Pourquoi le directeur marketing d'aujourd'hui est le PDG de demain ?

Le poste le plus important dans le domaine du marketing affiche désormais le taux de renouvellement (turnover) le plus élevé parmi les cadres supérieurs – et ce n'est pas qu'une question de turnover.

Les grandes entreprises ont toutes vu leurs directeurs marketing (CMO pour chief marketing officer) partir – ou elles les ont poussés vers la sortie. Mais comment expliquer ces tendances ? Et quelles sont les compétences dont les CMO ont besoin aujourd’hui pour rencontrer le succès ? Le rôle de CMO implique une approche purement globale. C’est un rôle qui exige une compréhension poussée des données, des activités à plusieurs niveaux et de leur fonctionnement. En fait, tous ces éléments sont autant d’atouts pour faire du CMO le PDG de demain.

Tout spécialiste du marketing pourrait considérer que le poste de Directeur Marketing est un graal professionnel, auquel tout un chacun aspire dans sa carrière ; un peu comme jouer au football dans son club local et rêver de la Coupe du monde. Pourtant de nos jours, être Directeur Marketing n’est pas aussi simple qu’on le prétend. 

Une période de morosité annoncée

Le Harvard Business Review estime que le poste le plus important dans le domaine du marketing affiche désormais le taux de renouvellement le plus élevé parmi les cadres supérieurs. Et chaque année, la période de maintien en poste des CMO a tendance à se réduire. Ce n’est pas qu’une question de renouvellement. Il suffit de lire les gros titres. Johnson & Johnson, Uber et McDonald’s ont tous vu leurs CMO partir – ou plutôt, ils les ont poussés vers la sortie. Et le pire, c’est que les postes vacants ne seront pas pourvus.  

Alors, comment expliquer ces tendances, qui se traduisent par un raccourcissement des périodes en poste des CMO, voire par leur suppression pure et simple ? La réponse simple est que les responsables du marketing sont soumis à une pression croissante afin d’obtenir des résultats... pour l’ensemble de l’entreprise. Or, la notion de « résultat » a tendance à s’élargir. Les CMO qui ne font pas l’affaire correspondent au modèle le plus traditionnel : ils se concentrent sur le marketing en tant que discipline limitée au sein de l’organisation au sens large, pratiquent le marketing à l’ancienne et foncent tête baissée vers leur objectif, tel un nageur dans son couloir de natation.

Le fait est que la portée du marketing s’est considérablement étendue. Son influence est stratégique et concerne chaque composante de l’organisation. Il en résulte un effet de deux ordres. D’une part, le rôle du CMO couvre un tel éventail de tâches qu’il est difficile pour une seule personne de toutes les accomplir. Ce qui démontre simplement la nécessité pour le CMO de recruter des responsables performants placés sous son autorité pour diriger les divisions de marketing. D’autre part, cela met en évidence la nécessité de définir un tout nouveau type de Directeur Marketing. Un agent de changement, qui travaille en partenariat avec chaque département et qui définit une vision de ce que l’organisation – et l’entreprise – doit faire et comment y parvenir. Le CMO d’aujourd’hui n’est plus dans son couloir de natation. Il se retrouve à naviguer sur un océan. Et les défis qui se posent à l’échelle de l’organisation sont des exercices de pilotage du navire, ou en d’autres termes, des occasions de s’entraîner pour la prochaine grande étape : le poste de CEO. 

Martech, ça vous dit quelque chose ?

L’un des facteurs qui expliquent cette situation est la forte croissance des martechs. L’augmentation considérable des données clients de tous types a favorisé le développement de nouvelles approches pour les utiliser. D’une part, les nouvelles technologies, intelligentes et adaptatives, élargissent la portée du marketing. Les données des utilisateurs peuvent être exploitées pour créer des expériences personnalisées, la résolution d’identité permet aux entreprises d’obtenir une vue intégrée des identités des utilisateurs sur plusieurs canaux, et le marketing omnicanal permet d’atteindre les utilisateurs dans chacun de ces emplacements. Grâce à l’analyse prédictive, les spécialistes du marketing peuvent identifier et cibler les attributs idéaux des clients, et les données permettent de mener des campagnes ciblées et personnalisées. L’IA et le machine learning seront les fondements de nombre de ces approches. 

