Renoncer aux promotions (hors soldes) pour éviter les attaques pour pratiques commerciales trompeuses ?

La directive Omnibus transposée depuis mai 2022 pose de nouvelles règles commerciales liées aux soldes et promotions.

La directive européenne Omnibus a posé un cadre pour les distributeurs mais le renforcement de la protection des consommateurs n’exclut pas l’usage de pratiques commerciales promotionnelles. Dans ce nouveau contexte réglementaire, trois enjeux se dessinent pour que les vendeurs puissent maintenir un avantage compétitif et bâtir une relation client de confiance.

Maîtriser la réglementation en 2023 

Depuis un an, l’ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 transpose dans le droit français la directive européenne 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019, dite directive OMNIBUS. Elle précise que certains comportements adoptés par les vendeurs, auparavant considérés comme licites, sont désormais constitutifs de pratiques commerciales trompeuses.

La directive couvre différents aspects comme la vente d’un produit identique d’une même marque dans plusieurs pays de l’UE avec une composition différente, ou s’adapte au sujet des denrées périssables. Cependant, la dimension impactant le plus massivement les professionnels est celle du prix de référence.  

Désormais, toute réduction de prix doit être accompagnée du prix antérieur le plus bas pratiqué au cours des 30 jours précédents. Dans le cas de réductions successives, c’est le prix le plus bas avant réduction qui doit être indiqué. Durant les soldes, en plus du prix soldé, le prix avant promotion datant de moins de 30 jours doit également être visible.

Lorsque l’on parle d’information visible, cela signifie « compréhensible pour le consommateur moyen », c'est-à-dire sans équivoque pour un consommateur raisonnablement attentif (entendre : "non spécialiste").

Mesurer les risques financiers … et réputationnels

L’objectif de la loi OMNIBUS est d’empêcher l’augmentation artificielle du prix de référence durant une courte période avant de le baisser, afin de simuler une réduction plus importante.

Un distributeur qui ne respecte pas cette nouvelle obligation, s’expose à une sanction pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et une amende de 300.000 € (pour une personne physique) ou à une amende de 1,5 millions d’euros (pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel moyen ou 50 % des dépenses publicitaires en question) pour une personne morale.

Le risque réputationnel pour une enseigne est également fort, tout comme possibles sont les actions en dommages et intérêts pour pratique commerciale déloyale engageables par des concurrents.  En effet, en plus d’une GenZ prompte à réagir, les associations de consommateurs sont très actives sur le sujet.

La bonne pratique est d’afficher :

  1. Le prix barré (le + bas sur les 30 derniers jours)
  2. Le nouveaux prix
  3. Le montant (ou volume) de la réduction

Bâtir des opérations commerciales conformes autour de 3 piliers

Fini le « on a toujours fait comme ça » ! La promotion est à réinventer. Les enjeux financiers sont significatifs. L’impact sur la marge peut varier significativement d’un format de promotion à l’autre, et même aller du simple au double [1] , mais aussi relever l’effet des types de promotion sur le trafic généré sur site[1].

Voici trois axes de réflexion pour concilier respect de la règlementation et maximisation des opérations commerciales :

1.       Repensez le calendrier commercial

La toute première action consiste à visualiser le calendrier promotionnel et travailler sur les intervalles afin d’identifier les zones de risques.

Lorsqu’une opération se situe à moins de 30 jours des soldes, elle peut être problématique. En effet, le prix de référence deviendra de fait celui pratiqué durant l’opération précédant les soldes et réduira le niveau de remise et donc l’attractivité du prix soldé.  Si 68 % des Français n’attendent pas les soldes pour se faire plaisir, 72 % font généralement des achats pendant les soldes.[2]

Une fois les périodes à risques identifiées, il convient d’étudier l’opportunité d’intégrer la règle des 30 jours et de redessiner le calendrier commercial. Pour savoir s’il est possible de déplacer une opération de fin-mai à mi-mai, il faut compter sur la mesure de l’efficacité des opérations pour établir le choix économique le plus judicieux.

