuis avril 2021, selon les chiffres officiels publiés par la Dares, le service de statistiques du ministère du Travail, le nombre de départs volontaires est en très nette augmentation. Au troisième trimestre 2021, il a même dépassé son niveau d’avant la crise avec 445.000 départs (en augmentation de 14,1% par rapport au troisième trimestre 2019). Dans le contexte actuel, les entreprises s'efforcent de résoudre les problèmes structurels en vue d’endiguer cette perte de collaborateurs qualifiés. Par ailleurs, une étude récente menée conjointement par Udacity et Ipsos révèle que, pour près de la moitié des entreprises interrogées, le renouvellement du personnel constitue un frein à leur développement et à l’atteinte de leurs objectifs de croissance.

Le livre blanc – publié par le cabinet de recrutement Robert Walters – sur l’intégration et la rétention des talents révèle que pour 58% des cadres interrogés, une des causes principales de démission est le décalage entre la description d’un poste et la réalité du terrain. Les profils qualifiés ressentent le besoin d’évoluer dès lors qu'ils ont l'impression que leur carrière stagne. Afin de retenir ces profils, les entreprises doivent porter une attention particulière à leur progression de carrière, en investissant de manière significative dans des programmes de développement des compétences professionnelles.

Malgré cette prise de conscience, il subsiste un décalage important entre la manière dont les entreprises et les employés perçoivent l’efficacité de ces programmes de formation. Alors que nos recherches indiquent que la majorité des entreprises considèrent que leurs offres de formation sont pertinentes,  78% des cadres interrogés admettent avoir ressenti, après leur prise de poste, un déficit de formation ou d’accompagnement de la part de leurs managers. Il est indispensable de remédier à cette disparité car la rétention et la fidélisation du personnel d’une entreprise passe par la satisfaction de ses collaborateurs.

La pénurie de talents numériques

Pendant la crise sanitaire et le recours massif au télétravail, de nombreux employés ont été en proie à un sentiment d'incertitude professionnelle, d'épuisement moral et d’impression de stagnation de leur carrière. Au lendemain de cette période de grande incertitude, beaucoup ont saisi l'occasion pour se lancer un nouveau défi professionnel et n’ont pas hésité à quitter leur poste pour évoluer.

Ce problème impacte durement l’ensemble du secteur technologique, qui avait déjà du mal à pourvoir les postes les plus pointus avant la crise sanitaire. Selon une étude du cabinet de recrutement américain Korn Ferry, la France pourrait être déficitaire de 1,5 million de profils qualifiés d’ici à 2030, soit un manque à gagner de près 175 milliards d’euros pour l’économie de l’hexagone.

La révolution numérique en marche s’est accélérée dans plusieurs pans de l’économie française, et a permis aux entreprises technologiques B2B de connaître une croissance rapide pendant la pandémie. La pénurie de profils technologiques immédiatement opérationnels a empêché ces entreprises florissantes de recruter suffisamment pour répondre à leur croissance. Selon une étude menée conjointement par Udacity et Ipsos, 63% des dirigeants français estiment que la pénurie actuelle de personnel qualifié impacte négativement l’activité de leur entreprise.

Les divergences entre employés et direction

Au vu des divergences entre les postures des DRH et celle des employés à l'égard des programmes de formation en vigueur, il n'est pas étonnant de constater qu’une forte majorité des professionnels du secteur informatique prévoient de quitter leur poste à plus ou moins brève échéance. Mais pourquoi existe-t-il un tel fossé entre direction et collaborateurs en matière de formation et de développement des compétences professionnelles ?

Pour de nombreux collaborateurs, ces programmes de développement des compétences consistent à suivre des formations obligatoires basées sur des concepts obsolètes et théoriques, difficilement applicables à la réalité de leurs tâches quotidiennes. Trop souvent, l'assiduité est l’unique facteur décisif pour la réussite (ou l'échec) à une formation, ce qui signifie que l’assimilation du savoir enseigné n’est pas la principale préoccupation.

Dans l'ouvrage de Michael Spence intitulé "Market signaling: informational transfer in hiring and related screening processes", les récompenses éducatives sont utilisées pour "signaler" qu'un certain nombre de compétences ont bien été acquises, qu’elles aient été développées ou non. Pour les collaborateurs aux emplois du temps surchargés, ces programmes de formation à la fois inefficaces et chronophages peuvent s’avérer très décevants. Très souvent, les employés considèrent ces formations comme de simples formalités pour indiquer à leur direction qu'ils possèdent une compétence donnée, au lieu d'acquérir un nouveau savoir qui pourrait leur être utile au quotidien.

Néanmoins les DRH peuvent enrayer ce phénomène en travaillant de concert avec les collaborateurs pour développer des offres de formation personnalisées, afin que les personnels concernés puissent acquérir de nouvelles compétences immédiatement applicables à leur pratique professionnelle. Il ressort de notre étude que 70% des collaborateurs pensent que le fait de pouvoir créer leur propre cursus éducatif, en choisissant leurs formations, les aidera à acquérir de nouvelles compétences utiles. Afin de remotiver leurs employés et de maximiser l’impact des programmes de formation et de développement, les DRH doivent donc s'assurer que le personnel compétent soit suffisamment impliqué en amont dans l’élaboration des programmes de formation pour acquérir des compétences pertinentes dans les domaines souhaités.

Former la main-d'œuvre de demain

Il n'est guère surprenant de constater que les travailleurs les plus jeunes sont les plus exposés au risque d’alimenter les statistiques de la "Grande Démission". Une enquête menée par Gartner révèle que plus de 84% des informaticiens âgés de 19 à 29 ans ont l’intention de changer d’emploi à plus au moins brève échéance.

La rétention des jeunes collaborateurs est un sujet de préoccupation croissant pour les entreprises. L'un des challenges auxquels sont confrontés les employeurs à l'heure actuelle est celui du vieillissement de la population. Avec la réduction de la population active, les entreprises se doivent de créer des opportunités de carrière durables pour les jeunes talents.

Les jeunes d’aujourd’hui sont bien conscients de leur valeur sur le marché du travail et leur loyauté envers leur employeur est loin d’être acquise. Notre récente étude révèle que 57% des 18-29 ans et 65% des 30-49 ans estiment que les entreprises doivent investir dans leur avenir en leur offrant une formation qualifiante.

Si la vague actuelle de démissions n'est peut-être qu'un effet à court terme de la sortie de crise sanitaire, le vieillissement de la population active n'est pas un problème pouvant être résolu du jour au lendemain. Afin de conserver des effectifs compétents, motivés et épanouis, les entreprises doivent agir dès maintenant et investir dans des stratégies à long terme pour faire évoluer les compétences de leurs collaborateurs.