La gestion de campagnes marketing B2C est-elle dans une impasse ?

Depuis maintenant 20 ans, les produits de gestion de campagnes ont su se rendre indispensables aux marketeurs de toutes industries. Avons-nous atteint une forme de maturité ? Non ! Nous quittons tout juste l'adolescence, et voici pourquoi.

L’histoire en deux actes

Les premiers logiciels sont apparus à la fin des années 1990, avec AIMS en France, Unica, SAS, Chordiant ou Smartfocus dans le reste du monde. Ces outils étaient puissants analytiquement, mono canal par nature, dépourvus de capacité d’exécution, et proposaient la segmentation la plus fine possible pour envoyer du courrier ciblé.

L’arrivée de l’email puis des autres canaux digitaux a bousculé ce marché. Calculer une cible à 3 décimales devenait secondaire par rapport au besoin de réagir vite, et d’inscrire les clients dans un parcours omnicanal. La deuxième génération d’outils émerge au milieu des années 2000 sur cette base, avec des capacités d’exécution et de workflow. Ils s’inscrivent dans deux grandes familles :

-        les outils intégrés, comme Neolane (aujourd’hui Adobe Campaign), Selligent, ExactTarget (Salesforce Marketing Cloud), ou encore Splio, Actito et Emarsys. Ces outils ont apporté la vue omnicanale du client, de forte capacité d’automatisation.

-        les outils monocanaux spécialisés tels EmailVision, Cabestan, Urban Airship, ou plus récemment des solutions comme Batch... Ces outils amenant de la valeur immédiate sur certains nouveaux canaux, de l’agilité, des interfaces plus intuitives.

Cette partition du marché évolue rapidement sous l’influence de deux forces :

-        une force endogène : le rachat des logiciels ci-dessus par de gros acteurs (Oracle, Salesforce Adobe, SAP), qui consolident des offres très larges, malheureusement au détriment de la qualité de service et de l’innovation,

-        une force exogène : la nécessité de gérer des canaux aux spécificités toujours plus pointues pour toucher les consommateurs sur leurs médias favoris.

Les grandes plateformes se dispersant sur différents enjeux perdent souvent une qualité de la première génération : des capacités de traitement de données et de segmentation puissante et fine (calcul sur le foyer, gestion de la pression, etc.) nécessaires à la mise en place de bons ciblages. Moyenner à la baisse cette capacité à engager les bons clients avec les bons messages ne peut pas être la réponse !

Comment sortir de cette impasse ? Les marques devront-elles se résoudre à utiliser de grandes plateformes incomplètes, ou à faire cohabiter des outils pointus en perdant la vue client d’ensemble ?

Quels nouveaux défis ? Quelle réponse ?

L’insatisfaction d’usage des grandes plateformes augmentant, ce deuxième cycle va toucher à sa fin. Les marques abandonneront alors l’idée qu’une grande plateforme peut tout faire, tout simplement car cela est impossible. Elles vont s’organiser autour d’outils spécialisés pour l’exécution sur les canaux, et d’un orchestrateur. L’orchestrateur, qui peut être issu des familles CRM Marketing / CDP / Gestion de campagne devra être capable de prendre en charge :

-        la consolidation des données clients/prospects quelle que soit leur source, on-line et off-line,

-        des capacités de segmentation et de calcul puissantes,

-        la capacité d’intégrer des fonctions externes (règles, scores) via des plugins,

-        l’orchestration des campagnes, la gestion des priorités, le calcul du ROI,

-        la délégation de l’activation à un large écosystème de logiciels tiers spécialisés.

Ces orchestrateurs deviendront alors le véritable pôle de pilotage et de décision des interactions de la marque avec ses clients. Les CDP, de par leur capacité à interagir avec les autres systèmes, semblent être les mieux placés dans cette course, mais nous n’en sommes qu’au début !

Au-delà de ces considérations systèmes, quelques concepts vont devoir se réinventer, en voici deux exemples.

Modélisation des parcours client, la fin d’un mythe ?

Mis en avant par les logiciels intégrés, matérialisant de manière graphique et agréable l’enchainement des différentes campagnes, l’exploitation des « parcours client » s’est révélée difficile en pratique. Le consommateur appartenant toujours à plusieurs parcours qui s’imbriquent, l’arbitrage devient difficile et la vue d’ensemble trop complexe. Cela reste beau en démo, mais les marques plébisciteront à nouveau le trigger marketing (déclenchement de campagne sur événements), plus simple à généraliser, à mettre à l’échelle, à arbitrer. Les fonctionnalités de ces triggers vont donc s’accroître.

Pression commerciale, copie à revoir !

La gestion de la pression commerciale reste un « must have ». Malheureusement, les mécanismes existants sont difficiles à appréhender, notamment pour la prise en compte des campagnes futures dans la pression instantanée. Pour autant, ce besoin ne va pas disparaître ! De nouveaux concepts seront à inventer pour permettre l’arbitrage de campagnes dans le temps, tenant compte des stocks et des optimisations de cibles. Ce sont les fonctionnalités de la gestion de campagnes qui évolueront le plus, probablement avec l’aide de l’IA.

Une nouvelle génération de logiciels

Tous les éléments sont réunis pour un renouveau de la gestion de campagnes. Un besoin d’innovations que ne peuvent fournir les acteurs existants après plusieurs cycles de rachat, une gestion des canaux toujours plus fine, et la nécessité de mettre le client au centre, notamment en traitant toute la donnée disponible, faciliteront l’émergence de nouveaux produits. Gageons que ce sera passionnant !