Fernando Nogueira (MC Saatchi Mobile) "Le business model des applications mobiles est condamné"

L'un des fondateurs de l'agence MC Saatchi Gad, Gilles Masson, et Fernando Nogueira, directeur général de MC Saatchi Mobile expliquent pourquoi ils ont décidé de se lancer dans l'aventure du marketing mobile et quel avenir ils lui prévoient.

Pourquoi avez-vous décidé d'ouvrir une agence de marketing mobile en France ?

Gilles Masson. Ce n'est un secret pour personne, si le marché du  marketing mobile est pour le moment microscopique en termes de chiffre d'affaires, il sera bientôt très porteur. On compte en France 19 millions de mobinautes pour presque 50 millions de détenteurs d'un téléphone. Ils seront 50% à l'issue de 2012, 50% d'utilisateurs pour qui le mobile sera le premier point d'accès aux marques, aussi bien online... qu'instore là où le smartphone jouera le rôle d'aide à la décision d'achat ou de fidélisation. Tous ces éléments sont à mettre en perspective avec le fait que seules 12% des entreprises ont pour l'instant un site mobile, preuve que le marché n'en est pour l'instant qu'à ses prémices.

Quels sont vos objectifs dans le marketing mobile, un milieu très concurrentiel ? Comment pensez-vous vous différencier ?

Gilles Masson. On a, pour des raisons comptables, établi quelques objectifs à atteindre en fin d'année mais je privilégie de loin le qualitatif au quantitatif. Je préfère que l'on ait acquis notre légitimité sur ce marché, que l'on ait décroché une compétition européenne et, disons, trois gros clients, plutôt que l'on explose tout en termes de chiffres d'affaires, sans pour autant avoir mené d'opération de qualité. Pour y arriver, nous comptons bien sûr tirer profit de l'expérience d'Insight Mobile, le leader du marketing mobile aux UK, avec qui nous avons créé l'agence en joint-venture. Au-delà de cette expertise, nous voulons pousser un peu plus loin le credo du "village" MC Saatchi Gad : décloisonner les métiers du marketing.

"Privilégier l'expérience utilisateur à la techno"

Il s'agit de faire en sorte que si un client nous expose un brief, on puisse lui renvoyer une réponse rapidement et associer les différents talents issus de nos agences : digital, création, marketing direct, social media.... Tout cela en nous préoccupant plus de l'expérience utilisateur que de la techno, aspect qui, à mon avis, préside trop souvent aux décisions des agences de marketing mobile actuelles.

Pourquoi, selon vous, les applications mobiles pourraient-elles être amenées à disparaître ?

Fernando Nogueira. Cela peut paraître présomptueux d'affirmer que le business model des applications mobiles est condamné alors que leur nombre ne cesse de croître, c'est pourtant une réalité qui nous paraît envisageable. Avec près de 600 000 applications existantes sur l'App Store et 550 000 sur l'Android Market, sortir du lot est devenu de plus en plus difficile. Une difficulté qui a même incité certaines marques à recourir à des méthodes peu reluisantes telles que le téléchargement "incentivé" ou les fermes de téléchargement pour apparaître en tête de gondole (Lire l'article, Apple veut faire le ménage parmi les accélérateurs de ranking dans l'App Store, du 08/02/212).

"Les mobinautes accumulent les applications et ne s'y retrouvent plus"

Par ailleurs, on constate que les mobinautes, qui accumulent les applications et doivent sans cesse les classer, n'arrivent pas toujours à s'y retrouver alors qu'en réalité ils n'en utilisent qu'une poignée. Et puis, demandez-vous quel est le réflexe d'une personne cherchant une information sur son smartphone. Télécharger l'application mobile qui y répondra ? Non, il passera par un moteur de recherche. En cela, nous pensons qu'un parallèle est possible avec l'essor de Google, alors simple moteur de recherche, au détriment de Yahoo et ses multiples rubriques, qui était pourtant l'une des sociétés phares du début du web.

Quelles sont donc pour vous les alternatives ?

Fernando Nogueira. Au regard de cette utilisation croissante du navigateur au détriment des applications, on peut dire qu'une marque à tout intérêt à se doter d'un site conçu pour le mobile afin de tirer profit de la navigation native de son OS. Nous réfléchissons, par ailleurs, aux moyens de limiter cette profusion d'applications mobiles sur l'interface. La technologie sans contact du NFC (Near Field Communication, technologie de communication entre puces utilisée dans le cadre du paiement mobile, NDLR) qui permettrait le recours à des applications jetables, utilisables uniquement le temps de l'expérience magasin, est une piste intéressante. Reste encore à en définir les modalités exactes...

Co-fondateur de l'agence de communication, MC Saatchi Gad, Gilles Masson a longtemps baigné dans le milieu des grandes agences de publicité avant de se lancer dans l'aventure entrepreneuriale, enchaînant les postes à responsabilités chez BETC Euro RSCG, Publicis Conseil ou Léo Burnett.

Fernando Nogueira a rejoint l'aventure MC Saatchi Mobile début octobre 2011 en tant que directeur général. Cette nomination vient concrétiser des années d'expérience chez Vodafone et Phonevalley.