L’essor des martechs est la raison pour laquelle certaines entreprises demandent désormais à l’équipe chargée des technologies de marketing de faire rapport au CIO. Cela explique également la hausse des budgets mis à la disposition du CMO, et l’espoir que ces budgets produiront des résultats. Selon Gartner, les responsables marketing dépensent 26 % de leurs budgets dans les martechs en 2019, et ces derniers déclarent n’utiliser que 58 % de leurs capacités martech.

La gestion des technologies est un nouveau domaine de compétence qui s’ajoute aux responsabilités déjà bien remplies du CMO. Mais la prolifération des martechs a une autre conséquence. Ces technologies donnent également l’impression que les campagnes de marketing peuvent être aussi chirurgicales et précises qu’un scalpel, ce qui rehausse les attentes quant aux performances de la marque et à la demande. On a également l’impression que les technologies permettent de savoir précisément quelle approche est la plus efficace et comment obtenir les meilleurs résultats.

Bien sûr, ce ne sont pas les seuls facteurs qui déterminent quelles activités de marketing sont les plus efficaces et lesquelles ne le sont pas. Les pressions économiques, l’évolution des tendances de consommation, les actions de vos concurrents et de nombreuses autres forces extérieures sont autant de facteurs qui déterminent les performances de votre entreprise. Après tout, nous opérons sur le marché, pas en vase clos. Et nous devrions nous efforcer de comprendre ces forces, tout comme le ferait un CEO. Mais nous n’avons pas de boule de cristal.

Savoir comment obtenir un retour sur investissement (ROI)

À mesure que le marketing élargit son champ d’action, les coûts augmentent également. Ainsi, on attend de plus en plus des CMO qu’ils justifient les dépenses en produisant un meilleur ROI. Toutefois, compte tenu du paysage marketing actuel très complexe, il peut s’avérer difficile, dans le meilleur des cas, de mesurer le retour sur investissement, et surtout de le doper. Ainsi, si le ROI n’est mesuré que dans des canaux spécifiques, si les délais de retour sur investissement sont trop courts ou trop longs, les chiffres risquent de manquer de précision et de ternir à nouveau le tableau. Le CMO doit donc avoir une idée précise de ce qu’il recherche et de la façon de le mesurer. Sans oublier qu’il doit pouvoir donner un sens aux chiffres, quelle qu’en soit la perspective, tout en comprenant leurs implications pour le jour suivant ou le trimestre suivant. Encore une fois, c’est un bon entraînement pour la prochaine étape de sa carrière.

Les atouts du CMO d’aujourd’hui

Pour rencontrer le succès, le CMO d’aujourd’hui a besoin de compétences, et il doit aussi rapprocher l’art de la science. Il s’agit véritablement d’un rôle à la fois technique et créatif. C’est un mélange entre Don Draper et HAL 9000. Imaginez : développer une marque compétitive tout en atteignant des cibles importantes. Le rôle du marketing est de servir et de fournir des ressources à l’ensemble de l’entreprise, ainsi qu’aux publics externes, aux actionnaires, aux partenaires, aux prospects et aux clients. Et pendant notre temps libre, nous nous associons à d’autres services pour contribuer à l’établissement d’une culture saine et prospère. Le rôle de CMO implique une approche purement globale, et c’est en grande partie pour cette raison qu’il est si gratifiant.

Cela devrait être un motif de fierté pour les CMO et tous les responsables du marketing. Mais c’est aussi un sacré défi, ce qui explique en partie pourquoi de nombreux CMO ne restent pas en poste. En fin de compte, c’est un rôle qui concerne toutes les composantes d’une organisation. C’est un rôle qui exige une compréhension poussée des données, des activités à plusieurs niveaux et de leur fonctionnement. Il exige un esprit créatif pour sortir des sentiers battus et faire fonctionner le tout de manière harmonieuse. 

Cela signifie qu’il faut être capable de penser stratégiquement à un niveau macro. Cela implique de pouvoir aligner de nombreuses parties mobiles sur cette stratégie globale et de tenir compte des préoccupations et des besoins des multiples parties prenantes de manière à servir l’organisation dans son ensemble. Cela signifie qu’il faut être à la fois pragmatique, en se fiant aux chiffres et en prenant les décisions difficiles, et visionnaire, en examinant la situation dans son ensemble pour anticiper les tendances, prévoir les changements et garder une longueur d’avance. Tous ces éléments sont autant d’atouts pour faire du CMO le PDG de demain.