Non, les marketplaces ne sont pas un format en fin de vie. Loin de là !

Les récents propos du patron de Salesforce Commerce Cloud quant au format marketplace, qu’il juge déclinant et sans intérêt pour Salesforce, nous semblent très éloignés des réalités du marché.

Le 28 mars dans le JDN, Jeff Barnett, CEO de Salesforce Commerce Cloud, expliquait pourquoi il ne croit pas dans le modèle des marketplaces. Ses arguments nous paraissent en bonne partie infondés.

  • "Nous ne croyons pas vraiment à ce business, à mon sens réservé aux pure-players. […] Si vous êtes Décathlon ou Carrefour, vous avez intérêt à réorienter votre business model pour développer vos marques propres et apporter plus de valeur à vos clients au travers d'expériences fluides et pertinentes."

Lorsque la stratégie d’une marque est de développer des produits toujours plus innovants, à l’instar de Décathlon, la création d’une marketplace n’est peut-être pas l’option à privilégier dans un premier temps. 

Cependant, le modèle de place de marché est bien loin d’être uniquement réservé aux pure-players. En effet, la création d’une marketplace est une solution bénéfique pour tout type d’acteurs : e-commerçant, pure-players, industriels, retailers, sociétés de services, médias, centrales d’achat et même marques, sur des marchés BtoC comme BtoB

  • "Les marketplaces sont un format en fin de vie."

Cette analyse va à l’encontre de nombreuses études, des nouvelles solutions technologiques, et de multiples cas concrets illustrant chaque semaine l’essor de ce modèle, quelle que soit l’industrie ciblée et la typologie du porteur de projet. 

La création d’une marketplace représente notamment pour les marques et les distributeurs un moyen idéal pour tester de nouvelles catégories de produits ou étendre sa gamme, sans avoir à acheter, produire, stocker, expédier, ou même gérer d’éventuels invendus. 

Lorsque les ventes de cette nouvelle catégorie décollent, on peut même l’intégrer en interne via un modèle de distribution traditionnel. Par exemple, si un distributeur de bicyclettes souhaite tester la vente de scooters, sa marketplace lui permet de mettre cette nouvelle catégorie à l’épreuve des acheteurs, avec une prise de risque opérationnelle et financière minimale.

Concernant les distributeurs, les bénéfices quant à la création d’une marketplace sont multiples : mettre en compétition les vendeurs pour proposer les meilleurs prix aux clients finaux, favoriser le cross-selling et la vente de produits complémentaires, accroître les stocks disponibles à la vente sans gérer les contraintes logistiques, augmenter le nombre de références et de bénéficier de la longue traîne, etc.

Adressée à des marchés BtoB, la marketplace trouve également une multitude de champs d’application : digitaliser des réseaux de fournisseurs, animer son réseau de professionnels ou même déployer un réseau de prestataires pour ses clients.

Le modèle d’innovation par l’intermédiation que représente la marketplace a déjà prouvé sa réussite et continue de croître fortement, au profit d’une multitude d’acteurs, dont les pure-players ne représentent qu’une partie. 

Finalement, Salesforce Commerce Cloud décrit une réalité liée à son principal segment de marché (les marques et leurs produits), sans prendre en compte la multitude de concepts que la marketplace favorise, et notamment les plateformes de services.

N’oublions pas que deux des plus grosses sociétés non cotées au monde, Uber et Airbnb, sont des marketplaces de services. Si Uber et Helpling avaient dû salarier leurs chauffeurs et aides ménagères, si Airbnb et Balinéa avaient dû acheter des biens immobiliers et des salons de beauté… ils n'auraient tout simplement jamais vu le jour.

C’est justement le modèle marketplace, leur permettant d'agréger aisément les réseaux existants d'une industrie et de les mettre en relation avec des acheteurs, qui a permis la réussite de sociétés, et a même initié le principe d’ “ubérisation”.

Pour conclure, l’analyse de Jeff Barnett est pertinente pour la cible adressée par Salesforce Commerce Cloud. Cependant, elle restreint considérablement le champ d’application des marketplaces, alors que le marché de l’économie à la demande devrait atteindre 100 milliards de dollars d’ici 2018, et que l'e-commerce B2B devrait connaître une croissance de 15% par an jusqu'en 2020...