Evaluer l’impact des investissements publicitaires online sur les ventes physiques, la quête du graal ?

Les acteurs du digital ont toujours pu se targuer de fournir, contrairement à leurs confrères du monde physique, une mesure précise, individualisée et incontestable de la performance des investissements réalisés sur leurs supports.

Les annonceurs souhaitent désormais moins mesurer la performance des investissements digitaux sur des KPIs site-centric que l'impact de ces budgets sur les ventes physiques. Le poids du digital est désormais trop important (25 % du total plurimedia selon le SRI et l'IREP) pour que sa fonction seule et unique soit de générer de l'engagement sur un site web. Du constructeur automobile à la marque de grande consommation en passant par le distributeur « brick-and-mortar », l'enjeu est désormais de prouver qu'un euro investi en digital amène du chiffre d'affaires global. Si l'on ajoute qu'au sein même du digital, le parcours utilisateur est désormais fractionné entre mobile et PC, la mesure historique de la performance n'est plus qu'un vague (sous) estimatif de l'impact publicitaire digital.
Comment se détacher de la chaîne de mesure fournie par le cookie ?
Une première approche, dite probabiliste, consiste à estimer un intervalle de confiance pour affirmer que deux appareils correspondent à la même personne. Pour ce faire, des acteurs comme Drawbridge récoltent via des partenariats et les Adexchanges de larges volumes de données de localisation associées tantôt à un cookie (Desktop), tantôt à un identifiant (Mobile). Si cette méthode se présente comme fiable à 85-90 %, elle n'est pas applicable à la mesure online-to-offline et pose plus largement la question de la pertinence d’un calcul du ROI fondé sur des estimations.
Pour les annonceurs, la mesure du ROI ne saurait être estimative ou statistique
C’est d'ailleurs le point d'achoppement principal que rencontre à date Google dans l'adoption de son système de mesure cross-device et online-to-offline, déployé à grande échelle pour le premier, et en cours de déploiement pour le second. Il est en effet déjà possible de calculer un ROI consolidé Desktop/mobile pour ses investissements Adwords, en s'appuyant sur la masse anonymisée des utilisateurs loggés, et il sera bientôt possible de calculer l'impact sur les ventes en magasin en s'appuyant sur la flotte Android et la géolocalisation des mobinautes. Malheureusement, ces innovations, pourtant riches d’enseignement, peinent à trouver un écho auprès des annonceurs, qui ne souhaitent pas faire reposer leurs arbitrages budgétaires sur une estimation basée sur un échantillon, qui tout aussi volumineux qu'il puisse être, manque de transparence.
28 millions d’utilisateur loggés, est-ce bien assez ?
Pour pallier cette objection, Facebook fait le pari du croisement de données. Fort d'une base d'utilisateurs loggés inégalable (28 millions d'utilisateurs en France, dont 75% via mobile), Facebook propose désormais de mesurer l'impact de son programme publicitaire sur les ventes physiques en chargeant sa base de clients pour la comparer au bassin d'utilisateurs du réseau social, dans une mécanique similaire au Custom Audiences historique. Pour aller plus loin encore, le rachat de l’adserver Atlas, relancé il y a quelques mois, permet de mesurer l'impact de ses investissements digitaux web et mobile toutes régies confondues. Un constructeur auto peut donc désormais savoir combien de ventes en concession ont été influencées par une exposition web ou mobile, qu'il achète ou non de la publicité sur Facebook, en se basant sur ses propres données.
Pour autant, tous les clients physiques ne sont pas inscrits sur Facebook ou n'utilisent pas qu'une seule adresse email, si bien que le volume de conversions offline influencées par le digital n'est là encore qu'une approximation de la réalité, estimation qui devra être redressée statistiquement par l'agence en charge de la mesure, sur la base d’environ 50% de matching.
De plus, de nombreux annonceurs n'ont pas de base clients à croiser, ce qui est notamment le cas des marques de grande consommation.
Comment mesurer l’impact online-to-offline si on ne (re)connaît pas ses clients ?
Les enseignes de grande distribution disposent pour cela d’une carte maîtresse dans le jeu de la mesure du ROI online-to-offline : elles disposent de gigantesques bases données grâce aux cartes de fidélité. Via des logiciels d'onboarding de bases CRM comme Acxiom/Liveramp ou Datalogix, elles peuvent désormais fournir des analyses précises aux marques, qui peuvent compléter, si ce n'est remplacer les études de sortie de caisse dont Nielsen et Marketing Scan se sont fait une spécialité. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise de voir l'engouement des instituts d'étude pour le rachat de Dunnhumby, désormais filiale de Tesco spécialisée dans l'analyse de tickets et en pleine digitalisation via l'acquisition récente de Sociomantic.
Ironie du sort, le « graal » de la mesure des investissements digitaux se cacherait-il dans un hypermarché ?