Comment les marques doivent se préparer à l'âge des assistants

Selon le dernier Ericsson Mobility Report, le monde devrait compter près de 30 milliards de terminaux connectés à l'horizon 2023 dont une minorité de smartphones. Si les marques savent déjà s'adresser aux consommateurs via un écran tactile, elles doivent dès maintenant s'engager dans une réflexion "voice centric".

En janvier 2017, la Mobile Marketing Association France avait publié un article pointant l'omniprésence d'Amazon et de sa technologie Alexa lors du Consumer Electronic Show de Las Vegas. Un an plus tard, force est de constater que l'assistant d'Amazon a une nouvelle fois volé la vedette aux autres constructeurs, en équipant non seulement des dizaines de millions de "Smart Speakers", vendus par Amazon cette année, mais également près de 200 objets connectés différents, de l'autoradio en passant par la machine à laver, des lampes ou des réfrigérateurs.

Quelle sera la plate-forme de l'IoT ?

Selon le dernier Ericsson Mobility Report, le monde compte aujourd'hui 1,6 milliard d'ordinateurs, historiquement dominés par Microsoft et son système d'exploitation Windows, environ 7,5 milliards de téléphones mobiles, désormais contrôlés par Apple (iOS) et surtout Google (Android) et déjà plus de 7 milliards d'objets connectés mais qui ne sont encore contrôlés par aucun géant du numérique.

"The Winner takes all" et Amazon, avec Alexa, Google, avec son Assistant, Apple avec Siri ou Samsung, avec Bixby, cherchent bien évidemment à s'imposer pour faire de leur assistant la "plate-forme" qui équipera les 20 milliards d'objets connectés qui seront en circulation à l'horizon 2023.

Quelle stratégie pour les marques ?

Dans cette nouvelle ère technologique, déjà baptisée "ère des Assistants" par Google, les marques, doivent sans doute remettre à plat leur stratégie afin de s'adresser aux consommateurs via les milliards d'écrans mobiles (smartphones et tablettes) mais également demain via des objets connectés potentiellement dépourvus d'écrans mais disposant d'un assistant vocal.

Si les sites web et les emails auront été les outils de référence sur ordinateur fixe et que les applications se sont imposées sur les smartphones, les interfaces pour les objets connectés sont encore à inventer et les marques doivent se poser dès maintenant plusieurs questions stratégiques

Question N°1 : Quelle implication dans l'internet des objets ?

A la fin des années 90, avant la domination de Google dans le search ou d'Amazon dans le commerce, beaucoup de marques pariaient sur la vente directe, quitte à court-circuiter leurs partenaires marchands. Dans cette nouvelle ère des assistants qui s'annonce, les marques peuvent également se poser la question en concevant elles-mêmes leur assistant, pourquoi pas sous la forme d'un objet connecté et dédié à leur service. En effet, pourquoi faudrait il passer par Amazon et son Smart Speaker pour commander de nouvelles dosettes pour sa machine à café si celle-ci sait déjà se connecter au Net ?

Par manque d'investissement dans le matériel ou le logiciel, certaines grandes marques risquent ainsi de rater l'occasion d'une désintermédiation et de n'avoir comme option que le lancement d'un service vocal sur la plate-forme d'un géant du numérique. Si cette stratégie pragmatique peut se comprendre pour une entreprise de taille moyenne, elle n'est sans doute pas une fatalité pour une multinationale.

 Question N°2 : Comment intégrer la multimodalité ? 

Si les Smart Speakers ont démocratisé l'usage de la voix, l'ère des assistants qui s'annonce imposera en réalité une approche multimodale, mixant l'écrit et l'oralité. On le voit déjà avec Apple Siri, affichant sur l'écran de l'iPhone ou la Watch les réponses à une question posée oralement, mais également avec le nouveau Amazon Echo Spot, adoptant un petit écran en plus du haut parleur : les assistants combineront différentes interfaces hommes-machine, en fonction des contextes.

Si le consommateur est derrière son écran, la marque peut ainsi opter pour un assistant son forme de chatbot. Mais si il est dans la cuisine ou derrière son volant, c'est sans doute la voix qui sera le plus adapté. Cela signifie qu'il ne suffit pas de faire un service vocal. La marque doit penser son assistant dans une logique multimodale, en combinant chatbot et voicebot,dans une logique conversationnelle, et en intégrant le contexte d'utilisation pour proposer la meilleure interface.

Question N°3 : Quelle identité pour mon service ?

La troisième grande question que doit se poser une marque est sans doute celle de son identité à l'ère des assistants digitaux. Faut-il privilégier sa marque (ok Google) ? Créer une marque (hey Alexa) distincte de celle de son groupe (Amazon) ? Cette voix doit-elle être masculine ? Féminine ? Personnalisable ? Identique dans tous les pays ? A travers le temps ?

A l'instar de la SNCF, qui a entrepris de numériser sa célèbre "Simone", pour que sa voix chaleureuse survive au départ à la retraite de l'actrice qui enregistrait les bandes son de l'entreprise, les marques doivent dès maintenant imaginer l'identité et "l'UX vocal" de leur futur assistant qui sera l'ambassadeur de leur marque pour les prochaines années.

Question N°4 : Quelle population je veux toucher ?

L'une des questions posées par ces assistants est également la possibilité de toucher de nouvelles populations potentiellement sensibles. Si les parents avaient la possibilité de contrôler l'accès au téléviseur familial de leur progéniture, il est pratiquement impossible d'empêcher un enfant d'interagir avec un assistant vocal, en particulier si ce dernier équipe demain des dizaines d'objets connectés de son domicile.

Si les marques sécurisent l'accès à une application marchande ou bancaire depuis un écran tactile, il ne faudrait pas qu'elles permettent à n'importe qui de pouvoir consulter un solde bancaire ou de passer une commande, sous prétexte qu'il utilise un assistant vocal..

Question N°5 : Quel business model ?

La dernière question est sans doute la plus délicate mais la plus importante : comment gagner de l'argent avec un assistant ? Pour le moment, il n'existe que quelques dizaines de milliers de "Skills" Amazon et quelques centaines de milliers de "chatbots" Messenger. En dehors de quelques "POC" permettant d'automatiser la relation client ou de décharger un SAV des tâches à faible valeur ajoutée, il existe pour le moment peu de retours d'expérience convaincants sur un plan financier. En France, les premiers services sur Google Home ne sont même pas encore transactionnels, se limitant à de l'information client, version 2.0 du bon vieux serveur vocal interactif.

Mais ces débuts laborieux sont à mettre en parallèle avec les difficultés économiques des premiers sites web ou des premières applications. Le vocal et plus globalement les "assistants" vont révolutionner les relations entre les marques et les consommateurs, sans doute plus rapidement qu'on ne le pense.

Pour aider les marques à mieux comprendre ces nouveaux environnements, la Mobile Marketing Association France a d'ailleurs finalisé un guide sur la voix et les VoiceBots intégrant quelques données marché et des retours d'expérience d'entreprises telles que Oui.SNCF, Nestlé France ou Monoprix.

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