Jeff Barnett (Salesforce Commerce Cloud) "Le mariage de Salesforce et Demandware va rendre l'expérience client encore plus pertinente"

Rapprochement des plateformes et des moteurs d'IA, vue unifiée du client, feuille de route produits… Le CEO de Commerce Cloud, ex-Demandware, détaille son intégration dans Salesforce.

JDN. Quels nouveaux scénarios d'usage va rendre possible l'intégration de Demandware, rebaptisé Commerce Cloud, à Salesforce ?

Jeff Barnett, CEO de Salesforce Commerce Cloud. © S. de P. Salesforce

Jeff Barnett. Demandware était très concentré sur le commerce unifié, car le parcours du consommateur peut l'emmener n'importe où : offline, online, réseaux sociaux... En ajoutant Salesforce, on peut dépasser l'acte d'achat et se positionner sur la totalité de l'expérience client, depuis le marketing jusqu'au service client. Il s'agit donc d'assembler toutes les composantes de ce parcours. Et comme, contrairement aux solutions concurrentes, tout est dans le cloud, on en tire les bénéfices associés : innovation continue, nouvelles fonctionnalités disponibles immédiatement, fiabilité et accessibilité partout dans le monde.

Que signifie ce rapprochement du point de vue de la data ?

Il est encore plus excitant ! Demandware collectait déjà beaucoup de données de navigation et d'achat. Nous avons vu transiter 16 milliards de dollars de commandes en 2016 : une échelle que seul Amazon égale. Et nous avions investi dans des technologies prédictives combinant IA et machine learning pour fournir, à partir de ces données, une expérience d'achat plus personnalisée. Aujourd'hui, nous pouvons aussi utiliser les inputs clients de Marketing Cloud et rassembler ce que l'utilisateur dit sur les réseaux sociaux, comment il réagit aux campagnes, ses relations avec le service client, ce qui s'est passé en magasin, ce qu'il a acheté en ligne... Le mariage de Salesforce et Demandware va permettre d'obtenir une vue unifiée du client grâce à laquelle nous allons pouvoir rendre son expérience encore plus pertinente.

Qu'y gagneront vos clients ?

Prenons l'exemple de L'Oréal qui utilise Commerce Cloud, Marketing Cloud et Service Cloud. Imaginez un consommateur qui réagit aux publicités Facebook de Lancôme. Quand ce client apparaît en magasin, nous connaissons ses données d'engagement marketing et pouvons adapter le service apporté. En boutique, nous en apprenons davantage : quels produits il regarde, s'il recherche les promotions, s'il est une femme... Dans la prochaine campagne marketing ou lorsqu'il appellera le call center pour trouver un produit de remplacement, nous en tiendrons compte pour pousser les références les plus pertinentes. L'identité du consommateur sera au centre de tout et alimentera tous les points de contacts.

"Sur le mobile, les anciens vecteurs marketing tels que Google Adwords sont en déclin"

Quelle est la place du mobile dans votre approche ?

Il devient de plus en plus central, car il permet de connecter l'expérience du client qu'il soit en boutique, sur Pinterest, sur votre site marchand ou dans la rue. Toutes ces connections peuvent en particulier alimenter l'expérience en magasin. Par exemple pour réduire la friction dans le paiement, en payant en "one touch" avec Apple Pay, que nous avons récemment intégré à Safari.

Vous travaillez aussi beaucoup sur les réseaux sociaux…

Nous désirons exploiter les bases de fans de nos marques pour parfaire l'expérience client. Les grandes marketplaces ont rencontré beaucoup de succès ces dernières années, mais elles ont aussi beaucoup désintermédié les marques des clients. Or désormais, ce sont les médias sociaux qui accaparent l'attention des consommateurs, qui passent en moyenne 3 ou 4 heures par jour sur leur mobile entre les apps des réseaux sociaux, de messaging et de productivité pour le travail. Ceci se fait au détriment du navigateur et change donc complètement la façon dont les marques doivent se connecter au consommateur. Nous les accompagnons dans ce sens car sur le mobile, les anciens vecteurs marketing tels que Google Adwords sont en déclin. A l'inverse, les ventes en ligne issues des médias sociaux affichaient une croissance à trois chiffres à Noël 2016. Donc il faut recâbler tout ça.