Notre recommandation : identifier les périodes à risque pour définir l’opportunité d’intégrer la règle des 30 jours et redessiner le calendrier commercial. Pour savoir s’il est possible de déplacer une opération de fin-mai à mi-mai, il faut compter sur la mesure de l’efficacité des opérations pour établir le choix économique le plus judicieux.

Repenser le calendrier promotionnel

2.       Miser sur une stratégie de fidélisation

Détail qui n’en est pas un : n’est pas considéré comme prix de référence, le prix payé par les clients ayant fait la démarche de prendre une carte de fidélité. Ainsi, une opération menée uniquement à destination d’une base clients encartés n’entraîne pas de contrainte sur le prix de référence.

Il est alors possible de penser une tout autre articulation, à partir de la construction d’un programme fidélité : bons de réduction, codes promotionnels, remises anniversaire … Tous ces avantages individuels, permettant de bénéficier de réduction de prix (sur la base de cumul de points) promeuvent une marque plutôt que ses produits. Attention toutefois à bien construire la stratégie d’activation et ne pas impacter votre positionnement, en termes d’image ou de prix.

De la même manière, les offres conditionnées (« un article acheté, le deuxième offert » ou « -30 % sur le 3ème article acheté ») ne constituent pas des annonces de réduction de prix, puisqu’elles ne s’adressent pas à l’ensemble des clients. Le prix de référence restera par la suite le prix de l’article et non le prix moyen des deux ou trois articles. Ce type d’offre est plus délicat à mettre en place, notamment si le distributeur ou la marque est sur un positionnement premium, ou qu’il commercialise des produits au cycle de consommation plus long (type électronique ou électroménager).

Mesurer la réactivité de sa base client aux communications promotionnelles constitue une aide à la décision.

Les clients fidélisés sont vos meilleurs alliés.

Notre recommandation : développer la base clients encartés afin d’ assurer sa sur-représentativité dans le volume des ventes. Penser à arbitrer entre conditionnement de la promotion au porteur d’une carte fidélité et extension de la remise à l’ensemble de la clientèle dès lors qu’elle achète plusieurs produits.

3.       Ajustez les offres en fonction de l’efficacité des différents formats de promotion

Le recours aux offres combinées donne la possibilité de différents formats comme « 50 % de réduction sur le second article » ou encore « 20 % de remise pour 2 articles, 30 % pour 3, etc.» La viabilité économique est – évidemment – différente. Certains formats peuvent dégrader très fortement la marge.  Le cas le plus extrême d’un article offert pour un article acheté n’est viable qu’à partir d’un certain niveau de marge brute, qui n'est atteint qu’à l’occasion d’un positionnement de prix haut de gamme et qui ne correspond pas à la philosophie de ce type de promotion.

Les facteurs pour juger de l’efficacité d’une opération sont nombreux : l’accélération sur le volume des ventes, le respect de l’homogénéité de l’ offre, la lisibilité de l’opération d’un point de vue communication auprès de la cible de clients. Le diagnostic complet doit prendre en compte l’ensemble de ces facteurs et intégrer les éléments de contexte. 
Heureusement, les retailers disposent désormais de toutes les données pour le mesurer et arbitrer entre les différentes possibilités.

Notre recommandation : Ajuster le mix d’opérations commerciales en fonction de l’efficacité des différents formats de promotion pour établir le type d’incitation permettant un volume de vente suffisamment intéressant pour compenser la dégradation de la marge.

À tout moment, le vendeur est libre de modifier le prix d’un produit sans l’afficher. Ce n’est plus le cas lorsqu’il s’agit de communiquer sur le prix à titre de promotion. Les directions stratégies et marketing des distributeurs, marques ou enseignes ont désormais les clés pour prendre les bonnes décisions au sein de la zone verte.

[1] Tendances observées sur un échantillon de projets d’optimisation des promotions conduits par le cabinet Veltys (groupe Kéa)

[2] Sondage OpinionWay pour Sofinco, Les français et leur budget soldes, Janvier 2022