Marketplaces : éclairer les consommateurs pour freiner le dumping commercial

Plus d'un tiers des Français passent par des marketplaces pour leurs achats en ligne. Mais savent-ils réellement qui sont les vendeurs, d'où viennent leurs achats et quelle est leur fiabilité ?

En janvier 2022, une étude de Mirakl indiquait que plus d’un tiers des Français réalisaient leurs achats en ligne via des marketplaces -des plateformes qui agrègent des produits de vendeurs très variés sur un seul et unique site - qui leur font gagner du temps et proposent un large choix de produits. Pourtant, les consommateurs savent-ils réellement qui est le vendeur final (il ne s’agit ni d’Amazon ni de Shein ni d’Alibaba) et connaissent-ils la provenance de leurs produits ainsi que le chemin parcouru jusqu’à chez eux ? 

Car les marketplaces hébergent et proposent sur leurs sites les biens de vendeurs tiers, provenant le plus souvent des quatre coins du monde, sans spécifier leur provenance, sans informations détaillant les certifications qui encadrent leur qualité ou encore les réglementations fiscales auxquelles sont soumises les fournisseurs. 

Cette forme d’opacité pénalise directement les consommateurs et s’apparente à une forme de dumping commercial. Cette pratique consiste à vendre moins cher un produit à l’étranger, notamment grâce à un manque de transparence qui empêche les clients d’y voir clair et d’acheter en toute connaissance de cause, créant pour nombre de commerçants une concurrence déloyale.

En matière de contrôle-qualité, les fournisseurs pas tous logés à la même enseigne

Avec ce biais informationnel, le premier risque pour l’acheteur est de recevoir un produit défaillant ou qui s'avérera rapidement défectueux. Ainsi, 80% des réclamations portées auprès d’Amazon concernent des produits qui ne fonctionnent pas d'après un article du Figaro réalisé avec l'AFP). Plus problématique, le fait d’agréger des vendeurs de toutes les régions du monde augmente le risque de faire circuler en Europe des produits ne respectant pas certaines normes de sécurité, pourtant drastiques en matière de toxicité, de sécurité électrique ou de risques chimiques (comme la directive européenne 2001/95/CE relative à la sécurité générale des produits).

En témoigne la campagne de rappel de produits Shein par le gouvernement français en février dernier, via son site Rappel Conso. Certains objets vendus par la plateforme contenaient du mercure ou du nickel dans des quantités non réglementaires en Europe mais commercialisables en Asie. Or, ces métaux, lorsqu’ils sont inhalés ou avalés, peuvent entraîner de graves problèmes respiratoires.

Approvisionnement des marketplaces : un non-sens logistique et écologique

Il existe une autre conséquence inhérente à l’offre mondialisée des marketplaces : le transport induit pour acheminer les marchandises. L'e-commerce a un impact environnemental significatif : aux émissions de carbone liées à la production des emballages à usage unique doivent s’ajouter celles liées à la livraison à domicile. Le fret (aérien et maritime) est en constante croissance depuis plusieurs années (+21% en 2021 par rapport à 2020 pour le fret aérien selon l’Association du transport aérien international). Le transport par bateau représente de son côté 16% des émissions de CO2 du fret international mais 70% des tonnes-kilomètres transportés d'après l'OCDE.

A l’heure où la protection de l’environnement est devenue la deuxième préoccupation des Français derrière le pouvoir d’achat selon l'Ademe, il semble que l’opacité sur la provenance des produits ne répondent plus à l’exigence des consommateurs en matière de transparence.

Un dumping commercial par le prix, entretenu par les marketplaces

Les biens produits et fabriqués par les commerçants européens subissent de plein fouet la concurrence d’objets provenant du monde entier et vendus sur le même étal numérique, la marketplace. Pourtant, ceux-ci sont différents les uns des autres en termes de qualité, de conditions de production et de normes auxquelles sont soumis les fabricants ou commerçants. 

Cette dérégulation du marché se fait par le prix puisque les commerçants ne sont pas soumis aux mêmes obligations fiscales selon le pays dans lequel ils se trouvent. D’après l’outil Country Economy, c’est en Europe que la pression fiscale, définie par l'OCDE comme le "montant total des recettes fiscales recouvrées, exprimé en pourcentage du PIB", est la plus forte dans le monde. Ce qui offre un avantage de fait aux fournisseurs asiatiques, américains ou africains.

Nombre de marketplaces ne jouent pas le jeu de la clarté quant à la vente de produits qu’ils proposent. Les biens qui y sont proposés disposent de différences significatives en matière de fabrication, de prix voire d’impact carbone lié à leur acheminement. Pourtant, tous se retrouvent en concurrence frontale sur un même étal numérique.

S’il est possible d’assumer ce choix et de proposer aux consommateurs une très large diversité de produits, notamment en période de baisse du pouvoir d’achat, la prise de conscience des Français en matière d’écologie laisse penser que ces derniers aimeraient être informés en toute transparence. 

Pour ce faire, il est indispensable que les marketplace revoient certaines de leurs pratiques en indiquant par exemple le pays d’origine de chaque produit vendu directement sur la page e-commerce et pas dans les détails du produit. On pourrait même imaginer des labels ou une mise en avant, dans chaque pays, de produits fabriqués localement, ce qui pourrait inciter à valoriser le savoir-faire local et éviter les transports mondiaux de marchandises. 

De la même façon, signaler le respect ou non des normes de qualité dans le pays au sein duquel la marketplace est mise en ligne permettrait de mieux protéger les consommateurs. Il est donc fondamental que le législateur, français ou européen, s’empare de ce sujet afin de rétablir une équité dans ce far-west que sont devenues les marketplaces, pour le bien des consommateurs et des commerçants qui y vendent leurs produits.