Lutte contre la contrefaçon : entreprises du Net, vous êtes en première ligne !

Avec le projet de loi, adopté le 2 octobre par l’Assemblée Nationale, la répression de la contrefaçon va bénéficier de nouveaux moyens. De nouvelles dispositions qui font des entreprises de e-commerce, une cible de choix. Attention.

Si vous pensez que le contrefacteur ne risque pas grand-chose, changez d'avis. Avec le projet de loi qui a été adopté le 2 octobre par l'Assemblée Nationale, la répression de la contrefaçon va bénéficier de nouveaux moyens particulièrement redoutables qu'il s'agisse de sanctionner l'atteinte aux dessins et modèles, aux droits d'auteur,  aux brevets et aux marques pour les droits de propriété intellectuelle ou industrielle  les plus connus mais également aux obtentions végétales, aux indications géographiques et aux semi-conducteurs. Des mesures d'investigations très étendues à la disposition des titulaires de droit Aux différentes procédures, saisie contrefaçon, saisie douanière ou encore interdiction provisoire que le Code de la Propriété Intellectuelle accordait déjà aux titulaires des droits pour faire la preuve de la réalité matérielle de la contrefaçon ou éventuellement pour la faire cesser, avec les nouvelles dispositions se sont de très larges mesures d'investigation qui s'y ajoutent et qui ne se limitent pas au présumé contrefacteur initial. En effet, sont visées par ces dispositions toutes les personnes qui ont été trouvées en possession de produits contrefaisants ou qui fournissent des services utilisés dans des activités de contrefaçon ou encore qui ont  été signalées comme intervenant dans la production, la fabrication, ou la destination de ces produits ou la fourniture de ces services. Ces personnes, dont la définition est particulièrement large puisqu'aucune condition restrictive n'est posée quant à leur connaissance de la nature contrefaisante des objets ou des services,  peuvent être contraintes par un tribunal de communiquer toutes informations qu'elles détiennent sur l'origine et les réseaux de distribution.

L'importance de ces informations doit être soulignée. Il s'agit  des adresses des producteurs, des fabricants, des distributeurs, des fournisseurs et des autres détenteurs antérieurs des produits ou services ainsi que des quantités produites, commercialisées, livrées,  reçues ou commandées et le prix obtenu pour les produits ou services en cause. C'est donc l'ensemble des informations économiques et commerciales des produits ou des services commercialisés que les entreprises se trouveront contraintes de communiquer. Il n'est pas certain que la notion "d'empêchement légitime" que le texte prévoit pour s'opposer à cette communication recouvre ce qui classiquement est appelé le "secret des affaires". Autrement dit, il n'est pas à exclure qu'un fournisseur évincé ou peut-être même qu'un concurrent, l'un ou l'autre pouvant invoquer un droit de propriété intellectuelle prétendument contrefait, auront ainsi pu connaître l'organisation des réseaux de commercialisation et les prix qui y sont pratiqués.

Or, pour les entreprises du commerce en ligne, de telles occasions ne manquent pas. Parmi les milliers de produits proposés sur les sites de vente en ligne, il suffit qu'un seul soit contrefaisant pour déclencher l'action du titulaire de droit. Combien de marques  sont enregistrées à la fois pour les produits qu'elles désignent effectivement et pour les services de la communication en ligne ? Et comment ne pas rappeler, ici, la question toujours difficile de l'emploi d'un produit ou d'un service marqué, mais sur un site destiné à l'exportation, au regard de ce même signe enregistré comme marque en France mais par un tiers à cette exploitation. "Signaler" une entreprise du commerce en ligne comme intervenant dans la distribution de ces produits ou de la fourniture de ces services argués de contrefaçon ne sera pas très compliqué puisque son site présentera ses produits ou ses services le plus souvent. Autrement dit, l'entreprise de e-commerce sera facilement identifiée et donc "signalée" par une simple requête tapée dans un moteur de recherche. Enfin, le e-commerce deviendra-t-il un lieu de prédilection pour l'application de ces collectes d'informations ? Les produits étant commercialisés en ligne, leur quantité et l'identité de leur acquéreur seront d'autant plus facilement obtenues que toutes ces données sont nécessairement gérées électroniquement donc connues et facilement localisables sinon appréhendables. Le glissement de la situation de fournisseur d'informations à celle de contrefacteur Ce n'est pas ici une simple question de sémantique. Pour certains droits de propriété intellectuelle, la simple détention de l'objet reproduisant le signe ou la forme protégés constitue un acte de contrefaçon. Ainsi l'entreprise de commerce en ligne qui, ayant crû bien faire ou sous la menace d'une astreinte, aura communiqué l'ensemble de ses informations commerciales, chiffre d'affaires compris,  risque de se voir opposer ses propres informations mais cette fois en sa qualité de contrefacteur pour voir sa responsabilité engagée sur ses propres documents financiers. Parmi les conséquences de ce changement de qualification issue de la nouvelle loi, soulignons également pour l'entreprise en ligne sujette à ce glissement vers la situation "de présumé contrefacteur", qu'elle peut dès ce moment se voir ordonner la saisie conservatoire de ses biens immobiliers et mobiliers, le blocage de ses comptes bancaires avec là aussi la communication des documents bancaires, financiers, comptables et commerciaux. Enfin, le but principal de la loi étant d'augmenter les dommages et intérêts bien que ceux-ci aient déjà augmenté depuis une dizaine d'années devant les juridictions françaises, ce nouveau texte élargit les postes financier à prendre en compte par le juge : le manque à gagner du fait de la contrefaçon, les bénéfices réalisés par le contrefacteur, le préjudice moral, et aussi les conséquences négatives. Ces dernières, en matière de commerce en ligne, pouvant être importantes quand le site bénéficie d'une fréquentation importante, originalité là aussi de mode de distribution qui pratique abondamment la mesure du trafic. Certes la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions dépendra du juge. Mais jusqu'ici les entreprises du commerce en ligne ne les ont guère convaincus pour écarter leur responsabilité en argumentant sur la distinction éditeur /hébergeur dans des affaires de contrefaçon justement. Autant dire que les entreprises du Net doivent revoir leur stratégie.