En 2016, Salesforce a revu son interface graphique et sorti Lightening, qui permet par exemple à un responsable métier de modifier le tunnel d'achat par simple glisser-déposer. Commerce Cloud va-t-il en bénéficier ?

Commerce Cloud va pouvoir exploiter de nombreux atouts de Salesforce, dont Lightening. Plus largement, nous réfléchissons aux produits de Salesforce que nous souhaitons utiliser à court terme dans Commerce Cloud, en fonction de la valeur qu'ils apporteront à nos clients. La priorité est l'intégration renforcée avec Marketing Cloud et Service Cloud. Pour le reste, nous aurons finalisé la feuille de route initiale d'intégration pour le début de notre prochain exercice, le 1er février 2018.

La couche d'intelligence artificielle de Salesforce, Einstein, sera-t-elle aussi portée sur Commerce Cloud ?

Commerce Cloud dispose déjà de capacités prédictives en matière de recommandations, d'e-mails, d'assortiment… Nous allons lancer encore d'autres fonctionnalités prédictives cette année, notamment sur la recherche on-site et le merchandising. Historiquement, c'est au travers des reportings de nos équipes "customer success" que nous transmettions à nos clients les comportements utilisateurs avec lesquels affiner leur merchandising. Grâce à Einstein, nous allons incorporer cela à nos outils. Les équipes marketing verront que la couleur rouge est en vogue dans telle catégorie de produits et pourront décider de merchandiser plus de rouge.

"Les marketplaces sont un format en fin de vie"

En parallèle de la feuille de route produits, nous travaillons à rapprocher Einstein de ce que nous avons débuté côté Demandware, pour parvenir à une plateforme commune dotée d'un seul data-set rassemblant ce que nous savons du client, et au-dessus de laquelle un unique moteur d'IA et de machine-learning supportera la totalité de nos applications : Service, Sales, Commerce et Marketing. Pour l'instant, chaque cloud réalise ses propres investissements Einstein. Les rassembler rendra l'ensemble bien plus puissant.

Salesforce n'a pas de solution de marketplace. Comptez-vous en racheter ou en bâtir une ?

Nous ne croyons pas vraiment à ce business, à mon sens réservé aux pure players. Il faut certes permettre aux marques de mieux utiliser ce canal, car le consommateur doit pouvoir acheter là où il le souhaite. Mais si je suis Lacoste et que je vends sur Amazon, ce qu'il me faut, c'est un gestionnaire de flux qui sait porter mon catalogue, mes contenus et ma stratégie de merchandising sur Amazon, ce que Commerce Cloud sait déjà faire. Pas ouvrir une marketplace.

En France, beaucoup de marchands en lancent, y compris chez les click&mortar. Votre parti pris provient-il du fait que la plupart de vos clients sont des marques ?

Nous avons aussi des clients marchands, comme House of Fraser, Marks&Spencer ou Karstadt. C'est une opportunité pour nous car le retail est aujourd'hui en état de siège, du fait que les consommateurs sont face à un choix illimité. Si vous êtes Décathlon ou Carrefour, vous avez intérêt à réorienter votre business model pour développer vos marques propres et apporter plus de valeur à vos clients au travers d'expériences fluides et pertinentes. C'est cela que nous voulons faciliter, et non la création de marketplaces, un format que nous jugeons en fin de vie.

Beaucoup de clients de Demandware l'utilisaient avec le CRM de Microsoft, Dynamics. Cette intégration va-t-elle perdurer ?

Notre philosophie a toujours été l'ouverture de notre plateforme. Chez Demandware comme chez Salesforce, nous avons beaucoup investi pour pouvoir accueillir les meilleurs outils tiers. Ce ne sera pas différent avec Dynamics et les autres outils de CRM. Beaucoup de nos clients utilisent ces solutions et il est important de pouvoir continuer à leur apporter de la valeur.

Est-ce pour faciliter cette ouverture, cette coopétition, que vous avez créé Commerce Cloud comme une entité séparée de Sales Cloud ?

Pas vraiment, puisque cette valeur est centrale aussi pour Salesforce. En conservant Demandware en tant que business unit, Salesforce a voulu protéger la qualité de ses produits et apprendre de son expertise. C'est vrai aussi de Marketing Cloud ou de Service Cloud. Commerce Cloud est un business de taille significative, avec beaucoup de complexité, qui se positionne sur un marché en forte croissance. Salesforce a voulu le soutenir afin qu'il coure encore plus vite.